Entreprises en difficulté : des dispositifs de détection "décevants", juge la Cour des comptes
Les dispositifs de détection des entreprises en difficulté s'avèrent "décevants", estime la Cour des comptes qui, dans un contexte de recrudescence des défaillances, invite à une évaluation plus approfondie de chacun d'eux pour une réponse plus efficace.
Alors que les défaillances des TPE et PME sont au plus haut, la Cour des comptes s'est plongée dans les dispositifs de détection des difficultés des entreprises. Un écosystème pléthorique (qui implique la Direction générale des finances publiques, la Direction générale des entreprises (DGE), l'Urssaf, les conseils régionaux, les tribunaux de commerce, les réseaux consulaires et des structures associatives) que l'Etat a voulu coordonner à la sortie de la crise du Covid en 2021 en instaurant un "point d'entrée universel". Lequel est incarné par des "conseillers départementaux à la sortie de crise", positionnés au sein des directions départementales des finances publiques. Ces conseillers sont spécialisés dans les TPE et PME, qui représentent "l'essentiel du tissu productif français". La Cour rappelle à cet égard que le réseau des commissaires au redressement productif (CRP), créé en 2012 avec un maillage régional, se concentre de son côté sur les entreprises moyennes ou de taille intermédiaire et principalement industrielles.
Or, le bilan de cette nouvelle organisation est "décevant" juge la Cour. Le conseiller départemental "peine encore à être bien identifié par les entreprises et les réseaux d’acteurs". Le rapport plaide pour une meilleure articulation des acteurs de proximité via des "conventions locales de partenariat", afin de "fluidifier le parcours usager".
Montée en puissance des régions
Une fois les difficultés de l'entreprise détectées, les procédures de traitement sont multiples (étalement des paiements, prêts, audits, procédures amiables, accompagnement du chef d’entreprise…) et n'ont pas la même efficacité, constate encore la Cour qui s’est livrée à des premiers chiffrages sur la période récente. Il en ressort que les taux de survie à un an des entreprises varient fortement d'une procédure à l'autre. Il est par exemple de 72% après une procédure amiable et de 86% pour un rééchelonnement des dettes fiscales et sociales. Pour autant, ces étalements de dettes, largement utilisés en sortie de crise du Covid par les DDFIP ou les Urssaf, "ne garantissent pas le redressement de l’entreprise" ni leur viabilité deux ans après. "Ces procédures gagneraient sans doute, dans le cadre des évolutions en cours, à être complétées par une orientation vers d’autres structures d’accompagnement, ainsi que vers les aides existantes au niveau régional", recommande-t-elle.
Les magistrats se sont d'ailleurs penchés sur le rôle des conseils régionaux qui est en train de monter en puissance sur le terrain économique, depuis la loi Notre de 2015. Dans son rapport annuel de 2023, la Cour avait déjà pu constater une hausse de 50% de leurs dépenses de développement économique entre 2013 et 2021, du fait de la crise sanitaire, pour un montant total de 3 milliards d'euros. Les régions se sont notamment portées au chevet de leurs entreprises en difficulté, comme l'autorise la loi. Seulement leur intervention s'est avérée très inégale. Certaines régions, rompues à cet exercice du fait de leurs restructurations industrielles, à l'image des Hauts-de-France, se sont fortement impliquées quand d'autres se sont montrées frileuses. Ce qui a eu pour conséquence "de complexifier l’organisation relative au soutien des entreprises en difficulté, et d’en réduire la lisibilité pour les acteurs", relève la Cour.
Manque d'accompagnement
Ces inégalités territoriales se retrouvent aussi au niveau des procédures amiables mises en place par les tribunaux de commerce. Ces procédures "permettent une approche plus globale des difficultés" et "doivent être encouragées pour limiter le nombre de défaillances". Mais si certaines juridictions, dans l'Ouest, sont très impliquées dans ce domaine, d'autres le sont beaucoup moins (l'Aude, l'Aveyron, l'Ardèche, la Haute-Loire…).
Le rapport déplore aussi le manque d'accompagnement des chefs d'entreprises en difficulté, un aspect vu comme le "maillon faible" des procédures de traitement actuelles. "Face à la remontée des défaillances, ces constats plaident pour une évaluation approfondie de l’impact des différents dispositifs, afin d’être en capacité de mieux mobiliser et développer les mesures les plus efficaces", conclut la Cour.