Le salariat attire les médecins à Évran (22)

« Pendant un an, nous avons cherché en vain un remplaçant pour l’un des deux médecins généralistes libéraux de la commune, qui partait à la retraite début 2020. Notre annonce était diffusée via les réseaux sociaux, l’Agence régionale de santé, des services de remplacement… », témoigne le maire d’Évran, Patrice Gautier. Ce n’était pourtant pas faute d’anticiper. De 2015 à 2019, cette commune avait déjà réuni à plusieurs reprises les professionnels de santé de différentes disciplines pour connaître leurs besoins et anticiper les départs à la retraite. Elle est en outre bien pourvue en équipements, puisqu’ils sont plus de vingt à s’être réunis depuis 2013 au sein d’un Pôle de santé, appartenant à un propriétaire privé, qui en a doublé la surface en 2021.

« Nous nous sommes donc tournés vers le salariat des médecins généralistes », poursuit l’édile, inspiré par des expériences similaires, comme celle du Sourn dans le Morbihan. Pour se lancer, l’équipe municipale se met en lien avec l’Agence régionale de santé (ARS), qui lui octroie en 2020 un financement de 10 000 euros pour mener une étude de faisabilité avec l’aide d’un cabinet. Quelques mois plus tard, l’ARS valide la création d’un centre de santé, « mais ce n’est que la première étape », précise l’édile. Il reste en effet à ce stade encore beaucoup à faire : réunir autour de la table les élus concernés, l’ARS, la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), l’Urssaf et la Trésorerie, trouver le local, monter le dossier administratif, financier et juridique, rechercher les médecins… « Heureusement que nous disposions de l’ingénierie suffisante au sein de nos services. » Le centre de santé est installé dans les locaux du Pôle de santé privé déjà existant. La municipalité loue trois salles de consultation qu’elle aménage, meuble et équipe en informatique et matériel de santé, pour un montant de 50 000 euros.

Une formule attractive

La recherche des médecins se fait par le bouche-à-oreille, des annonces déposées sur le site de la Fédération nationale des centres de santé, celui de l’Agence de développement touristique et d’attractivité des Côtes d’Armor ou encore de Pôle Emploi. Entre l’ouverture du centre de santé le 30 août 2021 et mi-2023, une douzaine de candidatures parviennent au maire. « Le salariat est attractif, notamment pour les jeunes qui débutent, ainsi que pour les médecins libéraux qui souhaitent terminer progressivement leur carrière professionnelle par un salariat à temps partiel, commente Patrice Gautier. Les médecins peuvent en outre choisir leur temps de travail et ne pas terminer toutes leurs journées à 20 heures ! »

Le centre de santé commence son activité avec un équivalent temps plein (ETP), un médecin généraliste très motivé, véritable locomotive pour la suite. Il est recruté en CDD d’une durée maximum de trois ans (renouvelable une fois avant proposition d’un CDI) par le Centre communal d’action sociale, qui dispose pour cela d’un budget annexe. « Le management et la motivation de l’équipe sont essentiels pour l’organisation du travail et la continuité des soins », poursuit le maire. Par la suite, une commission, composée d’élus municipaux, d’un agent chargé des ressources humaines et de la directrice de l’Ehpad de la commune, puis du premier médecin recruté, sélectionne les candidatures. En juillet 2023, l’équipe est composée de trois médecins généralistes dont deux à temps partiel, d’une secrétaire à mi-temps et d’une assistante médicale à temps plein. « Le dernier médecin libéral de la commune, qui arrête son activité en juillet 2023, devrait rejoindre l’équipe comme salarié à mi-temps à partir de fin 2023. »

La recherche d’un équilibre financier

En 2022, année complète d’exercice, les charges (loyer, informatique, salaires…) d’un montant de 248 000 € qui incombent à la commune, n’étaient couvertes qu’à hauteur de 120 000 euros (48 %) par les consultations d’un puis de deux ETP de médecins généralistes. La CPAM et la commune ont apporté de quoi clore le budget, avec respectivement 36 000 € et 92 000 €. En 2023, avec 2,66 ETP, les consultations doivent couvrir 263 000 € (62 %) des 424 000 € de charges prévues. « Nous espérons arriver à 3,5 ETP au mois de novembre. Notre souhait est qu’à terme, les consultations financent toutes les charges. » Un objectif calculé sur la base d’un temps moyen de consultation de 20 minutes. L’équipe municipale prévoit pour cela d’agrandir les capacités d’accueil des médecins salariés mais aussi d’internes, par la construction d’un nouveau local, « d’ici 2025 dans la mesure du possible », espère Patrice Gautier.