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Lutte contre l'exclusion - Exclusion bancaire : comment vivre sans compte ?

L'accès au compte est l'un des axes forts du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, présenté le 21 janvier dernier par le Premier ministre (voir notre article ci-contre du 22 janvier 2013). L'un des sept groupes de travail qui ont préparé le plan était d'ailleurs spécifiquement consacré à "l'accès aux services bancaires et la lutte contre le surendettement". L'une des dispositions à ce titre est en cours de mise en œuvre avec le "fichier positif", autrement dit le registre national des crédits aux particuliers, qui retracera le niveau d'endettement de chaque ménage. Après avoir été adopté à l'Assemblée, en première lecture, le 3 juillet dernier, le projet de loi relatif à la consommation vient en effet d'être adopté à son tour par le Sénat, le 13 septembre (voir notre article ci-contre du 16 septembre 2013). D'autres mesures sont également prévues, comme la mise en place de mécanismes de détection précoce des difficultés bancaires et de lutte contre l'accumulation des frais bancaires, ainsi que la mise en place d'un réseau de "points conseils budget".

Qui sont les exclus bancaires ?

Dans ce contexte, un sondage européen (Espagne, France, Italie, Pologne, Royaume-Uni et Russie), réalisé par Ipsos pour le compte du réseau international de cartes de paiement MasterCard, ne manque pas d'intérêt. Il montre en effet les stratégies mises en œuvre par les exclus bancaires pour faire face aux paiements de la vie quotidienne. En Europe, cette situation concerne, selon la Commission européenne, environ 58 millions de personnes (sur 510 millions d'habitants). La situation est plus favorable en France, puisque le taux de "bancarisation" est de 99% et s'est régulièrement amélioré au cours de ces dernières années (voir notre article ci-contre du 5 mai 2010). Mais bancarisation ne signifie pas accès à tous les services bancaires. Ainsi, cinq à six millions de personnes n'auraient pas accès, en France, à l'ensemble de ces services.
L'étude Ipsos-Mastercard donne une idée du profil de ces exclus. Il s'agit, pour une part non négligeable, de travailleurs pauvres, puisque 30% d'entre eux ont un emploi. Il s'agit aussi le plus souvent de nationaux, les immigrés - qui ne pourraient pas ouvrir un compte faute de disposer de papiers d'identité - ne représentant en effet que 2% des exclus bancaires. Les exclus bancaires sont plutôt jeunes, avec un âge moyen de 40 ans, et l'on trouve parmi eux très peu de retraités à faibles ressources. Enfin, 10% de ces exclus bancaires se sont exclus tout seuls. Ils disent en effet ne pas vouloir ouvrir un compte, du fait de leur manque de confiance dans le système bancaire.

Des stratégies de contournement

Confronté à l'absence de compte ou à la restriction de son usage, les exclus bancaires recourent à diverses stratégies : 100% d'entre eux disent ainsi régler uniquement en liquide les dépenses courantes et 98% font de même pour le paiement de leur loyer. Mais un tiers d'entre eux doivent faire appel à leur famille ou à leur entourage pour régler le loyer ou les factures d'énergie. Outre cette dépendance vis-à-vis des tiers, l'exclusion bancaire peut aussi placer les personnes concernées en situation d'insécurité, la plupart d'entre elles étant contraintes de cacher leur argent liquide à leur domicile.