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Faire des CRTE de futurs "petits contrats de plan" ?

L'absence de visibilité sur les financements est l'une des critiques les plus courantes sur les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) en cours de mise en oeuvre, comme l'ont montré les Etats généraux des pôles territoriaux et des pays (EGPP) organisés à Dijon les 2 et 3 décembre 2021 par l'Association nationale des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux et des pays (ANPP). L'idée d'en faire des contrats de programmation, sur le modèle des contrats de plan Etat-région, se fait de plus en plus insistante.

 

A l'heure actuelle, quelque 400 contrats de relance et de transition écologique (CRTE) ont été signés sur un total de 844 prévus sur l'ensemble du territoire. "Il se passe plein de choses dans les territoires autour de ces contrats, plutôt mieux que dans le cadre des précédentes démarches, et cela dans les pires conditions", explique à Localtis Jérôme Gutton, délégué interministériel CRTE à l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), en marge des Etats généraux des pôles territoriaux et des pays (EGPP) organisés les 2 et 3 décembre 2021 à Dijon par l'Association nationale des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux et des pays (ANPP). Les CRTE ont en effet été officiellement mis en route à partir de la publication de la circulaire du Premier ministre du 20 novembre 2020, en pleine pandémie. Environ 20% sont portés à l'échelle d'un pays (ou PETR), les autres le sont par des intercommunalités ou par plusieurs d'entre elles. L'intérêt est de pouvoir flécher, dans un contrat unique, les crédits du plan de relance (dont 10,5 milliards d'euros sur les 100 sont destinés aux collectivités). "Il n'y a jamais eu autant d'argent sur la table pour les territoires", insiste le préfet, qui salue le travail "considérable fait par un tout petit nombre d'hommes et de femmes sur le terrain".

Ces états généraux ont toutefois permis d'identifier quelques difficultés, au premier rang desquelles le manque de visibilité sur les financements, au-delà de cette période de relance, alors que ces contrats sont normalement signés pour six ans, soit la durée du mandat local. "L'absence de pluriannualité, c'est clairement l'un des principaux reproches au volet financier des CRTE", a ainsi regretté Philippe Rogier, directeur du crédit de l'Agence France Locale durant la table ronde consacrée précisément aux CRTE, le 3 décembre, rejoint par Josiane Corneloup, présidente de l'ANPP, qui considère que la pluriannualité des financements est indispensable pour avoir de la visibilité. "Si le mariage n'est fait que pour un an, ce n'est pas un mariage, c'est un flirt", a abondé Sébastien Martin, président d'Intercommunalités de France (ADCF).

Une programmation sur plusieurs années

"Est-ce qu'on peut inventer une loi de programmation des investissements locaux, à l'image de la loi de programmation militaire ? C'est l'idée que nous défendons", explique à Localtis Sébastien Martin. Le principe : se mettre d'accord, dans le cadre du CRTE, sur les priorités partagées entre l'Etat et le territoire, et y consacrer une enveloppe budgétaire, sur plusieurs années. Un principe qui permettrait d'éviter les difficultés rencontrées par les territoires de projet pour répondre aux multiples appels à projets diffusés par les différents ministères, reproche formulé notamment par la Cour des comptes dans son second rapport 2021 sur l'état des finances publiques (voir notre article du 23 novembre). "Ce CRTE a vocation à être un contrat global, intégrateur qui part du projet de territoire, a souligné le président de l'ADCF, mais il y a un mouvement paradoxal puisqu'il y a la nécessité d'être prêt vite, pour mobiliser les crédits de la relance, et dans le même temps, le contrat doit donner une vision à long terme. C'est encore compliqué, si on y regarde de près, il y a un appel à projets qui sort tous les trois jours". Quelques exemples : les appels à projets sur l'accompagnement des TPE/PME à la transformation numérique, sur le recyclage foncier de friches, sur la décarbonation de l'industrie, sur le soutien à la création de nouveaux PAT (projets alimentaires territoriaux), les jardins partagés… "On en a marre des appels à projets", a également martelé Anne Algret, directrice du pays Nivernais Morvan, durant la table ronde consacrée à l'ingénierie publique. "Cette vague d'appels à projets que vous avez subie était liée à un contexte particulier dû au plan de relance, puisqu'il s'agissait de redémarrer l'économie rapidement, en cherchant les projets prêts", a tenté de nuancer Fabrice Boissier, directeur général délégué de l'Ademe. De son côté, Jérôme Gutton a mis en avant l'effort de l'Etat pour que l'ensemble des appels à projets soit accessible à tout le monde, évoquant notamment le site internet qui recense les appels à projets existants. Mais il est encore difficile de s'y retrouver, d'autant que l'ingénierie territoriale fait encore défaut.

"Nous demandons le 1% ingénierie"

"Ce manque d'ingénierie remonte de partout, a fait observer Josiane Corneloup, l'ANCT nous apporte l'ingénierie technique et c'est très bien, mais il nous manque de l'ingénierie publique territoriale, pour réaliser l'animation au quotidien de ces contrats, pour faire adhérer, pour expliquer… C'est pour cela que nous demandons le 1% ingénierie, qui permettrait aux territoires de dédier une ou deux personnes à ces tâches ou même de recruter". Pour Jérôme Gutton, les moyens mis en œuvre sur l'ingénierie, soit pour le moment une vingtaine de millions d'euros de la part de l'ANCT, restent limités mais "c'est un budget qui n'existait pas avant et la loi de finances prévoit de continuer dans ce sens", a-t-il précisé.

Chacun estime toutefois qu'il faudra du temps. "C'est pas à pas qu'on va changer les choses, estime Sébastien Martin, c'est la première fois que l'Etat conclut des contrats avec les territoires, il faut lui laisser le temps d'apprendre". Une maturation qui pourrait conduire à transformer à terme les CRTE en "petits CPER" (contrats de plan Etat-région), soit des contrats mentionnant des priorités et des enveloppes budgétaires sur plusieurs années. "C'est ce que souhaitent un certain nombre d'élus, acquiesce Jérôme Gutton, est-ce qu'ils le deviendront ? C'est au gouvernement de voir".