PLF 2017 - Exclure la DCTRP des variables d'ajustement : la cause des départements et régions portée au Parlement
Le sujet avait fait grand bruit il y a une dizaine de jours au congrès de l'Assemblée des départements de France (ADF). Nombre de présidents de départements découvraient que le projet de loi de finances (PLF) pour 2017 officiellement présenté la veille leur réservait une mauvaise surprise... bien cachée entre les lignes de l'un des articles du texte, en l'occurrence l'article 14.
Cet article peu lisible par le commun des mortels vient élargir le champ des "variables d'ajustement" de l'enveloppe normée des dotations aux collectivités, en y incluant une série de dotations qui ne faisaient jusqu'ici pas partie de cette assiette. Ceci afin de financer, notamment, le renforcement de la péréquation en faveur du bloc local. Un objectif louable… sauf que parmi les dotations impactées figurent la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et la dotation pour transfert de compensations d'exonérations (DCTE), dont le niveau était jusqu'ici figé.
Pour les départements, expliquait alors le président de l'ADF, la minoration envisagée par le PLF (-21,5%) équivaudrait à une perte de près de 400 millions d'euros (317 pour la DCRTP et 80 millions pour la DCTE). Dans leur courte motion adoptée à l'unanimité en fin de congrès, forcément, les élus ont exigé "que le scandaleux hold-up soit immédiatement abandonné".
Les régions sont elles aussi concernées, certes sur des montants moindres. Elles ont été un peu plus lentes à réagir. Le premier à dénoncer la chose a été Christian Estrosi. "En annonçant une baisse de plus de 150 millions d'euros de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, le gouvernement illustre sa volonté d'asphyxier patiemment les régions de France", affirme le président LR de la région Paca dans un communiqué du 12 octobre, regrettant de surcroît que cela se soit fait "en catimini".
Le lendemain, Régions de France (ex-ARF) se joignait à l'ADF pour affirmer dans un communiqué commun que l'intégration de la DCRTP au sein des variables d'ajustement, "présentée comme un ajustement technique, est en réalité une spoliation de ressources pour les départements et les régions". "Ces deux niveaux de collectivités perdraient près de 440 millions d'euros par cette mesure, ce qui est totalement inacceptable", ajoutent les deux associations. Si la perte est évaluée à 317 millions pour les départements, on en déduira qu'elle est d'environ 120 millions pour les régions.
La mesure frapperait injustement certains territoires
Un premier pas important en faveur de la suppression de cette mesure a en fait déjà été franchi. La commission des finances de l'Assemblée nationale a en effet adopté deux amendements similaires en ce sens, émanant de la majorité (Christine Pires Beaune) comme de l'opposition (Charles de Courson).
Au-delà des arguments déjà défendus par l'ADF et Régions de France (la situation déjà très critique de nombreux départements, le fait que seul le bloc local ait eu droit à un "geste" en matière de moindre baisse des dotations...), Christine Pires Beaune a évoqué deux autres points en commission. Elle a rappelé que "seuls perçoivent des DCRTP les départements qui étaient perdants à la réforme de la taxe professionnelle", expliquant : "Si des départements touchaient de la DCRTP, c’est parce qu’ils n’avaient pas de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) disponible sur leur territoire pour compenser la perte de taxe professionnelle et de taxe d’habitation". Et qu'ainsi, les Hauts-de-Seine par exemple, "qui n’en perçoivent pas, ne seraient pas touchés par cette ponction" - tout comme, le même schéma étant valable pour les régions, l'Ile-de-France ne sera pas concernée. Le rapport de la commission des finances fournir d'ailleurs une carte des montants actuels de DCRTP par département.
L'autre raison avancée relève d'une question de principe. La députée PS spécialiste des finances locales souligne qu'avec cet article 14, on prévoit de financer un certain nombre de dispositions en faveur du bloc local (renforcement de la péréquation notamment, mais aussi changements de périmètres intercommunaux) en ponctionnant une autre catégorie de collectivités. "Ce serait la première fois", relève-t-elle.
Gilles Carrez, le président de la commission des finances, a abondé en son sens : alors que jusqu'ici, gouvernement et législateur ont toujours pris soin de "rester à l’intérieur de la même catégorie de collectivités", "voici que l’on envisage une entorse majeure" à ce "principe strict". "Je ne comprends pas très bien, pour ma part, comment une telle disposition a pu être proposée dans ce projet de loi de finances", s'est même interrogé Gilles Carrez. Valérie Rabault, rapporteure générale du budget, a elle aussi acquiescé.