À Isigny-le-Buat, un centre de santé conçu avec les médecins salariés (50)
Pour parer à la désertification médicale, Isigny-le-Buat a opté pour la création d’un centre municipal de santé. Afin d'éviter de se retrouver avec des bâtiments vides faute de candidats, la commune a d’abord travaillé son projet de santé, avant de salarier les premiers médecins.

© l’Agence d’Architecture – Saint-Lô
« Comment se démarquer, lorsque l’on est une commune rurale ordinaire, pour parvenir à attirer des médecins ? » La question a longtemps taraudé l’équipe municipale d’Isigny-le-Buat, petite ville du sud de la Manche. La réflexion a émergé sous le mandat précédent, mené par Erick Goupil, afin d’anticiper, avec le premier départ à la retraite en 2018 d’un médecin, le départ des deux autres généralistes installés sur la commune, prévu pour juin 2023. « On a tout repris à zéro », explique Jessie Orvain, actuelle maire de la commune.
Après avoir accompagné l’installation, en 2018, de paramédicaux libéraux dans une Maison de santé installée dans un bâtiment communal, « nous avons racheté les murs de la pharmacie - cruciale en termes d’accès aux soins - reprise par deux jeunes pharmaciens en janvier 2019, au départ de leurs prédécesseurs ». Pour l’installation de médecins, les élus ont creusé différentes pistes. « Recruter des médecins étrangers ? Nous craignions qu’ils ne restent pas. Créer un pôle de santé libéral ambulatoire ? Cela supposait de disposer d’une communauté médicale et paramédicale de 15 professionnels, ce que l’on n’avait pas. »
Jessie Orvain et ses collègues se sont inspirés de l’expérience de la Saône-et-Loire, pionnière en matière de création de centres de santé, dans lesquels les médecins sont salariés par les collectivités locales, qui encaissent, elles, les honoraires de consultation. « J’ai appelé la Fédération nationale des centres de santé, et j’ai présenté notre envie de créer un centre à l’échelle municipale. Et nous avons été accompagnés, en 2019, par la Fabrique des centres de santé, co-portée par la FNCS, sur l’ingénierie du projet, pour un coût d’environ 5 000 euros. »
Un travail préparatoire essentiel
« Cette étape nous a permis de comprendre que la priorité, ce n’était pas le bâti - qui doit être conçu avec les praticiens qui officient là - mais le projet de santé et le recrutement de médecins motivés par l’exercice en centre de santé », souligne l’édile.
La municipalité se lance donc dans l’écriture de son projet de santé, pour notamment comprendre les attentes de la population, mêlant très jeunes et très âgés, et pour prévoir, au vu du bassin de vie, le recrutement à terme de quatre médecins. En juin 2020, elle obtient de l’agence régionale de santé Normandie une autorisation d’activité, assortie d’un numéro Finess lui permettant de recruter.
« Nous avons eu de la chance, reconnaît la maire. Une jeune médecin parisienne, qui finissait son internat et voulait s’installer en province, a eu le coup de foudre pour une maison dans la région. Nous l’avons rencontrée, elle et son compagnon. Elle a été embauchée dans un premier temps, en milieu d’année 2021, en tant qu’attachée territoriale le temps d’obtenir sa thèse et surtout de préparer l’ouverture du centre de santé. Elle a ensuite été embauchée en tant que médecin. »
« Dès le départ, cette jeune praticienne s’est investie dans le projet, du choix de l’achat de matériel médical et de bureau au recrutement d’une secrétaire médicale. Et courant 2022, nous avons embauché une de ses consœurs, qui avait tout juste obtenu sa thèse elle aussi. »
À l’automne 2023, une troisième médecin et une assistance médicale ont rejoint l’équipe, un quatrième praticien « est espéré dans un avenir prochain ». Depuis mars 2025, un agent de la commune est détaché sur le centre de santé pour assurer l’accueil et le secrétariat. Car depuis son ouverture en décembre 2021, le centre, ouvert du lundi au vendredi, ne désemplit pas. En un peu plus de trois ans, ses médecins - aux 39 heures annualisées avec RTT - ont assuré quelque 25 000 rendez-vous. Et la file active (le nombre de patients uniques vus au moins une fois dans l'année) avoisine les 3 500 patients, habitants d’Isigny-le-Buat, prioritaires, pour l’essentiel, et habitants des communes voisines.
Un bâtiment en dur à l’automne 2026
Parallèlement, la municipalité a réfléchi, avec les médecins et le centre départemental de l’habitat, à des locaux en dur pour le centre de santé, pour le moment hébergé dans un bâtiment modulaire. La construction d’un bâtiment de 390 m2 de plain-pied est prévue. Il compterait six cabinets (quatre pour les médecins, un pour l’assistante médicale et un pour l’accueil de professionnels extérieurs), une salle de réunion avec espace cuisine, deux salles d’attente, des sanitaires et des locaux techniques. Coût prévisionnel : 1,39 million d’euros.
« Le bâtiment sera construit à proximité de la Maison de santé, afin de faciliter les liens avec les paramédicaux installés là : une kinésithérapeute, un cabinet infirmier, deux orthophonistes et une pédicure podologue », souligne Jessie Orvain, précisant que des instances de concertation entre les deux structures existent déjà.
Après validation par le conseil municipal en novembre 2024, et l’obtention du permis de construire le 27 février 2025, le démarrage du chantier est prévu pour juin 2025. Et l’ouverture des portes à l’automne 2026.
Budget de fonctionnement du centre de santé
En 2024, le budget de fonctionnement du centre de santé était de 820 000 euros en recettes (honoraires des consultations, subventions type aides de la Caisse primaire d’assurance maladie pour l’installation des médecins et l’emploi d’une assistante médicale) et de 820 000 euros en dépenses (salaires des médecins et de l’assistante médicale, frais de fonctionnement, achats…)
Plan de financement prévisionnel relatif à la construction du centre de santé :
Montant global de l'opération : 1 393 926 euros
Prise en charge (sur fonds propres ou emprunt) par la commune d'Isigny-le-Buat, maître d'ouvrage, à hauteur de 349 982 euros (25,11 %)
Avec le soutien :
- du conseil départemental de la Manche - Contrat de Pôle de Services. Subvention acquise de 241 834 euros (17,35 %)
- de la communauté d'agglomération Mont Saint-Michel Normandie - Fonds de concours. Subvention acquise : 300 000 euros (21,52 %)
- de l'État - Dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) enveloppe 2025. Subvention sollicitée : 352 110 euros (25,26 %)
- du conseil régional de Normandie - Contrat de territoire. Subvention sollicitée : 150 000 euros (10,76 %)
Commune d'Isigny-le-Buat
Nombre d'habitants :
Voir aussi
Découvrez nos newsletters
-
Localtis :
Propose un décryptage des actualités des collectivités territoriales selon deux formules : édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. -
Territoires Conseils :
Recevez tous les quinze jours la liste de nos dernières publications et l'agenda de nos prochains rendez-vous.