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Avenir de la fonction publique - En lançant le débat, le gouvernement en appelle au "pluralisme" et à "l'audace"

"Pourvu que tout cela ne soit pas une comédie", confiait un responsable syndical à l'issue du lancement en grande pompe par le Premier ministre, le 1er octobre au ministère de l'Economie, de la conférence sur les valeurs, les missions et les métiers de la fonction publique. Ce petit commentaire illustre bien l'opinion du monde syndical réuni au complet à cette grand-messe dédiée à la rénovation de la fonction publique. "Je m'attendais à pire", a déclaré pour sa part, en public, le président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), Bernard Derosier, qui avait pensé qu'on allait "lui lire les propositions du président de la République".
Non, le livre blanc sur lequel les débats de la conférence doivent déboucher en mai prochain "n'a pas été rédigé d'avance" n'a eu cesse de répéter le ministre de la Fonction publique, alors que les syndicats sont doublement échaudés par l'absence de négociation salariale et par les récentes propositions du chef de l'Etat sur la fonction publique.
Eric Woerth a tout de même livré quelques pistes de réflexion. Il a notamment estimé qu'il faudrait "respecter, approfondir, refonder" le statut des fonctionnaires, et que l'administration devait "être en mesure d'évoluer constamment, et de développer la mobilité des fonctionnaires". Il a également insisté sur l'égalité d'accès à la fonction publique, estimant que le concours d'accès ne permettait plus de défendre "ce principe d'égalité". "Toutes les études montrent que le concours est un obstacle, a-t-il indiqué. Plus de 50% des lauréats ont un niveau de diplôme supérieur au niveau exigé."
François Fillon a lui aussi dégagé quelques pistes de réforme, comme la gestion par métier dans la fonction publique d'Etat, ou encore la liberté laissée aux nouveaux entrants de "choisir entre le statut de fonctionnaire et un contrat de gré à gré", une proposition de Nicolas Sarkozy qui avait déclenché une fronde syndicale.
Pour établir les premiers éléments d'un diagnostic, le gouvernement a commandé un sondage à l'Institut Ipsos, dont les résultats ont été présentés au cours de la conférence. Selon l'enquête, 94% des fonctionnaires se disent "fiers de leur métier" et 77% d'entre eux "comprennent la nécessité du changement dans l'administration". Mais 52% seulement sont "optimistes" quant à leur avenir professionnel et 61% soulignent qu'ils ne sont pas satisfaits de la reconnaissance accordée à leur travail.
Ce malaise est cependant moins perceptible dans la fonction publique territoriale. Les territoriaux apparaissent en effet nettement plus optimistes (63%) sur leur avenir professionnel que les agents de l'Etat (46%). En outre, si 53% des agents de la FPT ne sont pas satisfaits de la reconnaissance accordée à leur travail, ce résultat grimpe à 64% dans la fonction publique d'Etat et à 66% dans la fonction publique hospitalière.
Le directeur général de l'Association des maires de France (AMF), Nicolas Desforges, n'a pas semblé surpris par ces chiffres : dans la fonction publique territoriale, "il y a un responsable clairement identifié, le maire, qui a en face de lui une sanction immédiate, celle de l'usager ou de l'électeur" a-t-il déclaré. "Je suggère que l'Etat s'inspire de la territoriale", a pour sa part affirmé Bernard Derosier, qui a vanté la rationalité des cadres d'emplois de la FPT.
"Le pessimisme des fonctionnaires par rapport à leur déroulement de carrière est plus prononcé en France que dans les autres pays européens, alors même que nos agents sont fiers de leur travail", a constaté Catherine Fieschi, rapporteur scientifique de la conférence. "On ne pourra pas maintenir ce paradoxe encore longtemps", a-t-elle conclu.

 

Thomas Beurey / Projets publics

 

Un grand débat ouvert à tous

Le débat qui s'ouvre sera organisé autour d'une conférence permanente constituée de trois collèges (syndicats, employeurs et personnalités qualifiées) qui se réunira trois ou quatre fois en séance plénière d'ici la fin du débat, au printemps. Parallèlement, différentes rencontres et tables rondes à Paris et en province permettront aux usagers, syndicats, employeurs, agents, citoyens et experts de débattre et d'exposer leur conception du service public. De même, un forum internet permettra de recueillir les contributions des citoyens et fonctionnaires qui souhaiteraient s'exprimer sur le sujet. Le débat doit s'achever par la rédaction d'un livre blanc permettant de fixer les grandes orientations de la fonction publique.