Érosion côtière : lancement des travaux de démolition du Signal, en Gironde
Les travaux de démolition du Signal, immeuble devenu symbole du recul des plages sur le littoral atlantique, ont démarré 3 février à Soulac-sur-Mer (Gironde), alors que des dizaines de milliers d'autres logements sont menacés d'ici la fin du siècle.
"Au travers de ce qui passe aujourd'hui", on voit "ce que la montée des eaux et l'érosion du trait de côte vont projeter dans plein d'autres endroits du littoral français", a déclaré ce 3 février le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, venu assister avec Bérangère Couillard, secrétaire d’État chargée de l’écologie, aux travaux de démolition de l’immeuble Le Signal situé à Soulac-sur-Mer (Gironde). D'ici 2100, 20% du littoral et "jusqu'à 50.000 habitations" sont "concernées" par le phénomène, a ajouté Christophe Béchu, tandis que les mâchoires d'une pelle hydraulique commençaient à croquer l'immeuble construit en 1967 à 200 mètres de l'océan, et désormais à flanc d'une dune à moins de 20 mètres des flots.
Recul du trait de côte accentué par le changement climatique
Phénomène naturel à l'oeuvre depuis 18.000 ans sur le littoral atlantique, le recul du trait de côte se caractérise par un déplacement massif de sédiments sous l'effet des vagues, des vents et des marées. Selon les scientifiques de l'Observatoire de la côte de Nouvelle-Aquitaine, le littoral sableux du golfe de Gascogne pourrait ainsi reculer de 50 mètres, et les côtes rocheuses du Pays basque de 27 mètres, d'ici 2050. Le changement climatique, qui devrait engendrer ces 30 prochaines années une montée des eaux similaire à celle mesurée sur tout le siècle dernier, menace également d'accentuer le repli de 20 mètres supplémentaires par endroits, indique Nicolas Bernon, ingénieur en risques côtiers à l'Observatoire.
À Soulac-sur-Mer, Le Signal a été l'unique bâtiment achevé d'un vaste projet de type "Grande Motte" de plus d'un millier d'appartements, avec un boulevard 2x3 voies en bord de plage. Fin 2020, après six ans de feuilleton juridico-administratif, les copropriétaires ont obtenu une indemnisation à hauteur de 70% de la valeur originelle de leur logement. Un "accord one shot" voté au Parlement, qui "ne fera pas jurisprudence" pour éviter d'élargir le fonds Barnier - dédié uniquement aux risques naturels majeurs - aux milliers de propriétaires menacés par l'érosion dunaire, relèvent des spécialistes du dossier.
Car dans la région Nouvelle-Aquitaine, selon le groupement d'intérêt public (GIP) littoral, principal acteur local de la gestion de l'érosion, jusqu'à 6.700 logements et commerces pourraient être avalés par l'océan d'ici la moitié du siècle, si rien n'est fait. Pour Nicolas Castay, directeur de cette structure financée par l'État, la région et les collectivités du littoral, "l'affaire du Signal a été un révélateur, un drame pour avancer. Les collectivités se sont équipées et outillées avec des spécialistes" pour lutter.
Besoin de fonds
Aidées jusqu'en 2027 par un fonds européen de 38 millions d'euros et, pour plusieurs d'entre elles, par des soutiens de l'État, les collectivités de la région ont mis en place des stratégies "mixtes", allant de la protection "en dur", via des enrochements et des digues, jusqu'au déplacement futur des bâtiments menacés. Mais selon l'ingénieur Nicolas Bernon, "à long terme, il faudra relocaliser" car les ouvrages en dur, qui "protègent à court terme", intensifient le recul à leurs extrémités et devront être renouvelés régulièrement.
Les maires, rassemblés au sein de l'Association nationale des élus du littoral (Anel), ont lancé ce vendredi "une alerte" en réclamant à l'État "des moyens, un fonds dédié et une écoute" pour financer ces projets. Le gouvernement qui a mis en place, via son "fonds vert", des cofinancements au cas par cas pour l'année 2023 uniquement, mène actuellement une "concertation" avec les élus, a rappelé Christophe Béchu. "Il faut des centaines de millions d'euros pour accompagner ce type de choses. Qu'on prenne quelques mois pour se demander quel est le meilleur mécanisme pour collecter cette somme, ça me semble plutôt rationnel", a déclaré le ministre.
En Nouvelle-Aquitaine, la station balnéaire de Lacanau (Gironde), pionnière pour relocaliser plus d'un millier de logements, a repoussé ce projet à l'après-2050, faute de moyens juridiques et financiers ; elle privilégie désormais la construction d'une digue fixant temporairement le front de mer.