Edouard Philippe veut identifier une "centaine de territoires d'industrie"
Déjà bénéficiaires du plan Action cœur de ville, les villes moyennes devraient être la cible prioritaire du plan de relance de l'industrie lancé par Edouard Philippe le 20 septembre. Ce dernier entend en effet identifier d'ici novembre "100 territoires d’industrie", en lien avec les régions et les intercommunalités. Le plan prévoit plusieurs mesures visant à accélérer la transformation numérique de l'industrie.
Alors que l’action gouvernementale en matière industrielle a été entachée par quelques affaires retentissantes (Alstom-Siemens, STX, nouveau retrait du marché iranien sous la menace…), le Premier ministre veut reprendre la main et conforter les soubresauts de reprise observés depuis 2017, après des décennies de déclin. "Nous voulons identifier d’ici fin novembre, en lien étroit avec les collectivités concernées, au premier rang desquelles les régions et les intercommunalités, une centaine de Territoires d’industrie", a annoncé Edouard Philippe, le 20 septembre, en visite au siège de Dassault Systèmes à Vélizy-Villacoublay (Yvelines), où il a présenté son "plan d’action pour transformer notre industrie par le numérique". Plan qui fait lui-même suite à une stratégie présentée le 20 novembre dernier, et qui devrait s’appuyer sur les villes moyennes.
Ce plan doit sans doute beaucoup à la forte mobilisation de l’Assemblée des communautés de France (AdCF) qui, le 30 mai, avait appelé à un nouveau "pacte productif". D’ailleurs le Premier ministre a puisé dans les travaux de l’association matière à bilan. "Le dynamisme des villes moyennes et des zones rurales dépend bien souvent de l’industrie", a-t-il dit. "Or depuis 1975, les villes de moins de 20.000 habitants ont perdu près de 440.000 emplois industriels au total." Un bilan "dramatique" qui "explique une partie des fractures territoriales" du pays. En 2016, l’industrie manufacturière ne représentait en effet plus que 10,2% du PIB français contre 14,4 % en moyenne dans l’Union européenne.
Renforcer les écosystèmes industriels territoriaux
Le Premier ministre entend ainsi renforcer les "écosystèmes industriels territoriaux" en mettant mieux à profit les leviers d’action publique tels que le plan d’investissement dans les compétences ou d’autres moyens du grand plan d’investissement comme les "Territoires d’innovation de grande ambition".
La liste de ces 100 "territoires d’industrie" n’est pas encore arrêtée, mais le Premier ministre a dit penser "spontanément à la Vallée de l’Arve, à Figeac, Rodez, au Jura ou à Saint-Avold…". Il a chargé une mission d’en préciser les contours. Cette mission est composée de deux représentants des collectivités, Harold Huwart, vice-président de la région Centre-Val de Loire, et Virginie Carolo, maire de la commune nouvelle de Port-Jérôme-sur-Seine (Seine-Maritime), du député LaREM Bruno Bonnell (Rhône), spécialiste de l’industrie numérique, de Clémentine Gallet, présidente de Coriolis Composites (et membre de l’accélérateur PME de Bpifrance) et, enfin, d’Olivier Lluansi, du cabinet E&Y (ce dernier avait été conseiller à l’industrie à l’Elysée sous le précédent quinquennat).
Il sera intéressant de juxtaposer cette carte avec celle des 222 villes du plan Action cœur de ville, tant la désertification des centres est souvent liée à la désindustrialisation des villes moyennes.
Mailler le territoire de centres d'accélération
Au-delà de ces territoires d'industrie, pour le Premier ministre, le redressement industriel doit passer par une accélération de "la transition vers l’industrie du futur", et donc vers les nouvelles technologies et le recours massif aux données (robots intelligents, connectivité, intelligence artificielle, Big Data…). "Notre ambition est de mailler le territoire de centres d’accélération", "au moins une vingtaine", a-t-il dit, sur la base des recommandations d’un rapport de l’Institut Montaigne publié le jour même. Il s’agit d’imiter l’Allemagne qui, selon l’institut, possède 19 centres d’excellence qui "permettent aux entreprises de chaque Lander de comprendre et tester les nouvelles technologies en collaboration avec les centres universitaires et les centres de recherche". Edouard Philippe entend partir de l’existant (Cetim de Bourges, IRT de Metz, fablabs, vitrines de l’industrie du futur…) pour les amener à changer d’échelle et à constituer le "chaînon manquant" dans l’accès à l’innovation et à la R&D pour les PME. La députée Anne-Laure Cattelot (LaREM, Nord) et Bruno Grandjean, président de l’Alliance industrie du futur, seront chargés de "préparer la mise en place de ces centres".
Le plan gouvernemental repose aussi sur des mesures fiscales, avec le retour du "suramortissement" de 40% sur deux ans pour aider les PME à rattraper leur retard dans ce domaine. Il s’agit d’un coup de pouce fiscal permettant de déduire du résultat imposable jusqu'à 40% du prix de revient d'un bien d'équipement nouvellement acquis. Il sera limité aux investissements dans la robotique et le numérique (imprimantes 3D, logiciels de gestion de la production, capteurs connectés...). Le Premier ministre souhaite ainsi s’attaquer au "talon d’Achille de la compétitivité hors-coût de l’industrie française". Il a aussi demandé à chacune des 16 filières industrielles de se doter d’une plateforme numérique opérationnelle (pour la gestion des approvisionnements, la traçabilité dans la filière alimentaire…). A ce jour seules l’aéronautique et l’automobile en ont une. "En 2018, une industrie dépourvue d’ossature numérique n’a pas de colonne vertébrale", a-t-il fait valoir.
Le gouvernement souhaite aussi accompagner la transformation numérique de 10.000 PME supplémentaires d'ici à 2022, en partenariat avec les régions, contre 5.200 PME actuellement.
Ce plan de réindustrialisation est chiffré à 500 millions d’euros, dont la moitié provenant du suramortissement. Le reste sera financé par le programme d’investissements d’avenir.
"Nous soutiendrons avec le plus grand enthousiasme ce plan de mobilisation national des territoires industriels que nous avons appelé de nos vœux", a réagi dans un communiqué le président de l’AdCF, Jean-Luc Rigaut, président du Grand Annecy. Les intercommunalités disent souhaiter "favoriser l’éclosion de nouveaux 'éco-systèmes locaux' de croissance et appuyer l’indispensable renouveau industriel de notre pays". L’AdCF indique qu’elle "conduit actuellement, dans le cadre de ses délégations régionales, un cycle de rencontres décentralisées consacrées à la revitalisation industrielle et au développement productif dans les territoires". Elle publiera prochainement des études "très fines" sur le tissu industriel.