Filière REP Déchets du bâtiment : un décret assouplit l’obligation de reprise des distributeurs
Un décret, paru ce 21 novembre, permet aux distributeurs de matériaux de construction de déroger à la règle qui les oblige à accueillir sur leur site un point de collecte. Faute d'exclure les déchèteries publiques des installations de reprise, le réseau Amorce s'oppose à ce texte qui vient modifier une filière qui n’a pas encore fait ses preuves.
Le décret visant à permettre aux distributeurs de déroger à l’obligation de reprise sur le lieu de vente ou à proximité immédiate des déchets issus des produits et des matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB) est paru ce 21 novembre. Il s’agit de "simplifier la mise en œuvre de ce dispositif pour la filière du bâtiment compte tenu des caractéristiques des déchets à reprendre", justifie le ministère de la Transition écologique. Les commerces de produits de construction manquent d'espace et seraient incapables d'assumer les investissements nécessaires à la collecte de ces déchets sur leurs sites.
Amorce conteste le principe de ce changement de règles "au vu du peu de recul sur cette filière dont les effets se font encore attendre". La mise en œuvre opérationnelle de cette filière REP, la plus importante en termes de quantités de déchets concernés, a commencé avec retard en 2023 suite à l’agrément délivré à quatre éco-organismes (Ecominero, Ecomobilier, Valobat et Valdelia) pour répondre aux exigences du cahier des charges annexé à l’arrêté ministériel du 10 juin 2022.
Jusqu’à présent, les points de vente disposant d'une surface de vente de PMCB de plus de 4.000 m² doivent proposer une reprise gratuite et sans obligation d’achat (reprise dite de "un pour zéro") des déchets du bâtiment. Avec ce seuil, ce sont près de 4.500 points de vente qui sont théoriquement concernés par l’obligation de reprise, aboutissant, selon la Fédération des distributeurs de matériaux de construction (FDMC) "à une démultiplication inutile de points de collecte que la loi oblige à financer". La FDMC a d’ailleurs réitéré à plusieurs occasions sa demande, formulée de longue date, de porter le seuil d’assujettissement des points de vente des distributeurs, de 4.000 m2 à 10.000 m2. Tel n’est pas l’objet du décret.
La dérogation apportée aux conditions de reprise va cependant dans le sens des attentes des professionnels. Le texte leur permet d’organiser cette reprise par le biais de points de collecte "situés au plus à 5 km du lieu de vente". Sur ce point la rédaction diffère légèrement du texte initial (suppression du seuil de 3 km). L’obligation pour l’installation de reprise d’être incluse dans le maillage territorial prévu à l’article R.543-290-5 du code de l’environnement est en outre supprimée.
Pas d’exclusion des déchèteries publiques
Le texte a aussi été modifié pour permettre aux distributeurs de reporter leur obligation dans plusieurs installations de reprise. Plusieurs conditions sont fixées : chaque personne susceptible de se présenter chez le distributeur pour déposer des déchets de PMCB est accueillie dans au moins une de ces installations ; l’installation doit reprendre sans frais l’ensemble des PMCB que le distributeur est tenu de reprendre. "Ainsi, un distributeur peut envoyer les détenteurs de déchets professionnels vers une déchetterie privée et les détenteurs particuliers vers une déchetterie publique", indique la synthèse de la consultation publique.
Le texte prévoit que le distributeur s’assure de l’accord des installations de reprise par le biais d’une convention, signée avec chacune d’entre elles, et transmise à l’éco-organisme en contrat avec l’installation de reprise.
Une installation peut assurer les obligations de reprise de plusieurs distributeurs dès lors qu’elle dispose des capacités pour accueillir la quantité totale de produits usagés qui en résulte, précise-t-il.
Le distributeur doit informer ses clients de cette offre sur le lieu de vente : nom, adresse, coordonnées et horaires d'ouverture de chacune de ces installations ainsi que les catégories d'utilisateurs pouvant y être accueillies
La collecte conjointe est aussi ouverte aux installations de reprise dans le cadre de la dérogation. "Cela concerne les déchèteries privées puisque la collecte conjointe est déjà permise pour la reprise chez les distributeurs et les déchetteries publiques", précise le ministère.
Amorce et les autres associations de collectivités ont proposé de modifier un point du texte pour exclure clairement les déchèteries publiques des installations de reprise des déchets concernées par cette disposition. Cette requête n’a pas été retenue…
Pour Amorce, cette simplification de l’obligation de reprise par les distributeurs "ne doit pas inciter les distributeurs à choisir la facilité et orienter leurs clients vers les déchèteries publiques, qui font déjà face à des contraintes d'espace et d’organisation pour mettre en œuvre cette REP". "Rien ne dit que les éco-organismes ne pourraient pas trouver un nouvel argument pour faire pression sur les collectivités locales pour qu'elles acceptent, faute d'autres solutions, les déchets des clients de commerces de PMCB", regrette-t-elle.
Référence : décret n° 2024-1046 du 19 novembre 2024 relatif aux conditions de mise en œuvre de l'obligation de reprise sans frais et sans obligation d'achat, par les distributeurs, des déchets issus des produits ou des matériaux de construction du secteur du bâtiment, JO du 21 novembre 2024, texte n°11. |