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Et si le projet de loi Pacte précipitait la "refondation" de l'Anru ?

Quoi de commun entre le futur Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) et l'Agence nationale pour la rénovation urbaine ? Il se pourrait bien que le premier, en fragilisant le principal financeur de la seconde, ne précipite sinon son affaiblissement, du moins sa "refondation". 

"Nous allons supprimer le seuil de 20 salariés et les obligations sociales et fiscales qui y sont liées, à l’exception de celles liées à l’emploi de personnes en situation de handicap", a confirmé le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, dans une interview au Parisien du 3 mai. Ces suppressions, qui figureront dans le futur projet de loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises)*, seraient "entièrement prises en charge par l’Etat, pour un coût de 500 millions d’euros", a assuré le ministre. 
Parmi les obligations concernées : le versement de la Peec (Participation des employeurs à l'effort de construction) et la cotisation au Fnal (Fonds national d'aide au logement), ce qui avait inquiété Action Logement qui menaçait dans ses conditions de ne plus financer l’Anru (voir ci-dessous notre article du 14 mars 2018). Action Logement estimait alors "la diminution de ses ressources de l’ordre de 300 millions d'euros" par an et jugeait "hypothétique" "l’éventuelle compensation évoquée par le gouvernement".

"L'ambition originelle s'est perdue"

Depuis, Jean-Louis Borloo a remis son rapport au Premier ministre (voir nos articles ci-dessous du 26 et 27 avril 2018). Un rapport largement salué par le petit monde de la politique de la ville (associations d'élus, professionnels, secteur du bâtiment...) et dans lequel il tire à boulets rouges sur l'Anru. "En transformant subrepticement cet outil agile, réactif, tiers de confiance et facilitateur en une agence d’un Etat impécunieux, tout s’est enrayé", a estimé son père fondateur, épargant dans sa critique les "équipes de l’Anru, victimes elles-mêmes de cette dérive bureaucratique". Si bien que "depuis 4 ans, la rénovation urbaine est à l’arrêt, l’ambition originelle s’est perdue. La bureaucratie a progressivement pris le pas sur la dynamique de projets. Le lien de confiance a été rompu".
Erigé en exemple l'été dernier encore, lors de l'annonce de la création de la future agence nationale de cohésion des territoires (voir notre article du 18 juillet 2017), force est de constater que le "modèle Anru" est aujourd'hui tombé en disgrace. 

Une "refondation" de l'Anru...

Action Logement, son principal financeur, ne fait pas exception. Suite à la remise du rapport Borloo, elle s'est positionnée en faveur d'une "refondation de l'Anru", expliquant que - jusqu'à ce jour en tout cas - "le problème n’est pas pour l’essentiel un problème de financement, mais avant tout un problème d’organisation et de gouvernance de cet outil". Elle recommande de doter l'Anru d’une "capacité de co-investissement renforcée afin de financer davantage les démolitions ou de soutenir les bailleurs fragilisés", de la transformer en un "outil plus réactif", de simplifier ses procédures et d'instaurer "une gouvernance pilotée par les financeurs en partenariat avec les collectivités locales et les bailleurs sociaux". Mais "pour tout cela, les ressources d’Action Logement doivent être sécurisées et gérées par les seuls partenaires sociaux", prend-elle bien soin de préciser.
Action Logement se positionne ainsi en faveur de la deuxième hypothèse envisagée par Jean-Louis Borloo pour "changer la gouvernance de l'Anru" et "faire revenir les grues dans les quartiers dès la fin de l'année". La première hypothèse, qualifiée de "plus ambitieuse" par l'ex ministre de la ville, serait de passer tout simplement à autre chose et de créer une "fondation".

... ou une "fondation appartenant à la Nation" ?

Une "fondation appartenant à la Nation" même. Elle regrouperait aussi les collectivités territoriales, les financeurs, les partenaires sociaux et les bailleurs, mais son objet irait bien au-delà de la réparation de quartiers jugés prioritaires. "Elle aurait pour vocation le renouvellement urbain à proprement parler, le complément de financement permettant la mise à niveau de l’ensemble des équipements publics voulu par les agglomérations et les communes dans les bassins en crise ne disposant que de peu de ressources et dans les territoires ruraux". "Par ailleurs, elle poursuivra les missions d’Action Logement : mieux loger les salariés, renforcer le lien emploi-logement", précise le rapport Borloo. Et "prêterait une attention particulière aux offices en difficulté".
En outre, cette fondation bénéficierait "de l’affectation irréversible de fonds et d’actifs d’Action Logement, garantissant ainsi une ressource pérenne". Ses moyens seraient ainsi "considérablement renforcés par la vente de certains actifs".

Réponse le 22 mai ?

Il ne faudrait pas en effet que, en décentrant le sujet sur la gouvernance, la question du financement soit reléguée au second plan. De ce point de vue, le rapport Borloo prévoit que "de par son statut de fondation, [la structure qui succédera à l'Anru] n’entrera pas dans les critères de Maastricht et ne sera pas soumise à l’annualité budgétaire. Elle pourra donc mobiliser rapidement et puissamment l’ensemble des financements indispensables permettant l’accès à l’égalité de qualité urbaine". Une perspective qu'Action Logement ne semble pas, pour l'heure, envisager. Réponse peut-être le 22 mai, jour où Emmanuel Macron annoncera les propositions du rapport Borloo qu'il retiendra pour la feuille de route du gouvernement en matière de politique de la ville. Le sort de l'Anru sera peut-être alors précisé, en cohérence avec les effets collatéraux de la future loi Pacte.

* La présentation en conseil des ministres du projet de loi Pacte, plusieurs fois reportée, serait finalement prévue "courant mai".

 

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