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Flotte aérienne de la sécurité civile : la Cour des comptes pointe un manque d'anticipation

Le renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile est évalué à 1,3 milliard d'euros dans les 10 ou 15 prochaines années, mais elle n'est pas suffisamment anticipée, estime la Cour des comptes dans un référé rendu public le 3 octobre. Si la Lopmi en cours d'examen prévoit bien des moyens supplémentaires (dans son rapport annexé), elle ne s'appuie sur aucun document stratégique ou d'orientation formalisé, déplore-t-elle.

Alors que l’été a été catastrophique pour les forêts françaises, avec 65.000 hectares brûlés, la Cour des comptes dresse un diagnostic sévère de la gestion de la flotte aérienne de la sécurité civile. Dans un référé publié le 3 octobre (mais daté du 26 juillet, soit en plein coeur de l'été) adressé au ministère de l’Intérieur, elle pointe "les imprécisions de la vision stratégique" de la direction générale de la sécurité civile et de gestion des crises (DGSCGC). Imprécisions qui pourraient "réduire sa capacité à affronter les défis majeurs que constituent l’aggravation du risque de feux de forêts et le renouvellement de la flotte d’aéronefs". Ce renouvellement dans les dix années à venir représente un "enjeu décisif", estime la Cour. Le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (Lopmi), en cours de discussion au Sénat, prévoit une bien augmentation des moyens consacrés à la sécurité civile entre 2023 et 2027, avec la création de 200 postes et le financement de 36 hélicoptères. Mais elle ne s’appuie sur aucun document stratégique ni document d’orientation formalisé relatif à l’évolution de ses missions ou à la programmation pluriannuelle de ses investissements, relève la Cour. C’est pourquoi elle préconise d’établir un "contrat opérationnel" pour chaque moyen national de la sécurité civile afin d’en déduire des "plans d’investissement triennaux ou quinquennaux" dans les domaines de l’équipement, des ressources humaines et de l’infrastructure.

Un renouvellement estimé à 1,3 milliard d'euros

Le référé précise que la DGSCGC est "confrontée au besoin de renouvellement" de ses flottes d’hélicoptères et de Canadair vieillissantes, dans un délai de 10 à 15 ans, pour un coût estimé à 1,3 milliard d’euros. Or la gestion de ce parc requiert une "meilleure anticipation". La DGSCGC saisit des opportunités "ponctuelles" pour compenser "l’attrition de ses flottes", comme le recours au plan de relance pour acheter quatre hélicoptères H 145 ou au programme européen RescEU mobilisé pour l’achat de deux Canadair. Des initiatives "louables" mais qui ne permettrait pas, par exemple, de "faire face à la défaillance d’un industriel aéronautique, ni de mesurer de façon objective l’intérêt de nouveaux types d’aéronefs (hélicoptères lourds, avions bombardiers d’eau plus légers)"… Ce manque d’anticipation concerne aussi les recrutements et la maintenance des appareils.

Voilà qui tranche en tous cas avec la visions de la "flotte la plus moderne d’Europe" vantée par le ministre Gérald Darmanin devant la commission des lois du Sénat, le 21 septembre (voir notre article du 23 septembre 2022). Et alors que ce dernier préconisait une "mutualisation" des 36 hélicoptères prévus par le rapport annexé de la Lopmi avec la gendarmerie (notamment pour la surveillance des forêts), la Cour met en garde contre "une confusion des rôles des diverses flottes d’hélicoptères de service public qui pénalise la sécurité civile". Car "près de 70% des heures de vol de la flotte de la DGSCGC sont consacrées à des missions d’aide médicale d’urgence". À eux seuls, les transports inter-hospitaliers représentent 18% des heures de vol en 2020. Or "ils devraient normalement relever des Hélismur". La Cour suggère d'engager une discussion interministérielle "sur les missions et les implantations des hélicoptères de service public selon des critères objectifs, tout en repositionnant la sécurité civile sur son cœur de métier (secours à la personne en milieux périlleux, feux, catastrophes naturelles…)".

Enfin, la rue Cambon invite à repenser la carte des lieux d’implantations qui connaît aujourd’hui des chevauchements ou au contraire des zones non couvertes, dans le Nord de la France en particulier.

"Arriver à des solutions plus souples"

Réagissant à la publication du référé, Olivier Richefou, président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (Cnsis), a appelé à un sursaut collectif. "L’été est terminé, mais il nous faut continuer d’agir. L’ensemble de la Cnsis : État, départements, communes, organisations syndicales, Ensosp, FNSPF, Andsis sont prêts à travailler ensemble sur ces problématiques", affirme-t-il, dans un communiqué du 6 octobre. "Les usines de Canadair ont un temps de production que nous ne laissera pas le réchauffement climatique. C’est pourquoi il nous faut arriver à des solutions plus souples avec des hélicoptères dotés de capacité de largage, ou bien par des avions militaires", préconise-t-il. Olivier Richefou insiste aussi "sur la nécessité d’intégrer la coopération européenne dans les réflexions sur l’évolution de la flotte aérienne, et ce notamment sur les programmations pluriannuelles". À cet égard, la Commission européenne vient de proposer un budget de 170 millions d’euros "pour renforcer les moyens terrestres et aériens de son Mécanisme européen de protection civile, "RescEU", à partir de l’été 2023". Cette flotte dite "de transition" disposera alors de 22 avions, 4 hélicoptères et d’autres équipes au sol pré-positionnées. Elle sera renforcée par l’acquisition de nouveaux appareils à partir de 2025 pour constituer une flotte permanente. Ce qui prendra plusieurs années, car la production de certains appareils a été suspendue (voir notre article du 19 septembre 2023).