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Marques - "Fabriqué dans la région", un modèle pour "acheter français"

Le patriotisme économique est déjà mis en oeuvre par plusieurs régions et départements. De "produit en Bretagne" à "bravo l'Auvergne", le bilan des marques territoriales paraît positif. De quoi inspirer les candidats à l'Elysée ?

"Produisons français !", réclamait le communiste Georges Marchais en 1981. "Acheter français", prône désormais François Bayrou. "Produire en France", lui rétorque Nicolas Sarkozy, non sans que Marine Le Pen avance son propre "achetons français"… Dans cette symphonie tricolore a surgi une tonalité nouvelle, dans le Midi libre du 14 décembre : "Achetons Languedoc-Roussillon", comme le préconise le vice-président de cette région, Jean-Claude Gayssot… Il est vrai que sa collectivité a lancé dès 2006 une marque "Sud de France", qui appuie le patriotisme économique entre Mende et Perpignan. Du reste, bien d’autres étiquettes similaires ont été lancées, en Bretagne, dans le Jura, en Auvergne, en Aveyron… Et le bilan de ces promotions territoriales pourrait bien inspirer les candidats à l’Elysée.

Harengs du Nord

Apposée sur des tartes au maroilles ou des filets de harengs, la marque Saveurs en’or a permis "un développement économique important pour nos adhérents", rapporte Xavier Thomas, chargé de mission à la chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais. Ainsi, lorsque les distributeurs de la région vantent la gamme nordiste par prospectus, "cela peut multiplier les ventes par dix pour certains produits". L’impact est similaire pour la tielle de Sète ou la blanquette de Limoux : "Quand une enseigne mène une opération de promotion pour les produits Sud de France, leurs chiffres d’affaires augmentent en moyenne de 10 à 20%", témoigne en Languedoc-Roussillon Fabrice Verdier, vice-président du conseil régional chargé de l’agriculture, de la viticulture et de la pêche. Manifestement, les marchandises locales ouvrent l’appétit des consommateurs…

Chalets du Jura

Ces étiquettes rassasient du même coup les entreprises régionales, comme le confirme Xavier Thomas : "Une enquête l’an dernier a démontré une augmentation du nombre de salariés de 13%, de 2004 à 2010, pour l’ensemble de nos adhérents." Le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, qui supporte près d’un tiers du budget de la marque, a dû savourer… A Lons-le-Saunier, le nouveau président du conseil général Christophe Perny se dit toutefois "réservé quant à l’impact sur le développement économique" de la marque "made in Jura", lancée par une autre majorité en 2003. "Il y manquait une démarche prospective", selon lui, pour appuyer ses producteurs de chalets ou d’escargots. Christophe Perny reconnaît néanmoins que l’initiative a eu un effet fédérateur pour les entreprises locales.

Porc de Bretagne

Le directeur de "produit en Bretagne", Malo Bouëssel du Bourg, le souligne lui aussi : "Nous avons habitué des gens qui n’en avaient pas l’habitude à travailler ensemble. Sur nos prospectus diffusés pour la Saint-Yves, par exemple, nous retrouvons tous les logos de la grande distribution réunis au bas de la première page. C’est unique." Or ces liens nouveaux peuvent renforcer l’économie locale. D’après Fabrice Verdier, la marque Sud de France a mené "des entreprises qui pouvaient se considérer comme concurrentes à se fédérer. Cela leur permet de mutualiser des moyens, de faire des économies et de conquérir des marchés". En outre, l’obligation qui peut être faite aux adhérents de privilégier des matières premières locales profite au reste de l’économie. "Certains de nos fabricants ont remplacé le porc breton par du porc régional", illustre ainsi Xavier Thomas, pour Saveurs en’or.

Vins du Languedoc

Cela étant, ces "made in ici" ne visent pas nécessairement l’autarcie… Si Sud de France cible bien les 2,5 millions d’habitants et 15 millions de visiteurs annuels du Languedoc-Roussillon, la marque doit aussi permettre de "gagner des parts de marché sur le plan national et à l’export", précise Fabrice Verdier. De fait, "le volume de nos exportations de vins vers la Chine a été multiplié par six depuis 2007"… Quant au "made in Jura", il appuiera désormais la conquête de marchés extérieurs, comme l’a annoncé Christophe Perny le 14 décembre à des entrepreneurs. Plus modestement, Saveurs en’or s’est fait partenaire de son homologue normand "bienvenue en Gourmandie" pour favoriser les échanges commerciaux entre les deux régions. Et si "produit en Bretagne", lancé dès 1993, vise bien tous les marchés, Malo Bouëssel du Bourg n’en vante pas moins le "principe de subsidiarité appliqué à la consommation". "Pour se nourrir, on cherche d’abord du local, puis du régional, sinon du français. Et si on ne trouve rien, rien n’interdit d’acheter japonais." La marque en fait d’ailleurs un axe de communication : "En consommant 'produit en Bretagne', je soutiens l’emploi et l’environnement de ma région", clame un de ses slogans publicitaires.

"Made in région"

D’autres nuances distinguent les différentes marques territoriales : certaines se cantonnent à l’alimentaire quand d’autres portent toute l’économie, les unes ont été initiées par des collectivités alors que d’autres ont été créées par des entrepreneurs… Mais pour la plupart, le bilan est globalement positif : "Cinq ans après son lancement, Sud de France regroupe près de 2.000 entreprises et 7.000 produits référencés", se réjouit Fabrice Verdier. "Cela atteste le succès : ceux qui avaient besoin de cette marque y adhèrent." Rien d’étonnant si d’autres collectivités s’inspirent à leur tour de la démarche. Le 14 février prochain, les présidents des régions Aquitaine et Midi-Pyrénées présenteront ainsi une nouvelle marque commune : Sud-Ouest France…
Pas de quoi effrayer les tenants du "produisons français" cependant. "Pour nous, le 'made in France' est un peu la somme de tous les 'made in région'. Il y a complémentarité entre les deux", rassure Malo Bouëssel du Bourg. Cela étant, sa marque prépare une campagne de communication de janvier à mars avec cette invitation faite aux citoyens : "Devenez le président de la relocalisation des achats !" Les candidats à l’Elysée sont prévenus.
 

 

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