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Circuits courts - Economie : les villes moyennes croient aux vertus de la proximité

A l'occasion de ses cinquièmes rendez-vous de l'intelligence locale organisés le 11 décembre 2013 en partenariat avec la Caisse des Dépôts et son Institut pour la recherche, la Fédération des villes moyennes a présenté un manifeste afin de promouvoir le développement de l'économie de proximité et les circuits courts. Une stratégie destinée à insuffler de l'optimisme dans des territoires touchés par les mutations économiques. Elle propose notamment d'introduire une clause de "mieux disant territorial" dans les marchés.

"Faire éclore l'esprit d'initiative et d'entrepreneuriat dans les différents territoires, notamment ceux qui sont affectés par les mutations économiques et sociales." D'un trait, Christian Pierret, président de la Fédération des villes moyennes (FVM), et maire de Saint-Dié-des-Vosges, résume les enjeux des circuits courts pour les territoires. La Fédération consacrait son 5e rendez-vous de l'intelligence locale le 11 décembre 2013, en partenariat avec la Caisse des Dépôts et son Institut pour la recherche, à ce sujet. A cette occasion, la FVM a présenté un manifeste contenant dix-huit mesures pour promouvoir et valoriser l'économie de proximité et développer l'emploi dans les territoires.
Jusqu'ici, l'idée de circuits courts a souvent été cantonnée à l'agro-alimentaire. Dans son principe, c'est un circuit qui comprend un intermédiaire au maximum entre le producteur et le consommateur. Mais dans l'approche de la FVM, la définition est plus large. Elle intègre tous les modèles de développement économique qui partent du local, les circuits courts, l'économie circulaire, et les différentes formes d'économie relevant de l'innovation territoriale et de la valorisation des ressources locales. De nouveaux modèles de développement économique, plus respectueux des hommes et de l'environnement, qui permettent de créer des dynamiques d'innovation économique locale et qui partent de la réalité et des volontés issues des territoires.
"Les territoires sont souvent désarmés et passifs, les circuits courts permettent d'insuffler de l'optimisme. Ils redonnent la capacité d'action", explique à Localtis Christian Pierret. Pour la FVM, qui s'appuie dans son analyse sur les résultats du travail de recherche de l'Institut CDC pour la recherche (voir ci-contre notre article du 22 mars 2013), les collectivités, et particulièrement les villes moyennes et leurs agglomérations, "apparaissent comme des acteurs privilégiés pour impulser de nouvelles dynamiques de circuits économiques locaux, mais ces initiatives supposent une évolution de leurs modes de fonctionnement et de leur organisation", comme le souligne le manifeste.

Articuler les échelles territoriales

Premier point : les stratégies de circuits courts impliquent l'articulation des échelles territoriales. "A l'origine, l'initiative de l'action se situe à un échelon territorial 'simple' (commune, intercommunalité ou agglomération)", développe le manifeste, mais "à l'épreuve de la mise en œuvre, se révèlent différentes interdépendances, avec d'autres territoires et d'autres dimensions spatiales". La FVM estime que l'articulation entre échelles territoriales est peu compatible avec le principe de répartition par blocs de compétences. Le manifeste propose ainsi de modifier les modes de gouvernance avec la création d'instances de concertation et d'élaboration infra-régionales, prenant en compte la diversité des échelles territoriales de l'action économique. Il propose de développer la capacité à s'organiser de manière transversale, la mise en réseau et l'animation des acteurs locaux.
La fédération préconise aussi de changer les règles du jeu dans le Code des marchés publics, notamment pour prendre en compte le "mieux disant territorial et environnemental", et renforcer la référence à des paramètres qualitatifs (circuits courts, réduction des émissions de CO2, critères de qualité…). L'idée d'implanter des pôles d'innovation au niveau local et de faciliter leur mise en réseau est également mise en avant. Enfin, la FVM propose de refonder les politiques d'aides aux entreprises en bannissant la logique de guichet mais en évaluant systématiquement leur impact sur l'emploi.
A travers ce manifeste, la FVM affirme la responsabilité des villes moyennes dans la valorisation des ressources locales et leur volonté de s'engager dans une stratégie de promotion et de valorisation de cette économie de proximité. Et les exemples présentés le 11 décembre montrent l'ampleur du phénomène et son efficacité.
Ainsi, à Saint-Dié-des-Vosges, un pôle "VirtuReal" (pôle du développement rapide de produit) a été créé associant le Cirtes (Centre d'ingénierie de recherche et de l'Esstin), une école d'ingénieurs (InSIC, l'Institut supérieur d'ingénierie de la conception), une plateforme d'innovation, mise en place en 2011, et des entreprises (Actarus, Strat'YM), créées pour commercialiser les produits. Le développement de ce pôle, qui a obtenu au fil des années un rayonnement international dans les nouvelles technologies de fabrication de produits 3D, est un véritable espoir pour une région où l'industrie décline depuis des décennies. Le pôle est un centre de recherche qui permet maintenant de fabriquer des pièces pour l'industrie et le domaine artistique. Il affiche parmi ses clients des grands comptes, comme PSA, Airbus, et des entreprises régionales, comme Saint-Gobain Pont-à-Mousson, Daum et Baccarat. "Nous sommes une porte d'entrée pour les entreprises régionales vers les grands groupes", a détaillé Claude Barlier, directeur général du Cirtes. Le centre regroupe maintenant plus de 70 chercheurs, 150 élèves et une douzaine de doctorants spécialisés dans la conception de produits, le tout sur 8.000 mètres carrés de surface. Il facilite les liens entre les grandes entreprises et les entreprises locales.

Des formations-actions auprès des acteurs locaux

Autre exemple d'économie de proximité : les actions développées par la mairie d'Alençon pour permettre à des producteurs et professionnels de la restauration de se rencontrer. Un groupe de travail a ainsi été mis en place comprenant des représentants des filières professionnelles agricoles locales et des collectivités, les chambres d'agriculture de l'Orne et de la Sarthe, les groupements d'agriculture biologique, la Safer, l'association Terre de liens, le conseil général de l'Orne et le conseil régional de Basse-Normandie. Le travail engagé permet de faire avancer les démarches en circuits courts locaux grâce à la mise en relation directe de la demande et de l'offre en produits alimentaires locaux. Une journée de rencontre a ainsi été organisée entre agriculteurs-producteurs et professionnels locaux de l'alimentation en novembre 2013. "L'objectif est de créer un climat de confiance entre producteurs et restaurateurs et cela a créé une synergie des ressources : certains ne connaissant pas ce que les autres font", a souligné Jean-Claude Pavis, premier adjoint au maire d'Alençon, vice-président de la communauté urbaine d'Alençon.
Premier effet de cette mise en relation, qui est réalisée dans le cadre de l'Agenda 21 de la ville : des partenariats pluriannuels avec l'association Terre de liens Basse-Normandie et les Safer Basse-Normandie et Maine-Océan pour installer des maraîchers. "Nous avons des hypothèses d'espaces pour ces maraîchers qui se situent entre l'urbain et le rural, nous recherchons maintenant des financements, c'est là qu'intervient l'association Terre de liens, avec le financement participatif", a expliqué Jean-Claude Pavis.
En région Rhône-Alpes, l'assocation Rhône-Alpes des professionnels du développement économique local (Aradel) propose quant à elle des "formations-actions" aux acteurs locaux, dans le cadre de l'Institut de management des pratiques locales (IMPL). Des appels à candidatures sont lancés auprès des territoires locaux pour les inviter à bénéficier des ces formations-actions. Les territoires choisis bénéficient d'un accompagnement individualisé réalisé par des formateurs sélectionnés par Aradel et de sessions collectives de formation (pour repérer les leviers de l'économie de proximité sur son territoire, cerner les limites de l'économie résidentielle, élaborer une stratégie…). "Ce travail montre aux acteurs locaux que le développement d'un territoire ne se fait plus dans les limites administratives et que les territoires doivent développer une économie de proximité, a détaillé Claudine Pilton, directrice de l'Aradel, on est dans une logique de territoire avec une économie revisitée." Exemple : les réflexions autour de zones de télétravail pour le parc du Pilat. Ce parc devait faire face à un nombre élevé de "navetteurs" (des personnes travaillant dans le parc, mais habitant ailleurs) et du coup un montant élevé échappe à l'économie locale au bénéfice des distributeurs de carburants… Le calcul a été fait : le manque à gagner était de 15 millions d'euros ! "Nous avons fait travailler Vienne et Lyon pour réaménager le territoire avec des zones de télétravail", a précisé Claudine Pilton. Autre exemple : le travail effectué autour du festival de jazz de Vienne. La situation était la suivante : durant le festival, les commerçants fermaient, comme toujours, leurs portes entre midi et deux, privant les festivaliers de la possibilité de se restaurer sur place. L'action a permis de travailler avec les commerçants pour faire en sorte qu'ils acceptent d'ouvrir à ces plages horaires.  D'un cote le festival offre aux participants les commerces associés, de l'autre, les commerçants profitent d'un développement économique supplémentaire. Autant d'exemples qui reposent sur des emplois non délocalisables. Ce qui n'est pas un moindre atout en période de crise.