Assises de la maternelle - Entre l'Education nationale et les communes, "la confiance doit s'installer"
Au deuxième jour des Assises de l'école maternelle, le 28 mars, l'enjeu de la coopération entre les communes et l'Education nationale a été présenté comme décisif. Ouverture de l'école, liens entre l'accueil petite enfance et la maternelle, communication entre enseignants et Atsem, formation des professionnels, aménagement de l'espace... les sujets de collaboration ne manquent pas. Quant au passage à une école maternelle obligatoire, France urbaine appelle à en évaluer le coût.
Pour devenir "l'école du langage et de l'épanouissement" que le ministre de l'Education nationale appelle de ses vœux, l'école maternelle aura besoin de toutes les compétences. Celle de l'institution scolaire et celle des communes, celle des enseignants et celle des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), mais aussi celle d'autres professionnels tels que les éducateurs de jeunes enfants. C'est en substance le message qui a été passé lors de la dernière demi-journée des Assises de l'école maternelle, le 28 mars, en particulier lors d'une séquence intitulée "Communauté éducative et partenaires de l'Ecole".
Ecole maternelle obligatoire : "qui va payer ?"
"Nous ne sommes pas simplement des partenaires, nous sommes des co-éducateurs", a d'emblée tenu à clarifier Chantal Brault, adjointe au maire de Sceaux en charge notamment de la petite enfance et de la vie scolaire et périscolaire. S'exprimant également au nom de l'Association des maires de France (AMF), Chantal Brault a fait part de la volonté des communes de s'investir pleinement dans la refondation de l'école maternelle.
La veille, suite à l'annonce du président de la République de rendre l'instruction obligatoire à partir de 3 ans, France urbaine avait déploré que cette décision n'ait pas fait l'objet en amont d'une concertation avec les collectivités concernées, ni d'étude d'impact financier. "Qui va payer ?", interrogeait l'association, tout en soulevant une contradiction apparente avec la future contractualisation qui contraindra fortement les dépenses de fonctionnement des collectivités. France urbaine réunissait le 28 mars sa commission éducation "pour examiner les conséquences de cette annonce et essayer d'en chiffrer le coût".
Refondation de l'école maternelle : un enjeu de coopération avant tout ?
Pour Chantal Brault, le passage à une maternelle obligatoire constitue plutôt "une chance exceptionnelle" donnée aux acteurs de l'éducation de "revoir ensemble toutes les données de l'école maternelle". Les communes souhaitent ainsi avancer sur le "prolongement de la petite enfance sur l'école maternelle" ou encore ouvrir davantage l'école à la culture – en invitant les écoles de musique et les bibliothèques, en organisant des expositions ou encore des visites des écoliers à la mairie. "Ce sont des coûts" que les communes seraient prêtes à consentir, selon l'élue des Hauts-de-Seine, tout en ajoutant un peu plus tard que "la disparité des moyens" était un "frein". Elle considère toutefois que l'enjeu principal est celui de la coopération entre acteurs : "Il faut qu'on soit plus souvent autour de la table, qu'une confiance soit trouvée, que l'on considère que chacun a sa place, ce n'est pas si simple que ça."
Atsem-Enseignants : "Il y a un vrai besoin de concertation, de cohésion. Aucun texte réglementaire ne permettra de le régler"
Autre sujet complexe : celui de la coordination entre enseignants et Atsem. Après la publication le 3 mars dernier des deux décrets élargissant les missions des Atsem et leur ouvrant des perspectives d'évolution professionnelle (voir notre article du 6 mars 2018), le dialogue doit désormais avoir lieu sur le terrain, à en croire les différents intervenants de la table ronde du 28 mars à ce sujet. "Des enseignants stagiaires ne savent pas du tout qui nous sommes, ce que nous faisons", a ainsi témoigné Gaëlle Le Notre, du collectif Atsem de France.
"Il y a un vrai besoin de concertation, de cohésion. Aucun texte réglementaire ne permettra de le régler", estime Philippe Debrosse, Inspecteur général de l'administration et co-auteur du rapport Igen/IGA (voir notre article du 20 septembre 2017). L'élaboration de chartes locales avait été préconisée dans ce rapport. En pratique, la grande difficulté serait de dégager un temps commun, dans la journée, pour permettre aux enseignants et Atsem d'échanger. Figure incontournable de la vie des jeunes écoliers, l'Atsem ne serait ainsi pas invitée à participer aux réunions d'équipes organisées sur les pauses méridiennes, puisqu'elle est alors auprès des enfants à la cantine.
La formation, un vaste chantier pour l'école maternelle
Même difficulté pour organiser des formations conjointes entre enseignants et Atsem. Certaines communes – Amiens et Beauvais par exemple – et académies s'efforcent toutefois de les développer, notamment lorsque les écoles accueillent des enfants de moins de trois ans.
Plus globalement, l'enjeu de formation est apparu comme central pour l'école maternelle. Actuellement, nombre de formations initiales au professorat des écoles ne dispensent aucun module spécifique sur la maternelle. Quant au référentiel de formation des Atsem, il devrait intégrer de manière beaucoup plus précise un volume horaire dédié au développement de l'enfant ou à des "notions fondamentales" telles que la théorie de l'attachement, selon Frédérique Hirn, psychologue et formatrice petite enfance.
En conclusion de ces Assises, Boris Cyrulnik puis un représentant de l'Education nationale ont de nouveau insisté sur l'importance de la formation de l'ensemble des professionnels de l'école maternelle. L'idée est aussi de favoriser davantage de liens avec les professionnels de la petite enfance - éducateurs de jeunes enfants, auxiliaires de puériculture... -, afin de croiser les savoirs ou encore d'éviter une rupture trop brutale entre la crèche ou l'accueil familial et l'école.
Aménager l'espace pour favoriser le bien-être des enfants et l'apprentissage
Autre sujet de coopération entre l'Education nationale et les communes : celui de l'aménagement de l'école et des salles de classe. A l'école Beaulieu La Tour à Saint-Etienne, un "espace parents" a été installé dans un hall, afin d'informer les parents, de leur permettre d'échanger et de rencontrer des responsables d'équipements du quartier. Avec l'aide de la ville de Saint-Etienne, la directrice de l'école a également pu aménager sa classe de toute petite section sur deux espaces. Avec selon elle "un effet presque immédiat : les pleurs des enfants diminuent". La veille, premier jour de ces Assises, Anne-Marie Fontaine, maître de conférences en psychologie de l’enfant à l'Université Paris X, avait démontré à quel point une démarche d'"écologie développementale" était nécessaire pour adapter l'aménagement de l'espace aux besoins des petits enfants.
Ce type de collaboration est devenu un passage obligé dans le cadre du dédoublement des classes de CP et CE1 des réseaux d'éducation prioritaire. Au quotidien toutefois, les directeurs d'écoles n'auraient pas toujours le réflexe de solliciter la commune pour de telles problématiques. Quelques vives interventions dans la salle ont montré que la compréhension n'était pas simple, entre des directeurs d'école et enseignants soucieux de "faire financer" leurs projets et des responsables d'éducation de communes faisant valoir leur expertise et réclamant plus de dialogue sur le fond. "La confiance doit s'installer", répète Chantal Brault, qui annonce "une grande étude" de l'AMF susceptible de "révolutionner" les façons de faire.