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Territoires ruraux - PER : effet accélérateur ou perturbateur pour le développement territorial ?

Effet accélérateur ou effet perturbateur ? Dans le cadre du programme de recherche évaluative lancé en 2007 par la Datar, Laurence Barthe et Johan Milian, de l'université de Toulouse-Le Mirail, se sont interrogés sur les impacts des pôles d'excellence rurale (PER) dans les trajectoires de développement des territoires. Cette politique, lancée en 2005, pour permettre de soutenir des projets locaux et innovants créateurs d'emplois dans les territoires ruraux, a fait ses preuves. Aujourd'hui, 379 PER ont été labellisés en deux vagues (juin et décembre 2009), qui couvrent l'ensemble des régions. Et le taux d'abandon reste faible : 6% des PER seulement ont ainsi abandonnés faute de projets locaux. Des résultats qui ont amené le gouvernement à lancer un nouvel appel à projets en novembre 2009 qui doit faire émerger les PER de seconde génération. Mais d'après les conclusions des chercheurs, les PER n'ont pas les mêmes effets selon que le territoire est expérimenté ou néophyte en termes de développement territorial. "Pour les territoires expérimentés, le dispositif s'inscrit dans un processus, sur le temps long, il intervient dans une dynamique structurée, pour autant, il peut agir de deux manières contradictoires", expliquent les chercheurs. Première possibilité : un "effet accélérateur". Dans ce cas, le PER intervient sur un projet qui a déjà été lancé et dont la réflexion est bien avancée. "On peut alors s'interroger sur l'utilité du dispositif", détaille l'étude, le projet ayant été financé d'une manière ou d'une autre. Exemples de territoires où le PER a eu cet effet accélérateur : le Pays Portes de Gascogne, qui a entrepris depuis 1999 des initiatives sur l'observation du ciel depuis la terre en proposant notamment un équipement touristique dédié à la vulgarisation de l'astronomie, et pour qui le PER a pris la suite de la démarche en proposant une observation de la terre depuis le ciel à partir des satellites. Pour les territoires expérimentés, les PER ont parfois aussi été l'occasion de lancer une nouvelle réflexion sur une thématique d'action jusque-là peu prise en charge. Le Pays de Gaves ne disposait ainsi d'aucun projet de développement qui puisse être utilisé dans le cadre d'un PER. Tout a été construit autour d'une problématique d'action centrée sur le tourisme durable. Dans ce cas, le PER a été un moyen d'impulser la réflexion autour de cette problématique, de faire un état des lieux à partir d'une étude prospective pour amorcer une première série d'actions. En revanche, pour d'autres territoires expérimentés, les PER ont eu un "effet perturbateur, voire pervers", soulignent les chercheurs, bousculant la dynamique de développement. "Dans ce cas, le dispositif déstabilise une dynamique jusque-là cohérente, le projet peut voir son contenu modifié pour répondre aux attentes et aux critères du programme PER, détaille l'étude, dans l'essentiel de ces cas, le projet correspond à la réalisation d'un grand équipement". Côté territoires néophytes en matière de développement territorial, les chercheurs expliquent que "le dispositif PER représente une aubaine", puisqu'il "fournit l'occasion de proposer un projet et d'organiser une dynamique locale". Pour des pays récents, le PER est notamment l'occasion de faire entrer des projets en phase opérationnelle et "d'asseoir enfin la légitimité du pays comme pilote d'une stratégie de développement territorial".

L'étude analyse également l'attitude des régions face à cette politique et constate une "posture de réserve" de leur part vis-à-vis de ce dispositif, "qu'elles considèrent comme une action allant à contresens des principes de conduite de l'action publique territoriale". Une politique qui viendrait court-circuiter les principes de contractualisation territoriale entre région et pays. Mais elles ont malgré tout soutenu financièrement les actions initiées dans le cadre des PER. "Cette politique avait suscité beaucoup de suspicion, mais les visions les plus pessimistes ne se sont pas révélées exactes, souligne pour sa part Vincent Piveteau, du ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de la Mer, anciennement conseiller à la Datar. L'effet labellisation a créé un effet de levier, et la politique a fait bouger les lignes."

Emilie Zapalski