Budget 2025 : les employeurs de l’ESS alertent sur le risque de suppression d’emplois "déjà mal financés"
Les emplois de l’économie sociale et solidaire (ESS) sont déjà très fragilisés, alerte ce jour l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes), qui rappelle que la situation financière des départements a un impact direct sur la capacité des associations à mener à bien leurs missions dans des domaines aussi variés que la protection de l’enfance, le grand âge, la santé, le sport et l’éducation populaire.
Protection de l’enfance, Ehpad, aide à domicile, centres sociaux, éducation populaire… "Nous sommes déjà fragilisés", a alerté Hugues Vidor, président de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes), lors d’une conférence de presse organisée ce 17 octobre 2024 dans le cadre de la convention annuelle de l’union.
Départements : une "situation d’étouffement budgétaire"
Hugues Vidor cite des associations de Maine-et-Loire contraintes de placer des salariés en chômage partiel, après la décision du département de ne plus financer de nouvelles prises en charge de techniciens de l’intervention sociale et familiale (TISF) au titre de la prévention en protection de l’enfance. "On envisage de nous ponctionner en Maine-et-Loire 15 millions d’euros alors que nous avons déjà perdu 45 millions d’euros de DMTO [droits de mutation à titre onéreux] en deux ans", indique Florence Dabin, présidente du conseil départemental du Maine-et-Loire, le 16 octobre lors de la session départementale, dénonçant "la situation d’étouffement budgétaire déjà éprouvée par les départements et l’impossibilité de pouvoir supporter plus".
"Si le PLF 2025 était appliqué tel que présenté, 85% des départements seraient en situation d’impasse budgétaire d’ici la fin de l’année 2025", affirme ce 17 octobre, dans un communiqué, François Sauvadet, président de Départements de France. "C’est notre modèle de solidarité français que l’on enterre !", affirme-t-il, dans un communiqué interrogeant : "Qui devra-t-on sacrifier ?"
Un secteur social et médicosocial déjà aux abois
La conséquence des difficultés financières des départements, ce sont des situations intenables pour les employeurs de l’économie sociale et solidaire (ESS), avertit le président de l’Udes. Des revalorisations salariales agréées au niveau national ne sont pas financées par les collectivités, tant en ce qui concerne la branche associative, sanitaire, sociale et médicosociale (Bass, voir notre article) que la branche de l’aide à domicile. Des employeurs sont donc contraints de se mettre en danger en appliquant les revalorisations sans recevoir les financements afférents. "Une cinquantaine de centres de santé ont fermé cette année. Dans le domicile, plus de 70% des structures sont en difficulté économique, dont 40% en très grande difficulté", illustre Hugues Vidor.
Ce dernier rappelle que 18 fédérations et organisations du grand âge se sont mobilisées le 24 septembre dernier (autour de la bannière "Les vieux méritent mieux !") pour demander notamment, selon le communiqué collectif, "un fonds d’urgence de 1,4 milliard d’euros afin d’assurer la survie des établissements et services en grande difficulté et combler les déficits accumulés".
Jusqu’à 186.000 emplois de l’ESS menacés
Dans un contexte déjà très difficile, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 arrive ainsi comme une "deuxième lame", en réduisant les moyens des collectivités et en particulier des départements, en diminuant les allègements des cotisations sociales patronales et en baissant les moyens dédiés à l’emploi – notamment l’apprentissage - et aux différentes politiques publiques, détaille le président de l’Udes. L’Union estime que les coupes budgétaires prévues par les textes financiers initiaux, de l’ordre de 8,26 milliards d’euros, pourraient menacer jusqu’à 186.000 emplois de l’ESS. En effet, en retirant des moyens à des emplois déjà "mal financés", le "risque de les supprimer" est important, pointe Hugues Vidor.
L’Udes a rejoint un cri d’alarme collectif des acteurs de l’ESS initié par ESS France le 16 octobre, aux côtés également du Mouvement associatif, du Centre français des fonds et fondations, de la Mutualité française et des chambres régionales de l’ESS (voir le communiqué). Une diminution de 25% du budget de l’État spécifiquement dédié à l’ESS (21 millions d’euros) pourrait en effet avoir des conséquences sur le dispositif local d’accompagnement (DLA) aidant les associations à se structurer, les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) ou encore le budget des Cress.
"Mais l’enjeu est beaucoup plus massif", insiste Hugues Vidor, alors que l’Udes plaide auprès de Bercy pour l’élaboration d’un document budgétaire consolidant l’ensemble des dépenses de l’État ciblées ESS. Et qui affirme que les branches sont prêtes à se mettre autour de la table pour "trouver des économies dans le système actuel", notamment via des simplifications.
› "Employeurs engagés" : quelles avancées ?Outre les financements de leurs activités, la capacité à fidéliser les équipes et à recruter est l’autre enjeu majeur des employeurs de l’ESS. Trois ans après un "appel des employeurs engagés" lancé en 2021 (voir nos articles de 2021 et 2023), l’Udes propose un "baromètre de l’engagement" pour mesurer les avancées des structures en matière de conditions de travail, d’impact environnemental, de parcours professionnel, de dialogue social et de management et de démocratie participative. Sans surprise, les plus grosses structures (plus de 50 salariés) ont mis davantage d’actions en place (achats responsables, parcours de formation, implication des salariés dans les projets stratégiques…) dans la plupart des domaines, selon l’enquête qui a été réalisée auprès de 626 employeurs. À noter cependant : le taux de turn-over (en moyenne de 45%) est à 25% dans les organisations de 1 à 9 salariés, à 43% dans les entités de 10 à 49 salariés, alors qu’il atteint 57% dans les entreprises de l’ESS de 50 à 249 salariés et 75% dans les entreprises qui ont 250 employés et plus. S’il qualifie la dynamique de "positive", l’organisme Viavoice ayant réalisé ce baromètre pour l’Udes observe "de vrais freins" liés au manque de moyens financiers et humains. |