En Gironde, des équipements sportifs scolaires ouverts sur la ville
Alors que l'afflux des licenciés dans les clubs pose la question cruciale de la disponibilité des équipements sportifs, le conseil départemental de la Gironde a trouvé depuis plusieurs années une réponse adaptée en partageant les installations de près des deux tiers de ses collèges.
Pâques 2024. Le gymnase du collège du Lac de Bordeaux accueille de nouveaux stagiaires durant les congés scolaires. Des collégiens venus préparer les prochaines épreuves du brevet ? Non, des licenciés de Dzmadada Dojo, un club de taekwondo situé à Ginko, écoquartier populaire sorti de terre il y a à peine plus de dix ans qui, petit à petit, se dote des services publics indispensables à une population en pleine croissance.
Mai 2022. Le collège du Lac est inauguré en plein cœur de Ginko, au pied des immeubles d'habitation et des nombreux commerces. Les enseignants d'EPS bombent le torse. Ils vont pouvoir profiter de deux belles salles de sport. Cette ouverture va également ravir Clément Vignaud, mais il ne le sait pas encore. Directeur de l'association Dzmadada Dojo, cet éducateur sportif et ancien travailleur social souhaite s'implanter dans les quartiers prioritaires concernés par un projet de renouvellement urbain.
Septembre 2022. La mairie propose à Dzmadada Dojo de mettre à sa disposition un gymnase municipal. Très vite, des retards dans les travaux obligent à chercher une autre solution. Le contact de Clément Vignaud au service municipal des sports lui fait alors une offre inattendue : s'installer dans le gymnase du collège du Lac...
"Nous n'avons pas attendu la loi"
Mutualiser les équipements sportifs scolaires pour y faire entrer des associations sportives locales est une ambition portée par le ministère des Sports. Le 7 novembre dernier, le ministre Gil Avérous l'a rappelé aux élus de l'atelier Sports de Régions de France. Depuis 2022, la loi prévoit que tout établissement scolaire public neuf ou rénové doit disposer d'un accès indépendant à ses équipements sportifs.
Février 2017. Le plan "collèges" de la Gironde acte la construction et la réhabilitation de vingt-quatre établissements à l'horizon 2024. Inspirés par une tradition ancienne, les élus décident que les futures installations sportives seront ouvertes aux clubs. Isabelle Dexpert, vice-présidente du conseil départemental, chargée des collèges : "Nous n'avons pas attendu la loi de 2022. Cela fait des années que nous réfléchissons à la manière dont nos collèges pourraient répondre aux besoins des territoires en partant d'un constat : il y a une forte affluence dans leurs équipements sportifs sur le temps scolaire, mais à dix-sept heures, tout s'éteint. Et le week-end, il n'y a plus personne."
Aller au delà des besoins scolaires
Une fois entérinée la faisabilité juridique, un travail débute avec les services de l'État et les services de secours, dont le Sdis (service départemental d'incendie et de secours). Il faut s'assurer que les mesures de sécurité pourront être respectées par les futurs utilisateurs. S'ensuit une réflexion sur l'organisation des locaux. Ils doivent être accessibles hors temps scolaire sans pour autant donner accès au reste de l'établissement. Des critères sont définis et intégrés à l'appel d'offres du plan "collèges". On créera un accès indépendant, on construira les équipements à partager en rez-de-chaussée. Surtout, leur mutualisation sera prise en compte dès la conception des projets.
À ce stade, une question se pose. Quels équipements sportifs construire ? Est-il possible d'aller au delà des seuls besoins de l'enseignement de l'EPS au collège ? De tenir compte des besoins locaux ? Pour le département, la réponse va de soi. Isabelle Dexpert : "Ces équipements sont autant d'équipements que les communes n'ont pas à construire et peuvent répondre à des besoins spécifiques non obligatoires pour l'enseignement dans les collèges. Par exemple, en construisant un mur d'escalade dans un territoire où existe une association ayant cette pratique ou en aménageant des tribunes pour un club accueillant des compétitions. Dans ces cas-là, la commune participe au financement par un fonds de concours." Le département finance ce qui relève de l'enseignement de l'EPS, les équipements répondant à une demande supplémentaire de la commune sont partiellement pris en charge par celle-ci. Le plan est tracé. Les constructions sortent de terre, rentrée scolaire après rentrée scolaire.
"La commune a la connaissance du tissu local"
Reste à définir les règles de mise à disposition, à désigner les bénéficiaires. C'est l'objet des conventions-cadres rédigées en coconstruction avec chaque chef d'établissement et chaque commune. Anaïs Luquedey, directrice des collèges au conseil départemental : "Là encore, c'est la commune qui a la connaissance du tissu local. Elle recense les besoins des associations et nous les transmet. Elle fait un travail de régulation et de choix. On n'est pas dans un fonctionnement de guichet."
Septembre 2024. Sur les cent douze collèges que compte la Gironde, soixante-dix mettent leurs équipements sportifs à disposition, y compris des établissements construits avant le plan de 2017. Au bénéfice de plus de deux cents associations. Chaque mise à disposition fait l'objet d'une convention particulière. Aux trois partenaires précédents vient s'ajouter le club bénéficiaire. L'accord est précis, détaillé. Un responsable de la sécurité est nommé au sein du club, puis formé par le département. C'est au club qu'il revient d'ouvrir et fermer les locaux. Anaïs Luquedey : "Sur son créneau horaire, le club est en coresponsabilité avec la commune. La commune assure un premier niveau de réponse en cas de problème. Le chef d'établissement est déchargé de toute responsabilité sur ce temps."
Les périodes d'utilisation sont définies. Le soir après les cours pour commencer. Jusqu'à 22 heures, parfois plus tard. Le mercredi, bien entendu. Et les week-ends aussi, pour accueillir des compétitions. Et encore les vacances scolaires, pour des stages. Quand ils ne figurent pas dans la convention, on s'adapte. Clément Vignaud : "Devoir demander à trois personnes différentes pour organiser un stage qui n'était pas prévu au départ, c'est forcément plus long que si on n'a qu'un seul interlocuteur. Mais je n'ai pas plus de réponses négatives."
Une visibilité pour le club
La convention ne laisse pourtant pas grand-chose au hasard. Le nettoyage courant ? Assuré en semaine par les agents du département, quitte à adapter leurs horaires pour éviter un double passage. En cas de besoins spécifiques, le département fait appel à une association d'insertion. En dehors des périodes scolaires, le nettoyage est à la charge des clubs ou de la commune. Une opportunité pour conjuguer sport et civisme. Clément Vignaud : "Pendant notre stage, les enfants ont participé au nettoyage, cela a donné une dimension éducative et a rassuré le principal du collège."
Le principal du collège, un personnage central. Clément Vignaud : "Je suis repéré par le principal du collège, il sait qui je suis. Cela donne une visibilité. Les élèves et leurs parents parlent du club entre eux, la mise en relation est plus facile. Les parents sont rassurés que l'activité ait lieu dans le collège, certains s'imaginent peut-être que nous sommes liés à l'Éducation nationale... Dans nos deux autres sites à Bordeaux, c'est plus compliqué de faire venir des gens, surtout les jeunes. Et puis, cela permet aux enfants de primaire de se familiariser avec leur futur collège." Avantage pour le club. Avec la gratuité de la mise à disposition.
Des économies pour le territoire
Aux yeux du conseil départemental, les bénéfices sont aussi nombreux. Malgré le coût. Anaïs Luquedey : "Quand un club utilise pleinement un gymnase pendant deux heures et que tous ses joueurs se douchent, cela coûte douze euros par soirée. On monte à une cinquantaine d'euros si on fait passer un agent en dehors du planning pour deux heures de nettoyage." Une charge compensée par un principe, la réciprocité. En Gironde, quand un collège met ses équipements à disposition, la commune réalise une action en faveur du collège. En toute bonne foi. Anaïs Luquedey : "On ne passe pas de temps dans des comptes d'apothicaire."
Des coûts modestes, des échanges de service entre collectivités. La Gironde et ses communes jouent en équipe. Avec un objectif bien compris d'intérêt général. Isabelle Dexpert : "Le territoire réalise des économies en investissements, car il ne construit pas un autre équipement, mais aussi en fonctionnement, à travers les subventions que les communes ne versent pas à leurs clubs pour louer un équipement. Sans compter les coûts en artificialisation des sols, avec des centaines de milliers de mètres carrés économisés." Anaïs Luquedey : "Des projets de construction étaient dans les cartons. En actant la mutualisation à travers notre plan 'collèges', nous avons fait faire des économies globales à l'ensemble des partenaires publics." Des économies...
Novembre 2024. Une évaluation est en cours. Le conseil départemental met dans l'équation une vingtaine de gymnases à environ deux millions d'euros l'unité. Surtout, les demandes en équipements sportifs sont satisfaites. Cela n'a pas de prix alors qu'affluent les nouveaux pratiquants.