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Energie - Efficacité énergétique : l'UE revoit à la baisse ses objectifs pour 2020

La proposition de directive sur l'efficacité énergétique a été adoptée. Un texte de portée réduite : l'objectif de 20% d'économies d'énergie d'ici 2020 n'est pas contraignant et ne pourra être atteint. Par ailleurs, la rénovation des bâtiments publics ne s'apppliquera qu'aux Etats et non aux collectivités.

Minuit trente. C'est l'heure à laquelle un accord pour réduire la consommation d'énergie dans l'UE a été trouvé entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil jeudi 14 juin, selon l'eurodéputé Vert Claude Turmes. Ce compromis, qui fait suite à des mois de négociations difficiles, constitue une satisfaction pour la présidence danoise de l'Union européenne qui s'achève à la fin du mois de juin. "C'est une grande victoire", a déclaré Martin Lidegaard, ministre danois de l'Energie et du Climat, lors d'une conférence de presse, vendredi 15 juin.

Entre 15% et 17% d'économie d'énergie en 2020

L'objectif du Parlement et de la Commission était de diminuer de 20% l'utilisation des énergies fossiles d'ici à 2020, conformément à l'objectif décidé dans la série de textes sur le climat adopté pendant la présidence française de l'UE en décembre 2008. Les deux institutions ont dû faire face aux réticences des Etats comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne, qui n'a communiqué un avis sur le projet qu'au début du mois. Le texte vise toujours à atteindre le même objectif d'ici la prochaine décennie, mais les avis sur son efficacité divergent. Le compromis adopté permettrait seulement d'économiser entre 15 et 17% d'énergie, selon différentes estimations.
Claude Turmes, l'eurodéputé Vert luxembourgeois qui a mené les négociations au nom du Parlement européen, s'est montré à la fois déçu et optimiste. Tout en évoquant des mesures qui "permettront à l'UE de se rapprocher de son engagement à réduire la consommation d'énergie de 20% d'ici 2020", il a rappelé dans un communiqué de presse que "les gouvernements européens, notamment les gouvernements allemand et britannique, n'étaient pas prêts à accepter des mesures plus ambitieuses qui auraient permis d'atteindre l'objectif de réduction de 20% dans sa totalité". Avant les négociations, il avait cependant déclaré que 15% d'économies d'énergies était le minimum souhaité par le Parlement. "Cela signifie que la Commission européenne devra donc proposer des mesures supplémentaires, par exemple sur l'efficacité énergétique des automobiles, pour compenser les lacunes de l'accord actuel", a-t-il ajouté.
Pour le commissaire à l'Energie, Günther Oettinger, la directive permettrait d'atteindre le chiffre de 15%. Mais la nouvelle législation CO2 que la Commission présentera dans deux semaines, permettra, elle, d'aller encore plus loin et d'atteindre les 17%, a assuré le commissaire. 
"Avec l'accord obtenu ce jour, nous disposons désormais d'une feuille de route claire et partagée", affirme de son côté Nicole Bricq, ministre française de l'Ecologie, dans un communiqué.
Selon le texte, chaque Etat doit fixer ses propres objectifs et présenter un plan d'action pour l'efficacité énergétique tous les trois ans, soit en 2014, 2017 et 2020. La Commission européenne aura pour rôle d'évaluer les progrès accomplis d'ici juin 2014.

Réduction des ventes d'énergie

La proposition initiale de la Commission imposait aux entreprises énergétiques de réduire leur consommation d'énergie dans un volume équivalent à au moins 1,5% de leurs ventes annuelles d'énergie (en dehors des transports) aux consommateurs industriels et particuliers. Les Etats ont toutefois obtenu qu'un quart de ce pourcentage puisse être atteint via une série d'autres mesures :
- système d'échange des quotas : 40% des efforts déjà fournis par les entreprises par le biais du système d'échange de quotas d'émission (ETS) seront dorénavant inclus dans l'obligation annuelle ;
- anticipation : les Etats pourront inclure des "actions anticipées" dans leurs objectifs d'économie d'énergie, ce qui leur permettra d'utiliser des mesures prises avant l'entrée en vigueur de la directive européenne ;
- économies ultérieures : les pays pourront non seulement inclure les économies actuelles "réelles", mais aussi les "actions ultérieures" dans leurs programmes nationaux d'économie d'énergie ;
- économies à la source : les pays pourront également compter les économies d'énergie effectuées à la source, dans le secteur de la transformation énergétique, avant la phase de distribution aux clients. Cette mesure comptera elle aussi pour un quart de l'obligation de 1,5% par an.
Ce compromis était soutenu par la nouvelle ministre de l'Ecologie, Nicole Bricq.

Feuille de route

Les Etats devront rédiger une feuille de route dont l'objectif sera de rendre le secteur du bâtiment plus efficace sur le plan énergétique d'ici à 2050 (bâtiments commerciaux, publics et privés).
La proposition de rénover 3% de l'ensemble des bâtiments publics a bien été mise de côté. "Cette mesure ne concernera finalement que les bâtiments appartenant à l'administration centrale et occupés par celle-ci", c'est-à-dire les départements administratifs dont les responsabilités couvrent l'ensemble du territoire d'un Etat membre. Les collectivités locales ont donc été exclues du périmètre de la proposition, comme le souhaitait la France. Lundi 11 juin, Nicole Bricq avait réaffirmé sa volonté d'atteindre l'objectif de 3% de rénovation annuelle des bâtiments de l'Etat. Dans un pays comme l'Allemagne, où la plupart des bâtiments publics appartiennent aux régions, la mesure adoptée par l'UE ne concernera qu'environ 37 bâtiments !

Audits énergétiques

Toutes les grandes entreprises devront enfin faire l'objet d'un audit énergétique. Ils devront débuter dans un délai de trois ans après l'entrée en vigueur de la directive et être effectués tous les quatre ans par des experts qualifiés et agréés.
"La proposition de législation prévoit également des instruments financiers contraignants, la fourniture d'une meilleure information aux consommateurs, et l'utilisation de compteurs intelligents", rappelle M. Turmes.
"L'efficacité énergétique a été jusqu'à présent notre point faible dans notre ordre du jour (...). Maintenant nous avons un accord, un règlement européen contraignant", s'est félicité Günther Oettinger.