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Aménagement du territoire - Egalité des territoires : chantier en vue

La création d'un commissariat général à l'égalité des territoires pourrait se faire en deux temps : d'abord une version socle, à l'issue d'un comité interministériel annoncé pour juin, avant d'aboutir à un secrétariat général, véritable "Etat dans l'Etat", venant coiffer la pléthore d'administrations actuelles. Par ailleurs, un titre sur l'égalité des territoires pourrait figurer dans le projet de loi de décentralisation.

"Egalité des territoires" : ce qui s'est longtemps apparenté à un slogan de campagne pourrait donner lieu à un vaste Meccano administratif. Mais avec de nombreux "si" à la clé. Le premier est la création du futur Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET). La commission présidée par Thierry Wahl a remis son rapport à Cécile Duflot, ministre du Logement et de l'Egalité des territoires, jeudi 7 février, après cinq mois de travaux. Pas de précipitation, ce n'est pour le moment qu'un zakouski. Une "mission de préfiguration" va à présent être installée, le tout dans la perspective d'un comité interministériel à l'aménagement du territoire qui se tiendra au mois de juin. Seulement le rapport Wahl fournit déjà une série de scénarios qui vont du plus prudent au plus ambitieux, sur une échelle de 5. Dans tous les cas, le commissariat serait rattaché au Premier ministre. "Il n'y a pas un scénario qui pour le moment a ma préférence, ces scénarios sont perméables", a pris soin de préciser Cécile Duflot, lors de la présentation du rapport.
Passons rapidement sur les deux premiers. Ils ne devraient pas faire trembler les murs de la Datar qui fête ces cinquante ans cette année. Celle-ci serait transformée en commissariat et verrait sa mission prospective renforcée (scénario 1). Sa capacité d'ingénierie monterait en puissance : elle fusionnerait avec le futur commissariat général à la stratégie et à la prospective (le "commissariat au plan" de nouvelle génération voulu par François Hollande) au sein d'une "Maison de la prospective territoriale" au service de l'Etat et des collectivités (scénario 2).

Suppression des zonages

Arrêtons-nous sur le scénario 3 : un "scénario socle", dit-on dans l'entourage de Cécile Duflot. C'est celui qui a le plus de chance d'aboutir à court terme. Ce serait une reconnaissance de ce ministère qui penche pour le moment surtout du côté du Logement. Il interviendrait sur "tous les territoires à enjeux et en difficulté". Le commissariat chapeauterait toutes les administrations qui y travaillent : la Datar, le SGCIV (secrétariat général du comité interministériel des villes), l'Acsé (égalité des chances), l'Anru (rénovation urbaine), mais aussi les services en charge du développement rural et de la montagne et ceux en charge de la reconversion des zones côtières. Encore faudrait-il que les ministères de l'Agriculture et de l'Ecologie acceptent de s'en séparer… Bref, les choses sérieuses commencent avec les inquiétudes que ce remue-ménage risque de générer chez les salariés et fonctionnaires concernés. "Les outils actuels sont un peu flottants [...] Il faut répondre à l'inquiétude des salariés. Ce ne sera pas un chambardement administratif, plutôt une intégration, un rapprochement", a tempéré Cécile Duflot, évoquant notamment des "passerelles professionnelles". Derrière ce guichet unique se profile la suppression des zonages. Ceux de la politique de la ville, dans la foulée de la concertation menée par François Lamy, mais aussi les ZRR (zones de revitalisation rurale) qui sont dans une situation "indémerdable", confie-t-on au cabinet de la ministre. La carte n'a pas été actualisée depuis deux ans. Une simulation de réactualisation aurait fait sortir un millier de communes du zonage ! Dans le même temps, quantité de petites communes qui ont rejoint une intercommunalité attendent toujours leur classement en ZRR...
Viennent ensuite les deux scénarios les plus ambitieux, qui, selon la même source, ont peu de chances d'aboutir avant un "remaniement"… après les municipales de 2014. Au bout de la logique, le commissariat prendrait la forme d'un secrétariat général à l'égalité des territoires, véritable "Etat dans l'Etat". La force de frappe ne serait plus de trois ou quatre milliards d'euros mais d'une quarantaine de milliards d'euros. L'idée : donner une dimension transversale à l'aménagement du territoire. On trouverait sous sa coupe, outre les administrations du scénario 3, la Direction générale des collectivités locales (DGCL). "Ce scénario suppose un changement de culture administrative. Il requiert aussi un consensus politique fort de l'ensemble des niveaux de gouvernance territoriale", préviennent les rapporteurs.

Un titre "égalité des territoires" dans la future loi de décentralisation

Quel que soit le scénario retenu, les auteurs listent une douzaine d' "invariants" sur lesquels il devra s'appuyer. Thierry Wahl en a énuméré quatre : un partenariat plus marqué avec les collectivités (le CGET serait adossé au futur Haut Conseil des territoires dont il assurerait le secrétariat) ; affirmer la prospective territoriale à vingt, trente ou quarante ans ; mieux utiliser les outils de solidarité financière, bien articuler les contrats de plans nationaux et les accords de partenariats communautaires…
Dans le même temps, la ministre est en attente des conclusions de la mission confiée à l'économiste Eloi Laurent qui doit remettre son rapport dans les prochains jours afin de mieux cerner les contours de cette politique nouvelle. De quoi irriguer le futur projet de loi sur l'égalité des territoires. Lors de ses vœux à la presse le 21 janvier, Cécile Duflot l'avait annoncé pour la fin 2013. Mais elle semble aujourd'hui privilégier une seconde piste : un titre sur l'égalité des territoires directement rattaché au projet de loi de décentralisation. "Ce serait une bonne chose. Cela permettrait de semer les graines d'une véritable politique de l'égalité des territoires, le président de la République est très attentif à ce sujet", a commenté Cécile Duflot. Quatre volets sont pressentis : la politique de la ville, conformément aux résultats de la concertation, les services publics essentiels, le numérique, et une partie "divers" comprenant notamment des dispositions en matière de financement. Mais le texte, qui pourrait être présenté en Conseil des ministres au mois d'avril, a peu de chance d'être adopté avant la fin de l'année… L'égalité des territoires va encore devoir se faire désirer.