Handi’Artistes, une classe spécifique au conservatoire de Paris-Saclay (91)

« L’inclusion des personnes porteuses d’un handicap est de plus en plus présente dans l’action publique, et il importe aux élus de notre territoire que ces enfants en situation de fragilité psychique ou physique pratiquent leur instrument. De plus, Paris-Saclay est un pôle d’innovation technologique reconnu internationalement, avec des étudiants susceptibles d’être sensibles à ces questions. L’alliance entre ces deux univers est au cœur de cette offre de services dédiée », explique Francisque Vigouroux, vice-président de la communauté d’agglomération Paris-Saclay.

Depuis le 1er janvier 2020, le conservatoire à rayonnement régional (CRD) Paris-Saclay accueille dans une classe spécifique des enfants que le handicap empêche de suivre un enseignement musical dans un environnement classique. Âgés de 6 à 14 ans, comme tous les élèves du conservatoire, ces enfants sont atteints de trisomie, d’un handicap moteur ou cognitif de diverse origine, d’autisme… « Tous les types de handicap sont accueillis sans limite », précise Delphine Girard, musicothérapeute en charge du handicap et des besoins spécifiques au CRD & référente Handicap à la communauté d’agglomération. Elle précise : « ces enfants ont besoin, dans un premier temps au moins, d’un accompagnement particulier. Ensuite, nous visons leur inclusion avec des pratiques en duo ou la participation à des classes ».

Une classe spécifique

Concrètement, chaque élève bénéficie d’un cours individuel hebdomadaire de 30 mn, au cours duquel il se familiarise avec les instruments disponibles (violoncelle, contrebasse, cuivres, instruments percussifs, accordéon, piano…) et pratique de manière adaptée : « le violoncelle, par exemple, peut être posé à plat, puis tenu devant l’élève avant de retrouver, au fil des séances, sa position traditionnelle ». La pédagogie, le matériel et les outils habituels du professeur qui est aussi musicothérapeute l’aident à évoluer dans son apprentissage et dans la connaissance de la musique (partitions, rythmes…). Si certains se dirigent spontanément vers un instrument, d’autres ont besoin de plusieurs séances avant de choisir celui qui leur est le plus proche : « A l’inverse de ce qui se pratique le plus souvent, il ne s’agit pas d’assigner un instrument à l’enfant en fonction de son handicap, mais de tenir compte de ses choix, de ses goûts ».

L’adaptation de l’instrument

Alors que les instruments disponibles dans la classe Handi’Artistes sont tout à fait habituels, il s’agit quand la préférence de l’enfant est avérée, d’adapter son instrument. « Avec le pôle Innovation de la communauté d’agglomération, nous avons cherché des partenaires sur le plateau de Saclay. » Résultat : le partenariat se noue avec Drahi-X Novation center, l’incubateur de l’École polytechnique. Dans ce cadre, une stagiaire réalise, en trois semaines, un premier prototype de harpe, amélioré ensuite par quatre étudiants de centrale Supelec avec le Fablab la fabrique. Ils consacrent un semestre à la réalisation d’une harpe adaptée à Aoï, six ans lors de son premier contact avec les cordes celtiques, et qui a reçu son instrument en février 2023. « Un moment magique, raconte Delphine Girard. Cette harpe adaptée lui a permis une évolution étonnante en quelques mois. Elle peut maintenant travailler ses partitions avec précision, jouer en duo avec d’autres enfants. » Les étudiants, quant à eux, ont exprimé leur satisfaction de « réaliser un projet directement utile ».

Pour l’année scolaire 2023-24, contact est pris à nouveau avec Centrale supelec et La fabrique : « l’objectif est qu’un groupe d’étudiants améliore encore la harpe celtique afin de la rendre duplicable. Fabriquée en plusieurs exemplaires, elle serait accessible à d’autres conservatoires [ndrl : l’agglomération en compte 8], d’autres territoires, d’autres enfants ».

Une intégration réussie

Au cœur de l’intégration de ces enfants, les représentations publiques se déroulent une fois par trimestre en présence des parents. De plus, au fur et à mesure de leur progression dans la classe Handi’Artistes, les enfants bénéficient d’un cours avec un professeur dédié à leur instrument. « Trois élèves ont, aujourd’hui, cours avec le professeur de leur discipline : harpe, violoncelle, trompette. Ces passerelles sont essentielles pour concrétiser l’inclusion et leur permettre d’évoluer dans leur discipline. » Quant aux professeurs, ils bénéficient de formations pour apprendre à transmettre aux élèves en situation de handicap. « Il importe que les enseignants soient formés, que les équipes soient convaincues et engagées, et qu’un référent volontaire soit identifié », précise Francisque Vigouroux.

Un financement difficile

Point noir de la démarche qui entre dans sa quatrième année, le budget. Le premier instrument a été financé par Polytechnique (coût du bois brut) et le conservatoire (coût des cordes et chevilles) auquel le pôle Innovation de la communauté d’agglomération a accordé une subvention de 5 000 €. « Les instruments coûtent cher, et peu de familles peuvent payer ce prix, alors qu’ils sont importants pour l’évolution des enfants. » La communauté d’agglomération cherche, de son côté, « les moyens financiers de développer cette offre car nous voulons aller plus loin », exprime le vice-président. D’autant que le programme « Handi’Artistes » a été reconnu et récompensé par le prix Territoria d’Argent 2022, dans la catégorie Enfance et Jeunesse, parrainée par l’Unicef.