Économie sociale et solidaire : l'Udes se mobilise pour empêcher "un plan social à bas bruit"
L’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes) a adressé un courrier aux principales associations d’élus pour leur demander d’organiser un "tour de table" avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS). Pour l’Udes, alors que nombre de budgets locaux sont en cours de bouclage et que des régions telles que les Pays de la Loire ont opéré des coupes importantes, il est urgent de renouer le dialogue pour éviter "un plan social à bas bruit" qui entraînerait des suppressions d’emplois, mais aussi la disparition de services pour les populations.

© Hugo Leblanc (photo de gauche)/ David Cluzeau et Corinne Langlais
En octobre dernier, l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes) estimait que les coupes budgétaires alors envisagées au niveau national mettaient en péril jusqu’à 186.000 emplois de l’économie sociale et solidaire (voir notre article). Quatre mois et un budget voté plus tard, le niveau d’alerte est le même, malgré les compromis trouvés notamment en matière de finances locales (voir notre article).
"On se mobilise pour éviter un plan social d’envergure dès ce second semestre 2025 et en 2026", explique David Cluzeau, délégué général d’Hexopée et du Synofdes et nouveau président de l’Udes depuis janvier 2025. Ce serait "un plan social à bas bruit", explique-t-il, rappelant que les structures de l’ESS sont majoritairement des TPE. La tendance est "très clairement" à la réduction de l’activité dans le monde de l’ESS, selon lui.
Des régions qui se retirent et de possibles "effets domino"
L’Udes craint donc des licenciements, non-renouvellement de postes, plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) et liquidations judiciaires en cascade. Dans le secteur de l’animation, selon une récente enquête d’Hexopée et de Recherches & Solidarités, "17% des structures font face à des difficultés majeures" et 4% envisageaient fin 2024 "un possible dépôt de bilan". 4%, c’est un taux qui a quadruplé en deux ans et qui représente 1.000 entreprises, plusieurs milliers de salariés "et tout autant de services rendus à la population" (accueils de loisirs en particulier), décrypte David Cluzeau.
L’heure est en effet à la recherche d’économies dans toutes les collectivités, ce qui engendre notamment des baisses de subventions aux associations. Les choix opérés en région Pays de la Loire sont en particulier longuement détaillés, l’Udes dénonçant l’absence de concertation avec les collectivités et les acteurs de l’ESS. Voté le 20 décembre 2024, le budget 2025 de la région acte finalement 86 millions d’euros d’économies de fonctionnement, dont 10% concernent les associations et les secteurs de la culture, du sport, de la jeunesse.
Sans subvention de la région, l’association Mobilis, pôle régional du livre et de la lecture, envisage "un plan de licenciement dès cet été de cinq salariés" et une possible fermeture, illustre Corinne Langlais, déléguée régionale adjointe de l’Udes en Pays de la Loire. Cette dernière alerte également sur les possibles "effets domino", la disparition de subventions régionales pouvant entraîner la perte de co-financements apportés par d’autres partenaires.
Baisse du soutien aux missions locales : "un paradoxe total"
Accusant une forte diminution de leurs recettes, les missions locales se mobilisent au niveau national (voir notre article). Et ont proposé à la région Pays de la Loire, selon Corinne Langlais, des aménagements, un étalement des coupes sur plusieurs années, l’utilisation du fonds européen FSE+… en vain. Quelque 60 ETP sur 700 devraient être supprimés. "Ce sera beaucoup plus difficile d’aller vers les jeunes les plus éloignés de l’emploi, notamment les jeunes habitant en milieu rural et confrontés à des problèmes de mobilité", souligne Corinne Langlais.
Le 27 février 2025, c’est l’Association régionale des missions locales Sud Provence Alpes Côte d’Azur qui tirait la sonnette d’alarme : "une réduction de 10% du financement des missions locales signifie que 350 jeunes chaque jour ne pourront plus bénéficier d'un accompagnement personnalisé".
À l’heure du déploiement de la loi Plein Emploi sur les territoires, "il y a un paradoxe total entre le fait d’affirmer une politique publique très forte et par ailleurs de déshabiller les acteurs" qui sont chargés de la mettre en œuvre, souligne David Cluzeau, qui pointe l’"urgence" de réenclencher des "cercles vertueux" par la formation et l’emploi.
"Renouer un espace de dialogue avec les décideurs"
Dénonçant la "brutalité de ce qui s’est passé en Pays de la Loire", la représentante de l’Udes dans la région juge nécessaire non pas de "réviser systématiquement" les choix opérés mais au moins de "renouer un espace de dialogue avec les décideurs" pour "amortir" le choc.
Appelant à organiser "un tour de table avec les acteurs de l’ESS afin d’identifier ensemble des solutions de financement pour éviter une crise sociale majeure", l’Udes a écrit le 21 février dernier aux présidents de l’Association des maires de France (AMF), Intercommunalités de France, France urbaine, Départements de France et Régions de France. Le président de l’Udes insiste sur la nécessité de porter ces évolutions en "coresponsabilité" – État, collectivités, employeurs de l’ESS.
"Nous savons très bien que nous avons notre part à prendre et nous voulons y travailler avec nos interlocuteurs", poursuit-il. David Cluzeau considère que les modèles socio-économiques de l’ESS sont déjà largement optimisés et "hybridés" (25% de subventions, une majorité de recettes publiques et privées liées à l’achat de prestations) même s’il est toujours possible selon lui d’envisager des recettes nouvelles, des efforts supplémentaires de gestion et la possibilité dans certains cas de "faire peser une partie du coût sur les publics accueillis". "Mais cela trouve ses limites", conclut le président de l’Udes, "sinon on a un modèle qui ne s’intéresse qu’à ceux qui en ont les moyens".