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Administration numérique - Factures électroniques : le gouvernement veut accélérer la transition

Le projet de loi habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnances pour simplifier la vie des entreprises, présenté en Conseil des ministres par Pierre Moscovici le 4 septembre (voir ci-contre notre article du 4 septembre évoquant l'essentiel des dispositions de ce texte), prévoit entre autres la généralisation de la facturation électronique entre l'Etat et ses fournisseurs. Le nouveau "front" de réforme s'appuiera sur une démarche collaborative associant l'Etat, les collectivités territoriales et les entreprises.
Afin d'accélérer le processus de transformation, le projet de loi (article 1, alinéa 2) propose "l'institution d'une obligation, applicable dès les contrats en cours, de transmission dématérialisée pour toutes les entreprises ou certaines d'entre elles". Le texte vise à mettre en œuvre une obligation de dématérialisation des factures pour les fournisseurs selon un processus progressif qui tiendra compte des délais d'adaptation nécessaires, de la taille des entreprises, de la fréquence de facturation et du niveau d'équipement informatique. L'ensemble donnant lieu à une large concertation préalable.
Les collectivités territoriales occupent une place ambiguë dans le processus. D'un côté il est annoncé qu'elles sont directement concernées par la transformation projetée et de l'autre, l'exposé des motifs prévoit une consultation pour déterminer "si et dans quelle mesure" les collectivités entendent s'inscrire dans ce type de démarche.

Pas d'obligations dans l'immédiat pour les administrations locales

Donc pas d'obligation dans l'immédiat, mais une invite à prêter attention aux chantiers en préparation. Le sujet est d'envergure : près de cinq millions de factures adressées chaque année aux services de l'Etat par les entreprises, des fournisseurs susceptibles d'émettre jusqu'à 150.000 factures annuelles, dont certaines totalisent jusqu'à 3.000 pages et pour un coût d'envoi moyen compris entre 9 euros et 15 euros par facture.
Un passage rapide à l'électronique affranchirait les entreprises d'une partie de cette dépense en impression, en mise sous plis, en affranchissement, en tri et en archivage. La rationalisation des tâches, consécutive à la dématérialisation, devrait générer des économies substantielles et contribuer à l'amélioration de la qualité comptable au sein des entreprises, grâce à la fiabilisation de la chaîne de traitement. L'administration serait également gagnante avec une meilleure relation avec les fournisseurs, la réorientation des agents vers des tâches plus nobles de pilotage et de contrôle et une aptitude supplémentaire à tenir les engagements de réduction de délais de paiement pris par le gouvernement. Ce choix de dématérialisation a d'ailleurs été assez largement retenu par nos voisins européens. Au Danemark, la loi impose la dématérialisation des factures adressées à l'Etat et l'autorise à facturer une partie des coûts de traitement lorsque les fournisseurs conservent le mode "papier". On estime qu'un tiers des pays européens, à l'enseigne de la Finlande, de la Suède, des Pays-Bas, sont déjà engagés sur cette voie.

Les dispositions déjà en vigueur

En France, les nouvelles dispositions de dématérialisation fiscale des factures entre fournisseurs et services de l'Etat sont entrées en vigueur le 1 janvier 2012. Le portail "Chorus factures" a été déployé pour permettre aux entreprises d'adresser leurs factures par voie électronique et d'en suivre le traitement. Toutefois, la dématérialisation demeure encore marginale : au cours des cinq premiers mois de 2013, seules 6.000 factures dématérialisées ont été adressées à l'Etat.
Côté collectivités, le processus pourrait s'accélérer par la biais de la modernisation des marchés publics. La préparation du projet de directive européenne relative à la facturation électronique dans le cadre des marchés publics y est pour beaucoup : elle confirme le principe d'une dématérialisation de bout en bout. Et les collectivités pourraient être bientôt confrontées à la mise en œuvre de programmes de transition débouchant sur l'acceptation des factures électroniques, ce que confirme le projet de loi d'habilitation en discussion.

La facture comme seule pièce justificative

L'exposé des motifs indique déjà plusieurs voies possibles pour y parvenir : l'Etat envisage des actions de communication pour promouvoir une facture simplifiée, dite "PDF simple sans signature électronique", prévue par le décret n°2013-350 du 25 avril 2013 ; il prévoit une simplification de la nomenclature des pièces justificatives visant, sauf exceptions, à faire de la facture la seule pièce justificative exigible pour le paiement par l'administration dans le cadre des envois dématérialisés (1). Deux modalités de déploiement sont examinées : soit un délai de mise en oeuvre unique s'étalant sur une durée de 3 à 5 ans, sur l'exemple du Danemark, soit une obligation progressive basée sur un critère encore à définir.

Philippe Parmantier / EVS

(1) L'exposé des motifs rappelle que la nomenclature ne régit pas les relations entre les fournisseurs et les acheteurs publics (qui relèvent du Code des marchés) et par conséquent ne nécessite pas de révision sur ce point.

Chorus Factures, plateforme de mutualisation de l'Etat
Le portail "Chorus factures", que l'Etat met à la disposition des entreprises, donne un aperçu de ce qui pourrait attendre les collectivités territoriales. "Chorus factures" est en effet une solution mutualisée offrant trois possibilités opérationnelles d'action pour les entreprises:
- les fournisseurs ponctuels (à partir de 10 factures) ont le loisir de s'inscrire sur le portail afin de saisir les factures unitairement ;
- les fournisseurs "moyens", dotés d'un système de facturation au format "PDF signé" (avec un certificat) peuvent déposer en nombre leurs documents ;
- les fournisseurs les plus importants (plusieurs milliers de documents à transmettre) envoient leurs factures par paquets, dans le cadre d'un échange de données informatisé (EDI) ;
De plus afin d'éviter les doubles circuits de traitement, l'Agence pour l'informatique financière de l'Etat (AIFE) propose aux administrations une solution de gestion électronique de documents (GED) permettant de passer les factures "papier" envoyées par les fournisseurs au format électronique.