Électricité cet hiver : RTE se veut rassurant… si la mobilisation de tous est forte
Tout en livrant divers scénarios plus ou moins optimistes, RTE s’est voulu rassurant, ce 14 septembre, sur la situation du système électrique français cet hiver, en insistant sur le fait qu’une partie de la solution était entre nos mains, via la réduction et le lissage de la consommation. L’enjeu est également de rassurer les acteurs du marché de l’électricité, accusés d’intégrer pour la France une "prime de risque" beaucoup trop élevée.
La conférence de presse de RTE, ce 14 septembre, sur les perspectives du système électrique cet hiver était particulièrement attendue. Sa tenue a été avancée de plusieurs semaines cette année "car la situation, inédite, l’exige, la période de risque commençant cette année dès octobre-novembre, et non en janvier", explique d’emblée Xavier Piechaczyk, président du directoire du régulateur. Une situation due à plusieurs facteurs. Certains, structurels – "la France a fermé ces dernières années beaucoup de moyens thermiques", sans que les énergies de remplacement, "les énergies renouvelables et l’EPR de Flamanville, soient au rendez-vous", rappelle-t-il. D’autres, plus conjoncturels : la guerre en Ukraine, et dernièrement la faible disponibilité du parc nucléaire français du fait de travaux d’entretien ou de réparation et les effets de la sécheresse sur l’hydraulique (avec une production en 2022 inférieure de 15% à celle habituellement constatée, estime Thomas Veyrenc, directeur exécutif chargé du pôle Stratégie, prospective et évaluation chez RTE.
Le pire n’est jamais certain
Pour autant, RTE se veut rassurant. Comme il existe encore beaucoup d’incertitudes à ce stade – les effets du plan sobriété, la météo, la disponibilité du parc nucléaire… –, l’autorité a bâti trois scénarios plus ou moins optimistes. Mais son président estime que "même dans le scenario dégradé, correspondant à une situation extrême qui reste la plus improbable" – où se cumuleraient "une consommation non sobre, un hiver très froid, une pénurie gazière limitant les échanges électriques ou de très fortes dégradations de la disponibilité du parc nucléaire –, les coupures programmées pourraient être évitées si la mobilisation de tous est forte" lors des périodes de pointe. Xavier Piechaczyk rappelle en outre que ces coupures, "organisées, temporaires – deux heures par foyer – et tournantes", ne constituent que le 4e stade des mesures de sauvegarde activables successivement, après l’activation du signal rouge d’Ecowatt (indicateur du niveau de tension du système), la mise en œuvre de l’interruptibilité pour les sites concernés et enfin la baisse de tension de 5% sur les réseaux de distribution. Il explique encore que le risque de déséquilibre "porte seulement sur quelques pourcents de la consommation – 15% dans le scenario dégradé" et "ne devrait jamais porter sur des journées entières, mais plutôt sur les périodes de pointe", soit de 8h00 à 13h00 et de 18h00 à 20h00, et écarte tout risque de black-out, c'est-à-dire la perte de contrôle totale du système".
Une partie de la solution entre nos mains
Surtout, il insiste : "Nous pouvons écarter une large partie des risques". Et ce, "en consommant moins, via l’efficacité et la sobriété énergétiques" (voir la liste des "éco-gestes préconisés") et en "consommant au meilleur moment, sur des périodes de moindre contrainte, l’après-midi et le week-end", explique Jean-Paul Roubin, directeur exécutif Clients, marchés et exploitation de RTE. Collectivités, entreprises et particuliers sont également invités à faire d’un dispositif Ecowatt "simplifié et plus précis" un partenaire au quotidien. Concrètement, l’application fournira à J-3 les prévisions de consommation pour chaque heure de la journée J, prévisions qui seront actualisées à J-1. Si le feu est vert, tout va bien. S’il est orange, des réductions de consommation sont bienvenues. S’il vire au rouge, "des réductions de consommation substantielles sont nécessaires" afin d’éviter de recourir aux autres mesures de sauvegarde. Jean-Paul Roubin rappelle alors les trois principaux leviers d’action : la réduction du chauffage électrique ; la réduction de l’éclairage (notamment public, "en coupant un lampadaire sur deux") et la réduction de l’utilisation des appareils de cuisson. Xavier Piechaczyk espère avoir "entre 0 et 5 signaux, voire 10" cet hiver, et estime que le nombre ne devrait "pas dépasser entre 20 et 30 signaux" dans le scenario dégradé, ce qui ne représenterait "que 5% du temps".
Des prix de l'électricité "anormalement" à la hausse en France
Pour RTE, l’enjeu est également de rassurer les acteurs du marché de l’électricité, qui après "une absence totale de prise en compte des risques", sont aujourd’hui accusés "d’intégrer une prime de risque trop élevée" pour le marché français. "Les prix de marché ont beaucoup augmenté depuis octobre, bien avant la guerre en Ukraine", rappelle Thomas Veyrenc. Une hausse qui suivait alors l’augmentation du prix du gaz, amplifiée par l’invasion russe en mars, puis par la réduction des livraisons via Nordstream. Mais l’expert relève qu’en France, "situation propre à notre pays, les prix à terme de l’électricité s’écartent depuis des coûts variables de production" (progressant bien plus que ceux du gaz). En cause, une anticipation de défaillances de l’hydraulique et du nucléaire, qui alimente un cercle vicieux : "plus le marché anticipe une situation tendue, plus les prix montent…". Or la situation de l’été "ne présage pas de ce qui se passera cet hiver", insiste Thomas Veyrenc. Et d’expliquer ainsi que l’actuelle faible production d’électricité hydraulique s’explique par la volonté "de conserver des stocks pour faire fonctionner les barrages lors des périodes de pointe". De même avec l’indisponibilité du parc nucléaire, jugeant qu’il est "plutôt de bonne politique de procéder aux réparations pendant l’été". Reste toutefois à espérer qu’il n’y aura "ni aléas, ni dérives de planning".