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Industrie : une stratégie de "reconquête" qui passe par l'Europe et les collectivités

Le Premier ministre a présenté, le 20 novembre, sa stratégie pour l'industrie française. Il souhaite travailler avec les collectivités et l'Europe sur ce sujet qui sera au menu de la prochaine Conférence nationale des territoires, le 14 décembre.

L’industrie sera au menu de la Conférence nationale des territoires du 14 décembre. C’est ce qu’a annoncé le Premier ministre, Edouard Philippe, lundi 20 novembre, en présentant sa stratégie industrielle intitulée "Notre ambition pour l'industrie". "Notre ambition pour l’industrie, je souhaite que nous la portions aussi avec les régions et les métropoles. (…) Et je porterai le sujet à l’ordre du jour de la prochaine Conférence nationale des territoires", a-t-il déclaré, lors d’un déplacement sur un site de l'équipementier automobile Valéo à Bobigny (Seine-Saint-Denis).
"Une usine vaut mille plans de revitalisation locale", a clamé le Premier ministre, à cette occasion, apercevant des signes de "reconquête" :  "Au Havre, à Bobigny, à La Souterraine, à Grenoble, à Saint-Nazaire, à Bourges." "Aujourd’hui quand une usine s’installe en France, et il y en a eu une centaine depuis le début de l’année, il y a deux chances sur trois qu’elle s’installe à proximité de petites et de moyennes villes. Précisément là où on en a le plus besoin. Alors que, quand une activité de services s’installe, elle a neuf chances sur dix de s’installer dans une métropole." Un constat qui fait écho à la dernière enquête de l’observatoire Trendeo qui a recensé 87 créations d’usines sur les huit premiers mois de l’année, contre 61 fermetures, soit un solde positif de 26 usines nouvelles. Du jamais vu depuis 2009. Une tendance tirée par l’automobile et qui profite effectivement surtout aux villes moyennes.

"On ne va pas lâcher notre industrie"

Ces frémissements de reprise sont pourtant entachés par plusieurs dossiers sensibles, comme le rachat d’Alstom par l’allemand Siemens, ou les menaces que la justice extraterritoriale américaine fait peser sur Airbus… "On ne va pas lâcher notre industrie", a promis le Premier ministre, alors que celle-ci ne représente plus que 12,6% du PIB, selon les chiffres de Matignon, contre 23,2 pour l’Allemagne. C’est quatre points de moins qu’il y a quinze ans et, surtout, près d'un million d'emplois détruits depuis 1995.
Pour remédier à ce "déclin" industriel français, le Premier ministre a défendu un "Etat partenaire" contre "les slogans du redressement productif" et "la communication colbertiste". Un tacle contre l’ancien ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg qui s’est récemment fendu, dans Le Monde, d’une tribune pour dénoncer la vente de la branche ferroviaire d’Alstom à Siemens. "Nous n’hésiterons pas à monter au créneau en cas de menace d’OPA sur des champions français", a appuyé Edouard Philippe.

Le fonds pour l'industrie et l'innovation opérationnel au 1er janvier

La visite du Premier ministre a aussi été marquée par le renouvellement du Conseil national de l’industrie (CNI). Créée en 2013 par François Hollande, cette instance sera désormais dotée d’un comité exécutif réduit qui, plus "agile", se réunira tous les trois mois. Le président de la région Normandie, Hervé Morin, y portera la voix des régions. Dès 2018, le CNI travaillera notamment, avec les collectivités, à une réflexion sur la fiscalité de la production "qui n’est pas incitative".
Le bras armé de ce "partenariat" avec les filières industrielles sera le nouveau "fonds pour l’industrie et l’innovation" doté de 10 milliards d’euros "au service de l’innovation de rupture" et de la montée en gamme. Ce fonds voulu par le président de la République "sera opérationnel au 1er janvier 2018". A ses débuts, "il sera alimenté en cash par le produit des récentes cessions de participations dans Engie et Renault", soit 1,6 milliard d'euros. Le solde, plus de 8 milliards d’euros, "sera constitué de participations publiques n’ayant pas vocation à être cédées mais versant des dividendes réguliers". Ces participations seront "sorties du fonds au fur et à mesure que l’abondement tiré des cessions montera en puissance".
Une mission sur les aides à l’innovation a par ailleurs été confiée à quatre personnalités : Jacques Lewiner (doyen de la valorisation de Paris Sciences et Lettres), Ronan Stephan (directeur scientifique de Plastic Omnium), Stéphane Distinguin (président de Fabernovel) et Julien Dubertret (inspecteur général des finances).
Edouard Philippe a aussi confirmé que la refonte du dispositif d’accompagnement à l’export, autour de Business France, serait présentée "dans les semaines à venir". On sait d’ores et déjà, d’après le dossier de presse de Matignon, que la nouvelle bannière "French Fab" sera "l’étendard commun" de toutes les entreprises tricolores sur les salons internationaux.

Cartographie des filières

Le Premier ministre a également mis l’accent sur la formation professionnelle qui bénéficiera d’une enveloppe de 15 milliards d’euros dans le cadre du Grand plan d’investissement. L’objectif : ne pas subir les "transformations" en cours dans l'industrie, terme utilisé à maintes reprises par le Premier ministre, prenant l’exemple du site d’Amiens de Whirlpool reconverti dans l’internet des objets. "Quand j’entends par exemple que Bénéteau leader français du nautisme cherche 500 salariés sur 19 sites français, il faut s’assurer que notre système soit suffisamment réactif", a-t-il martelé.
Le Premier ministre a annoncé un audit des 14 comités de filières mis en place par François Hollande. "Sous trois mois, je souhaite qu’on établisse une cartographie de nos filières", a-t-il insisté. Des "adaptations nécessaires" seront officialisés lors du prochain comité technique exécutif du CNI, le26 février. Ce travail a déjà été amorcé, lundi, avec le "véhicule autonome" et la nomination de Anne-Marie Idrac comme "haute responsable" pour coordonner les travaux dans ce domaine. L’ancienne secrétaire d’Etat au Commerce extérieur du gouvernement Fillon travaillera avec le comité stratégique de la filière automobile et remettra ses conclusions en "mai prochain".
Edouard Philippe a aussi défendu "la politique européenne de l’industrie" qui pour lui n’est "pas un vain mot". "Le président de la République est très clair sur ce point : ce sujet de la protection de nos intérêts, nous devons le défendre au niveau européen."