Lamotte-Beuvron transforme ses biodéchets en énergie (41)
Depuis le 1er janvier 2024, les collectivités auront l'obligation de valoriser les biodéchets des ménages. Fondatrice d'une société locale de méthanisation, Lamotte-Beuvron dispose d'une solution instaurée en 2021. Les habitants volontaires peuvent déposer leurs biodéchets dans des conteneurs : ils sont ensuite valorisés en biogaz, aux côtés des boues de la station d'épuration, des fumiers produits par les agriculteurs et la Fédération française d'équitation ainsi que de déchets agroalimentaires.
À Lamotte-Beuvron, commune de 4 600 habitants à mi-chemin entre Orléans et Vierzon, 12 conteneurs de biodéchets maillent désormais le territoire communal. Ils s'ouvrent avec un badge obtenu en mairie, enregistrent le nom de la personne qui dépose ses biodéchets, indiquent le suivi de ses apports et le volume de gaz ainsi produit. Relevés chaque semaine par les services communaux, ces conteneurs alimentent le méthaniseur local. Ils s'ajoutent aux lisiers et fumiers agricoles, déchets de l'agroalimentaire ou aux boues de la station d'épuration municipale pour produire du biogaz. « On a tout de suite voulu impliquer les habitants dans ce projet pour notre commune », indique Pascal Bioulac, le maire de la commune.
Un méthaniseur unique mixant intrants agricoles, boues et biodéchets
Petit retour en arrière. En 2014, la loi française évolue et permet de mixer intrants agricoles, boues de stations d'épuration et biodéchets pour produire du biogaz par méthanisation. La commune de Lamotte-Beuvron saisit alors cette opportunité et lance une étude de faisabilité avec 15 agriculteurs et la Fédération française d'équitation (FFE) qui gère un domaine de 400 hectares. La Société coopérative d'intérêt collectif (SCIC) Sologne Agri Méthanisation naît en 2015 pour construire le nouveau méthaniseur, sur un terrain mis à disposition par la commune : à proximité du domaine de la FFE, de la station d'épuration et d'une conduite de gaz pour faciliter la réinjection. Le permis de construire est obtenu en 2018, le nouveau méthaniseur entre en service en novembre 2020. « On a tout de suite prévu d'y installer un hygiéniseur, qui permet de pasteuriser les déchets non agricoles : boues et biodéchets ménagers, souligne le maire. On savait que les biodéchets avaient un fort pouvoir de méthanisation et seraient intéressants pour renforcer la productivité de l'équipement. »
60 ménages expérimentent le tri des biodéchets dès 2021
L'occasion de tester le volet biodéchets se présente rapidement : « GRDF, Axi-Bio et l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement devaient tester un nouveau type de conteneurs de biodéchets – les Gaïabox - au printemps de Bourges. Avec le Covid, le festival n'a pas eu lieu et ils ont proposé de mener l’expérimentation sur notre commune », indique Nicolas Thibault, assistant urbanisme et services techniques. La commune installe donc ses 4 premiers conteneurs mi-2021. 3 desservent de « gros » producteurs de biodéchets : le collège, l'Ehpad local de 80 places et le restaurant de la FFE, qui sert un million de repas par an. Le quatrième conteneur dessert la cantine de l'école publique et est ouvert aux particuliers volontaires. « Pour sensibiliser et mobiliser les habitants, nous sommes allés sur le marché hebdomadaire, nous avons aussi utilisé le magazine communal et les réseaux sociaux », poursuit le technicien municipal. 60 foyers se portent volontaires pour déposer leurs biodéchets dans les Gaïabox.
15 % des habitants logeant en appartement sont utilisateurs
Le bilan de l'expérimentation tiré par l'INRAE est plutôt positif : il y a peu d'erreurs de tri parmi les usagers individuels. Les gros producteurs présentent un peu plus d'erreurs, même si elles restent limitées. « Lorsque ce sont les salariés des équipements qui gèrent le tri, c'est de bonne qualité, note le technicien municipal. C'est un peu plus aléatoire lorsque les personnes qui mangent sont chargées du tri, il faut changer ses habitudes et ça se fait petit à petit, par de la sensibilisation. » Pour ces gros producteurs, l’intérêt est double : le système intelligent leur permet aussi de distinguer entre déchets liés à la production des repas (épluchures de légumes…), trop produit (repas entiers jetés) et gaspillage alimentaire. Des indicateurs utiles pour faire progresser la politique en interne. Forte de cette expérimentation réussie, récompensée par le prix Territoria d'or en 2021, Lamotte-Beuvron décide de renforcer le maillage en conteneurs à biodéchets, avec 8 nouveaux points d'apport volontaire installés en 2023. Aujourd'hui, 150 ménages volontaires y déposent leurs biodéchets. « Cela représente 15 % des foyers vivant en logement collectif et qui n'ont pas de solution de type compost dans le jardin ou poules », se réjouit le maire.
Passer à l'échelle intercommunale
En 2022, le méthaniseur de Lamotte-Beuvron a produit 2 GWh avec 22 000 tonnes d'intrants, dont les biodéchets. « C'est l'équivalent de la consommation énergétique des habitants de la commune », souligne le maire. Alors que le Syndicat mixte intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères (Smictom) local doit assurer la gestion des biodéchets à compter de 2024, le maire va prendre son bâton de pèlerin pour convaincre ses voisins d'intégrer cette solution de méthanisation dans le panel proposé, aux côtés du compostage aujourd'hui privilégié. « Notre méthaniseur est un des outils et a la capacité à accueillir plus de biodéchets. Cela éviterait notamment d'en transporter une partie sur plusieurs dizaines de kilomètres pour rejoindre la plateforme de compostage », ajoute le maire. La production du méthaniseur pourrait alors augmenter jusqu'à 3 Gwh, capacité maximale autorisée. « Nous sommes aujourd'hui bloqués à 200 m3h d'injection de gaz maximum et 2 GWh annuels, du fait d'un réseau de gaz pas suffisamment dimensionné, se désole le maire. Nous disposons d'un outil de lutte contre le réchauffement climatique. L’État nous y encourage mais il est à la traîne pour dimensionner des réseaux à hauteur des besoins : c'est un sujet important à régler et rapidement ! »
Le méthaniseur de Lamotte-Beuvron en quelques chiffres
- 58 656 € : le coût d'investissement pour les Gaïabox, caisses palettes, bio-seaux et badges. Le dispositif a été subventionné à hauteur de 31 % par le conseil départemental du Loir-et-Cher (18 400 €).
- 6 076 € : le coût de fonctionnement annuel pour les 12 Gaïabox
- 400 000 € : montant investi par la commune dans le méthaniseur via la SAS Sologne Agri Méthanisation. L'enjeu est à terme de laisser le privé prendre le relais.
- Le méthaniseur a produit 2 GWh en 2022, à partir de 22 000 tonnes d'intrants : 34 % de lisiers et fumiers, 15 % de biodéchets et soupes biodéchets, 21 % de graisses de laiterie, 12 % de cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE), 7 % de déchets de l'industrie agroalimentaire, 7 % de boues de papeterie et 4 % d'autres déchets. En 2022, la réglementation Covid n'a pas permis à la ville de méthaniser ses boues de station d'épuration.
Commune de Lamotte-Beuvron
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