Pas à pas, Épinal fait entrer l'évaluation au cœur de son action (88)

À Épinal, l'évaluation des politiques publiques est un objectif de mandat, avec un conseiller municipal attitré. Après avoir construit ses outils avec un prestataire, la ville moyenne a pris le parti d’animer la démarche en interne. Trois évaluations plus tard, la commune poursuit son ouvrage avec exigence, en associant les citoyens, malgré des moyens limités. 

Adel Ben-Omrane est le premier conseiller municipal délégué à l'évaluation des politiques publiques d’Épinal. « Évaluer les politiques publiques est un engagement du maire élu en 2020, explique l'élu. L'enjeu était de prendre du recul pour mieux ajuster nos politiques, afin qu'elles répondent au mieux aux besoins des habitants. » La municipalité s’est donné trois objectifs : ancrer la démarche dans la collectivité, impliquer les acteurs et citoyens et enfin, s’intégrer dans le paysage des acteurs de l'évaluation. Cet exercice d’évaluation consiste à s’interroger sur ce qui a été réalisé pour la mise en œuvre d’une politique publique donnée, estimer l’efficience des actions menées et enfin, définir les moyens pour rendre cette politique plus performante.

Former les agents et les élus

 Souhaitant porter cette évaluation en interne, Epinal a positionné un agent sur le sujet, avant de recruter un assistant à maîtrise d'ouvrage (AMO) pour former son personnel et créer ses propres outils. « J'étais chargé de mission auprès du directeur général des services et j’endossais l’évaluation pour 20 % de mon temps de travail », explique Maxime Lefevre, aujourd’hui directeur des affaires juridiques et de l'évaluation. L'AMO a commencé par former le nouveau chargé d'évaluation, puis une cinquantaine de directeurs, chefs de service ou chefs de projets en quatre blocs de deux heures. Tous les élus ont également participé à une séance de deux heures pour parler un langage commun. « Au fil des mutations du personnel, il faudrait pouvoir renouveler régulièrement cette formation », reconnaît l'élu, qui n'a disposé d'un budget propre qu'au lancement du dispositif (voir encadré chiffres clés).

Le budget participatif à la loupe

« En parallèle des formations, nous avons mené la première évaluation », indique le directeur des affaires juridiques et de l'évaluation. Le budget participatif, sujet transversal impliquant les citoyens, a été la première politique publique évaluée. « Ce dispositif est né en période Covid, il s’agissait de trouver une nouvelle manière de participer, en complément des outils et instances de participation déjà existants, il fallait donc voir s’il répondait aux attentes des citoyens », explique l'élu. Pour cette évaluation, un comité de pilotage d'une vingtaine de participants a été mis sur pied. Il réunissait trois types de participants : des citoyens, tirés au sort parmi ceux qui s'étaient manifestés lors du budget participatif, des élus et des cadres de la mairie et enfin, trois représentants d'instances participatives (membres du comité d'intérêt de quartier, du conseil des jeunes et du conseil des aînés). Ce comité s'est réuni à cinq reprises d'octobre 2021 à mai 2022. À chaque rencontre, le comité réagissait à l'avancée du travail des évaluateurs (le chargé d'évaluation et le prestataire), suivant les étapes de leur processus : du diagnostic partagé, aux recommandations jusqu’à la rédaction du rapport final. Ce premier exercice a permis d'ajuster les règles du jeu (voir encadré).

Une exigence à ajuster au réel

Dans le respect de la charte de la Société Française de l'Évaluation, Épinal a fait le choix d'impliquer les citoyens dans son dispositif. « Nous les questionnons par enquêtes ou entretiens longs pour comprendre la réalité de la politique publique qu’ils perçoivent et garantir la pluralité des points de vue, nous publions aussi le rapport final d'évaluation sur notre site internet, par souci de transparence », indique l'élu. L'intégration des citoyens dans le copil n'est pas systématique : « Nous ne l'avons pas fait pour la seconde évaluation sur l'Opération programmée d’amélioration de l’habitat. Nous ajustons notre méthode à chaque sujet. » La première évaluation a aussi montré qu'il n'est pas toujours simple de maintenir l’intérêt des citoyens au fil de la démarche. « Les objectifs de la politique publique doivent être clarifiés par les élus en amont, pour s’assurer que l'évaluation ne génère pas d’incompréhension », souligne Maxime Lefevre.

L'évaluation : un temps complémentaire 

« Peu de villes moyennes s’engagent dans l'évaluation de leurs politiques publiques : la complexité et la technicité de la conduite peuvent faire peur, sans oublier le temps qui est contraint, souligne Adel Ben-Omrane. Mon travail consiste à convaincre mes collègues élus que l'évaluation n'est pas un temps supplémentaire, mais bien un temps complémentaire, pour la construction de leur politique publique. » Et le directeur des affaires juridiques et de l'évaluation de compléter : « Il faut être efficace dans un temps limité, il faut compter une démarche de six mois maximum, pour que les élus s'en saisissent. » La disponibilité limitée du directeur (20 % d'équivalent-temps-plein) est aussi une contrainte : « Il faudrait pouvoir rythmer les démarches pour instaurer une culture de l'évaluation en continu, sans périodes creuses ». « Je rêve d'un poste d'évaluation à temps plein, confirme l'élu. Mais c'est un vœu pieux, en période de disette financière pour nous, les villes moyennes. »

Des avancées concrètes

Malgré ces contraintes, Épinal s’apprête à en engager une troisième évaluation sur les temps de l'enfant. « Nous avons construit de nouveaux indicateurs de suivi de plusieurs politiques publiques que nous mettons à jour régulièrement. Plusieurs élus pensent désormais en mode évaluation et nous avons conforté notre volonté de transparence démocratique. » C'est cette politique des petits pas que l'élu souhaite porter au sein de la SFE dont il est désormais administrateur : « Nous voulons créer un club régional d'évaluation pour porter cette parole sur l'évaluation, qui vise à agréger tous les acteurs de l’évaluation. » Et peut-être convaincre de nouvelles villes moyennes de s'engager dans cette démarche ?

Le budget participatif d’Épinal revu après évaluation

L'évaluation du premier budget participatif a montré qu'il était bien perçu par les habitants, même si le niveau de participation restait limité. Les préconisations du groupe de pilotage ont été quasiment toutes reprises pour la deuxième version du budget. Pour mieux communiquer, la ville a affecté partiellement la nouvelle chargée de mission du Nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU) sur ce dossier : elle ira chercher des candidats sur le terrain, dans les différents quartiers. Chaque porteur de projet fera l’objet d’un entretien pour ajuster le dessein aux contraintes administratives et juridiques, avant de le soumettre au vote et éviter ainsi d'éventuelles frustrations. Enfin, le budget participatif d’Épinal sera désormais bisannuel.

Zoom sur les chiffres

             20 % du temps de travail d'un poste est consacré à l'évaluation

             39 250 € HT : le coût de la prestation qui a permis de former et structurer la démarche d'évaluation, autofinancé par la collectivité en 2021-2022.

Commune d'Épinal

Nombre d'habitants :

32296
9 rue du Général Leclerc
88 000 Épinal
mairie@epinal.fr

Adel Ben-Omrane

Conseiller municipal, en charge de l’évaluation des politiques publiques

Maxime Lefevre

Directeur aux affaires juridiques et évaluation

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