Face aux baisses des aides publiques, les associations culturelles "hybrident" leurs ressources
Selon une étude financée par l'Injep, certaines associations du champ artistique et culturel se tournent vers l'hybridation de leurs ressources pour compenser la baisse des subventions publiques. Une méthode qui laisse apparaître l'importance du maillage territorial et des ressources non marchandes.
Fragilisées dans un contexte économique qui tend à diminuer leurs ressources financières et soumises à des modalités d'obtention de financements publics de plus en plus basées sur le modèle du marché, certaines associations du champ artistique et culturel ont développé des stratégies d'hybridation pour maintenir leurs activités et respecter leurs missions. C'est ce que montre une étude intitulée "Faire face aux difficultés de financement dans les associations artistiques et culturelles", réalisée dans le cadre d'un... appel à projets soutenu par l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep).
Entre 2005 et 2020, la part des subventions publiques dans le budget des associations est passée de 34% à 20%. Dans le même temps, celle issue de commandes publiques a crû de 17% à 29%. Cette multiplication des contrats, appels à projets et autres marchés publics a obligé les associations à dédier beaucoup de temps aux questions administratives. Parfois au détriment de la mission de l'association, parfois sur fond de concurrence avec d'autres associations du même champ. Pour éviter ces écueils et assurer leur survie, des associations ont cherché à "hybrider" leurs ressources.
Diversifier les ressources publiques
Ce processus d'hybridation, explique l'étude, se traduit d'abord par "une diversification accrue des ressources publiques". Celles-ci proviennent alors d'institutions plus variées et à des échelles différentes. Certaines associations allant jusqu'à solliciter l'échelon européen. Pour d'autres associations, le processus d'hybridation consiste en une diversification des activités en lien notamment avec des prestations de services et un recours au mécénat.
Mais cette hybridation des ressources – et c'est l'un des enseignements les plus originaux de l'étude – dépasse la dimension financière. "Cette analyse des ressources, pointe-t-elle, a mis en avant à la fois la centralité de la logique réciprocitaire (sic) et la forte interconnexion des logiques marchandes, non marchandes et réciprocitaires qui permettent le développement ou la survie du projet associatif."
Cette logique réciprocitaire de l'hybridation peut concerner la gouvernance, par exemple en faisant une plus grande place à la diversité des parties prenantes au sein du conseil d'administration. "Ces évolutions de la gouvernance ont pris appui sur des logiques relevant de la réciprocité, basées sur l'adhésion au projet, l'engagement militant, la proximité des acteurs, la mutualisation des compétences et le renforcement des dynamiques participatives", explique l'étude.
La réciprocité au centre de l'hybridation
Une autre modalité d'hybridation non marchande a consisté à renforcer le maillage territorial de l'association avec, pour objectif, la réappropriation du territoire sur fond de mutualisation des ressources, de réciprocité – encore ! – et de confiance entre acteurs locaux. Concrètement, cela peut se traduire par une offre d'hébergement d'artistes gratuite par des spectateurs, une aide pour installer une scène, etc.
Cette démarche peut être doublement bénéfique pour les associations, vis à vis du public, d'une part, des institutions, de l'autre. "La valorisation de leur contribution à l'intérêt général et leur fonction sociopolitique constitue clairement une stratégie pour les quatre associations étudiées afin de consolider leur reconnaissance et leur légitimité auprès de leurs publics, mais aussi de leurs partenaires", analyse l'étude. Une reconnaissance qui aura son importance, par exemple, à l'heure de solliciter un financement public en urgence pour bénéficier d'enveloppes budgétaires non consommées et donc immédiatement disponibles.
Alors que la réciprocité semble souvent reléguée à la périphérie dans un environnement institutionnel qui "met l'accent sur la quantification des rapports d'échange", l'étude met au contraire en exergue sa "centralité", tout comme elle reconnaît l'importance des liens sociaux multiples construits par les associations pour saisir "des ressources potentielles ou latentes, monétaires ou non monétaires".
Mission accomplie
Alors que la littérature a pu faire craindre que "les contradictions et les risques associés à une hybridation des ressources [puissent] conduire à un éloignement de leur mission initiale", l'étude balaie cet argument et note : "Nous n'avons pas observé d'éloignement de la mission au sein des associations étudiées." À l'inverse, elle assure que "la possibilité d'une hybridation des ressources [permet] le maintien de la mission principale de l'organisation, celle de contribuer à la démocratisation culturelle", notamment dans les quartiers prioritaires ou les zones rurales.
In fine, l'étude se félicite d'avoir pu "mettre en lumière que les multiples réseaux auxquels l'association participe ou qu'elle tisse lui permettent d'accéder à des ressources diverses".