Feux de forêt : la saison 2023 officiellement lancée, les forces prêtes à "faire eau"
Le 1er juin marque le début officiel de la saison des feux de forêt. En déplacement demain sur la base aérienne de sécurité civile de Nîmes-Garons, érigée à compter de ce jour "en poste avancé" de la lutte contre les incendies, le président de la République y lancera officiellement le service "Météo des forêts", mis en oeuvre par Météo-France pour sensibiliser les Français à ce risque. La France comme l’Union européenne ont par ailleurs renforcé leurs réserves opérationnelles en prévision d’une saison – déjà lancée en pratique – qui s’annonce très chaude.
Ce 1er juin, début de l’été météorologique, marque aussi le lancement officiel de la saison des feux de forêt en France. Et avec lui l’entrée en vigueur de plusieurs dispositifs annoncés par le président de la République en octobre dernier pour éviter de revivre "une saison en enfer" (voir notre article du 28 octobre 2022).
Des moyens supplémentaires en France…
Il en est ainsi du "poste avancé" chargé de la coordination nationale des moyens aériens et terrestres, officiellement établi ce 1er juin sur la base aérienne de sécurité civile de Nîmes-Garons. Le président de la République s’y rendra d’ailleurs demain – accompagné des ministres Marc Fesneau, Christophe Béchu et Dominique Faure – "pour échanger avec les acteurs mobilisés sur le terrain pour préparer l’été 2023".
Ce 2 juin (une parution reportée d’un jour pour laisser la primeur au président) sera également lancée la "météo des forêts", une carte de prévisions qui sera désormais diffusée chaque jour en fin d’après-midi par Météo-France. Elle indiquera le risque de feu – et pas les incendies en cours – via la traditionnelle échelle chromatique de l’établissement (vert, jaune, orange et rouge). "Ce dispositif vise à informer et surtout sensibiliser les Français aux risques de feu. Il vient en plus de ceux pris par ailleurs par les maires et les préfets" (voir notre article du 10 mai 2023), précise le contrôleur général de sapeurs-pompiers professionnels, Bruno Ulliac.
Dans un format plus opérationnel, Météo-France détachera également des prévisionnistes spécialisés auprès des centres opérationnels des zones de défense Sud (Marseille) et Sud-Ouest (Bordeaux), ainsi qu’au sein du centre nîmois. L’établissement doit en outre étendre cette année son dispositif d’assistance renforcée dédié aux acteurs de la lutte contre les feux et la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) à 35 départements de métropole (contre 15 actuellement), couvrant les zones de défense Sud et Sud-Ouest ainsi que les départements de l’Ardèche et de la Drôme. Une nouvelle extension à la zone de défense Ouest est prévue l’an prochain. Elle portera alors la couverture à 55 départements.
Comme annoncé là encore par le président de la République, puis par son ministre de l’Intérieur (voir notre article du 12 avril), des moyens supplémentaires de lutte contre les incendies ont par ailleurs été prévus. La France a notamment loué du matériel. "10 hélicoptères bombardiers d’eau et 5 avions" (1 Dash, emportant 10.000 litres d’eau, et 4 Air Tractor®, des monomoteurs américains initialement conçus pour l’épandage agricole, en emportant le tiers), selon le décompte de Bruno Ulliac. Il ajoute qu’ "un effort particulier a également été fait pour mobiliser 51 colonnes de renfort au sol, contre 30 l’an passé".
… et dans l’Union
La France n’est pas la seule à se mobiliser. Comme espéré par la présidente de la Commission européenne (voir notre article du 19 septembre 2022) dans son dernier "discours de l’état de l’Union" (voir notre article du 14 septembre 2022), le mécanisme de protection civile de l’Union (MPCU - voir notre article du 10 mars 2020) vient de doubler la capacité aérienne de lutte contre les incendies de la réserve rescUE, service de mutualisation de ressources entre les 27 États membres de l’UE et 9 États partenaires. Du 15 juin au 31 octobre, ce seront 28 aéronefs (24 avions et 4 hélicoptères, dont 2 avions et 1 hélicoptère provenant de la France – contre 13 l’an passé) qui seront prêts à "faire eau" en cas de demande. Pour tenir compte de la nouvelle géographie des incendies – qui touchent de plus en plus l’Europe centrale depuis 2017 –, une nouvelle répartition a été retenue, qui va désormais au-delà du sud de l’Europe.
De même, 443 sapeurs-pompiers venant de 11 pays d’Europe centrale et du nord seront prépositionnés en Grèce (205 pompiers, dont 20 Français), au Portugal (64) et en France (174, venant d’Autriche, de Pologne, de Roumanie et de Slovénie). Outre un renfort bienvenu, ces mises à disposition permettent partage d’expertise et échanges de bonnes pratiques, explique Bruno Ulliac. 75% des coûts de mobilisation de ces aéronefs et personnels (soit 25 millions d’euros, précise Claire Kowalewski, experte française détachée auprès du centre de coordination de la protection civile européenne), 100% des coûts de transport en cas de déploiement et 75% des coûts opérationnels en cas de mobilisation de ces moyens sont financés par l’Union européenne (et même 100% pour un déploiement dans l’un des 9 États partenaires).
Cette réserve rescUE s’ajoute aux moyens disponibles dans la réserve européenne de protection civile, qui compte 4 Canadairs (venant à parts égales de la France et de la Grèce), 5 équipes de lutte terrestres sans véhicule (dont 2 venant de France), 7 équipes avec véhicules (dont 2 venant de France) et deux équipes espagnoles de conseil et d’évaluation.
Par ailleurs, une cellule d’analyse et de coordination dédiée aux feux de forêt sera mise en place du 19 juin au 14 septembre au sein du centre de coordination de la réaction d’urgence – qui fête ses dix ans – du MPCU. Et cette année encore, le service Copernicus de cartographie satellitaire des situations d’urgence de l’UE pourra être activé pour suivre les feux de forêt (328 cartes de zones touchées générées l’an passé, dont certaines à la demande de la France).
Créé en 2001, le MPCU a été activé 11 fois pour les seuls feux de forêt en 2022, dont 2 à la demande de la France (une en juillet, une en août). Il l’a également été, pour la première fois, par l’Allemagne et la République tchèque.
Une saison déjà bien entamée
Mais les feux n’ont pas attendu ce lancement officiel pour sévir. "En pratique, la saison a déjà commencé", déplore Bruno Ulliac (il n’y a plus de saison des feux, soulignait d’ailleurs naguère Grégory Allione, alors président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers (voir notre article du 17 juin 2022). À l’appui, il évoque les feux dans les Pyrénées-Orientales ou encore "un départ de feux assez important dimanche en forêt de Fontainebleau". "Le début de l’année laisse augurer une année inquiétante", alerte-t-il. La situation européenne est du même acabit : "On est déjà sur une tendance qui n’est pas bonne, bien au-dessus des moyennes", observe Claire Kowalewski. La courbe reste encore en deçà de celle tracée l’an passé, qui constitue, pour l’heure, une année record – "plus de 70.000 hectares détruits en France", rappelle Bruno Ulliac ; "un pic pour le nombre de feux en Europe", ajoute Claire Kowalewski, 2017 restant l’année où les surfaces brûlées en Europe ont été les plus importantes. Mais l’on s’en approche dangereusement.