Energie - Electricité, gaz : un rapport propose d'améliorer les tarifs sociaux
Bruno Lechevin, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), a remis le 17 juillet au ministre de l'Ecologie, Philippe Martin, un rapport d’audit sur les tarifs sociaux de l’énergie - tarif de première nécessité (TPN) pour l'électricité et tarif spécial de solidarité (TSS) pour le gaz naturel. Ce rapport, qui avait été commandé en juin par la précédente ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, a été réalisé par l’Ademe, en tant que pilote opérationnel de l’Observatoire national de la précarité énergétique.
Le rapport défend le principe général des tarifs sociaux mais les juge à la fois insuffisants et trop complexes. Il commence par rappeler que les tarifs sociaux de l'énergie sont une aide sociale versée via les quelque 160 fournisseurs d'électricité et de gaz naturel à certains de leurs clients. Le versement de l'aide par les fournisseurs d'énergie relève d'une obligation de service public. A ce titre, elle leur est intégralement remboursée – frais de gestion compris – par des taxes payées par les consommateurs. Les foyers éligibles sont actuellement identifiés par les organismes d'assurance maladie et suite à la loi Brottes du 15 avril 2013, des éligibles supplémentaires seront identifiés par l'administration fiscale – 4 millions de ménages sont visés. A l'heure actuelle, les tarifs sociaux comprennent 5 déclinaisons (TPN et TSS individuels, TSS collectifs, TPN et TSS résidences sociales). Mais, critique le rapport, "de par leur construction, ils constituent une aide inéquitable vis-à-vis de ceux qui ne sont pas chauffés au gaz naturel, dans la mesure où ceux qui sont chauffés au gaz naturel cumulent à la fois le TPN et le TSS alors que ceux chauffés par d’autres modes de chauffage ne reçoivent que le TPN".
Par ailleurs, ajoute-t-il, "la détermination générale du montant de l’aide dépend de nombreux paramètres (composition familiale, contrat souscrit…) et ses modalités de calcul sont peu lisibles, difficilement vérifiables et peuvent présenter des effets pervers (en fonction du contrat, l’aide varie : une consommation d’énergie plus importante peut conduire au final à une facture moindre, une fois l’aide déduite)." En outre, "les modalités d’attribution actuelle du TSS collectif et la diversité des acteurs impliqués (bailleurs, fournisseurs…) donnent lieu à de réelles difficultés de mise en oeuvre (80.000 aides attribuées sur un total estimé à 400.000 ayants droit)", souligne l'Ademe. Elle juge également que les tarifs sociaux "apparaissent d'un montant bien trop faible au regard du montant des factures d'énergie" et que l'aide mensuelle d'environ 8 euros par énergie est une "réponse insuffisante au problème de la précarité énergétique".
Le rapport pointe aussi la complexité des modalités opérationnelles d'attribution des tarifs sociaux. L'attribution automatique mise en place par le précédent gouvernement en mars 2012 a permis de faire passer de 600.000 à 1,3 million le nombre de bénéficiaires pour l'électricité et de 300.000 à 450.000 ceux pour le gaz. "La solution retenue par les fournisseurs de faire appel à un prestataire unique s'avère à la fois efficace et incontournable", note l'Ademe. Mais selon elle, "la gouvernance du dispositif nécessiterait néanmoins d’être améliorée afin d’harmoniser les pratiques de traitement des informations des différents fournisseurs. Le croisement des données reste intrinsèquement complexe et ne peut pas couvrir la diversité des situations dont notamment le suivi dans le temps des changements de situations". De plus, l’automatisation ne concerne que les bénéficiaires dont un contrat électricité ou gaz a été reconnu. "Sans contrat reconnu, obtenir l’aide relève du parcours du combattant (formulaire très compliqué et source d’erreur, service d’information perfectible…)", souligne le rapport. Quant à la situation des quelque 1,35 million ayants droit non bénéficiaires de l’Aide complémentaire santé (ACS) ou de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), "leur situation apparaît à ce jour inextricable s’ils souhaitent bénéficier des tarifs sociaux sans pour autant demander l’aide sociale", note le rapport.
Des recommandations évaluées à 1 milliard d'euros
L'Ademe propose donc de "consolider les tarifs sociaux en les simplifiant " et surtout de les compléter pour aller vers un "véritable bouclier énergétique". Dans l'immédiat, elle recommande "de simplifier les modalités de calcul de l'aide et relever significativement les tarifs sociaux, en proposant leur doublement et leur forfaitisation". Le principe de la forfaitisation du montant des aides permettrait de ne plus le lier au tarif souscrit. "Ces dispositions sont plus équitables et permettent une communication immédiate au bénéficiaire du montant de l’aide auquel il peut prétendre", fait valoir l'Agence qui propose donc par la même occasion d’augmenter significativement le montant de l’aide apportée par le TPN et le TSS, ainsi que de déplafonner cette aide par rapport au montant de la facture annuelle (dans l’hypothèse où l’aide dépasserait la facture). Pour l’électricité, le montant du TPN passerait ainsi de 90 euros (TTC) à 180 euros TTC par an en moyenne. L'Ademe propose aussi de "faire connaître les tarifs sociaux de façon neutre et concertée", grâce à "une campagne de communication commune dans les médias grand public, cofinancée par les principaux fournisseurs et distributeurs et dont les messages seraient concertés avec les pouvoirs publics". Autre proposition phare du rapport : compléter les tarifs sociaux avec un "chèque énergie" qui serait étendu à toutes les énergies, quel que soit le mode de chauffage (fioul, bois, etc.). Le coût de ces recommandations est évalué à un milliard d'euros environ, contre 160 millions actuellement.
Philippe Martin a annoncé qu'il ferait d'ici l'hiver prochain des propositions pour "faire évoluer et simplifier le dispositif existant qui peut se révéler injuste", avec pour objectif "que 8 millions de personnes bénéficient effectivement et au plus vite des aides", selon un communiqué. "Tout en étant parfaitement conscient des exigences budgétaires qui sont les nôtres, la question de la revalorisation de l'aide devra être posée", a-t-il ajouté, sans s'avancer sur un quelconque chiffre. "Améliorer l'accès à l'ACS et aux tarifs sociaux fait l'objet d'un plan spécifique d'action qui a déjà commencé à travers des campagnes d'information ou la mobilisation des CCAS (centres communaux d'action sociale, NDLR), a déclaré pour sa part Marie-Arlette Carlotti. La ministre déléguée à la lutte contre l'exclusion a assuré que ce plan allait se poursuivre "par des actions significatives de simplification".