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Service public - Entre La Poste et les élus locaux, le climat est à la détente

Après des années de vive inquiétude sur le maintien des bureaux de poste, le dialogue entre les élus et l'opérateur s'est amélioré. La greffe des agences postales communales et relais postaux a bien pris, souvent grâce à l'apport des nouvelles technologies. Quant au fonds de péréquation, sa dotation annuelle pourrait être en légère augmentation dans le prochain budget et s'élever à 140 millions d'euros.

"Nous nous engageons à ce que chaque département bénéficie, pour accompagner l'évolution du réseau postal, d'une dotation égale ou supérieure à celle des années précédentes", indique Jean Launay, député PS du Lot, maire de Bretenoux, et vice-président de l'Observatoire national de la présence postale, qui s'est réuni le 14 septembre dernier. Cette dotation est celle du Fonds postal national de péréquation territoriale, créé par la loi du 20 mai 2005, et destiné à conserver la densité du maillage postal, en finançant trois types de projets : rénovation des bureaux de poste ; transformation du bureau postal en Agence postale communale (APC), confiée à la charge de la commune, ou en Relais poste commerçant (RPC), installé chez un commerçant.

Les règles et clés de répartition du fonds de péréquation sont élaborées par l'Observatoire national de la présence postale, créé en 2008 pour veiller à la mission d'aménagement du territoire assignée à La Poste. Les dotations reçues par chaque département sont ensuite discutées et redistribuées entre les communes par une commission départementale de présence postale territoriale (CDPPT), où participent l'Etat, La Poste et les élus locaux. L'ensemble du dispositif est encadré par un contrat tripartite, entre Etat, Poste et AMF (Association des maires de France), qui fixe notamment le montant du fonds de péréquation. Pour la période 2008-2010, ce fonds était financé, à hauteur moyenne de 135 millions d'euros chaque année, par un abattement de taxe professionnelle, accordé à La Poste au titre de sa mission d'aménagement du territoire. Alors que la taxe professionnelle a été supprimée, et qu'un nouveau contrat tripartite est en cours de négociation pour la période 2011-2013, beaucoup d'élus locaux s'inquiètent de la pérennité du fonds. C'est sur ce point que l'Observatoire national de présence postale, ainsi que les présidents des CDPPT, réunis ces jours derniers, se montrent rassurants. "Conformément à la loi, l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), proposera prochainement un montant pour le fonds, et celui-ci sera pris en charge par l'Etat, intégralement budgété - du moins nous y veillerons - dans le projet de loi de finances. La dotation annuelle devrait s'élever à un montant proche de 140 millions d'euros, soit un peu plus que les années précédentes", précise Jean Launay. Lequel indique aussi que les relations entre La Poste et les élus locaux, si elles ne sont pas exemptes de tensions, se sont nettement améliorées.

"De la guerre des tranchées au dialogue vigilant"

"Avec La Poste, nous sommes passés de la guerre des tranchées au dialogue vigilant", résume Vanik Berberian, président de l'Association des maires ruraux de France et maire de Gargilesse-Dampierre, dans l'Indre. Ces relations ont naturellement pour enjeu la restructuration du réseau postal. Si La Poste a l'obligation légale de maintenir, sur le territoire français, au moins 17.000 points de contact (*), elle s'efforce de transformer ses bureaux les moins rentables en Agence postale communale ou en simple relais commerçant, version minimale du service postal. Et les chiffres disent l'ampleur de la métamorphose. Entre 2002 et 2010, les APC sont passées de 900 à 5.000 ; les RPC de 400 à 1.500 ; et les bureaux de poste, au sens classique, de 15.700 à 10.500, soit une diminution d'un tiers. Jusqu'à un passé récent les élus locaux, dans de nombreux départements, ne voyaient pas d'autre recours, face à cette vague de restructurations, que la mobilisation populaire. "Dans l'Aude, les maires des petites communes, juste après leur élection, en 2008, ont été démarchés par des responsables de La Poste, avec ce discours : soit on réduit les heures d'ouverture de votre bureau de poste, soit vous le transformez en Agence postale communale; et vous avez un mois pour vous décider. Quand ils sont venus dans notre village, à Douzens, on leur avait préparé un comité d'accueil de 300 personnes", raconte Philippe Rappeneau, le maire de Douzens. Avec Serge Lépine, maire de Camplong-d'Aude, il a créé un collectif, "Touche pas à ma Poste", réunissant 400 élus et usagers, qui ont bloqué des TGV, des péages, organisé des sit-in devant la préfecture...

Mutualisation

Désormais, les rapports de force et les négociations se règlent au niveau de la CDPPT. "Le préfet a tapé du poing sur la table, et les méthodes à la hussarde sont désormais proscrites. Nous sommes informés des projets de La Poste en amont, et à partir de là on cherche des solutions. Mais il faut toujours être sur le qui-vive. Nous avons par exemple dû batailler pour faire rouvrir le bureau postal de Lavalette, fermé pendant 8 mois à cause d'une mystérieuse panne informatique", indique Philippe Rappeneau. Même écho dans le Doubs, où Daniel Cassard, maire de Belmont, et président de l'Association des maires ruraux du Doubs, a dû évoquer une manifestation des édiles pour obtenir le lancement d'une concertation. "Aujourd'hui, les relations sont à peu près normalisées, grâce notamment à la coordinatrice régionale de La Poste, qui sait arrondir les angles, si bien que nous trouvons des compromis", explique le maire.

Des compromis aux effets globalement positifs, de l'avis de beaucoup d'élus. "La mutualisation, par exemple, s'avère efficace dans de nombreux cas. Dans notre commune, nous avons couplé, au sein d'une APC, le service postal avec un office du tourisme, et une borne internet. Ce qui nous permet d'être ouverts toute l'année, avec une amplitude horaire supérieure. Dans un autre village, près d'ici, le maire a préféré faire un relais postal, pour apporter une bouffée d'oxygène à un commerçant en difficulté. En revanche il serait contre-productif de vouloir imposer partout une solution standard, comme la transformation du bureau de poste en APC. Et pour cela les maires doivent rester actifs et solidaires", souligne Vanik Berberian. Par ailleurs, les communes rurales, dans de nombreux cas, ont profité de l'occasion pour implanter de nouvelles technologies. "Dans le Doubs, plusieurs villages ont créé des APC avec une borne wi-fi, un Visio Services... pour un résultat très satisfaisant. Mieux vaut une bonne APC qu'un mauvais bureau de poste", observe Daniel Cassard.

Reste une inquiétude, commune à de nombreux élus : la subvention attribuée par La Poste (environ 850 euros par mois pour un APC, 300 à 320 euros pour un RPC), en contrepartie des tâches postales de l'employé municipal ou du commerçant, ne risque-t-elle pas un veto de la Commission européenne, après la libéralisation totale du marché postal, le 1er janvier 2011 ? "Cette inquiétude me paraît infondée. C'est bordé juridiquement, et le gouvernement a répondu précisément sur ce point", assure Jean Launay. Après une période de vives tensions, donc, le climat semble aujourd'hui à l'apaisement et à la recherche de solutions sur le terrain. Aussi les présidents des CDPPT se disent sereins, bien que vigilants. "Nous sommes en train de construire un système assez original, sans rien renier du service public à la française, et qui commence à faire école dans d'autres pays européens", conclut Pierre Hérisson, sénateur UMP de Haute-Savoie, et président de l'Observatoire national de la présence Postale.

Paul Arguin

 

(*) Selon la loi, au moins 90% de la population d'un département doit avoir accès à un point de contact postal, à moins de 5 kilomètres et à moins de 20 minutes en voiture.