École : Gabriel Attal veut créer un choc de confiance
Le nouveau ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal, n'a pas annoncé de grands bouleversements pour la rentrée 2023. Les réformes de fond se poursuivent autour des savoirs fondamentaux afin de redonner confiance aux enfants des classes moyennes, tentées par le secteur privé. À moyen terme, des moyens seront mis en œuvre pour l'amélioration du bâti scolaire, à plus long terme, le sujet de l'évolution des zones d'éducation prioritaire devrait ressurgir.
Étonnante conférence de presse de rentrée scolaire que celle de Gabriel Attal, lundi 28 août. S'il s'est voulu en rupture sur le style avec ses prédécesseurs, le tout nouveau ministre de l'Éducation nationale s'est en revanche inscrit dans la continuité en ce qui concerne le fond des dossiers.
La rupture sur la forme, Gabriel Attal l'a montrée en s'adressant aux Français de la classe moyenne "qui ne peuvent compter ni sur un gros patrimoine pour en tirer un revenu, ni sur la solidarité nationale pour s'en sortir", et à eux seuls. Là où d'autres avaient l'habitude d'évoquer en priorité les élèves des quartiers les plus modestes, en butte à des difficultés sociales et scolaires, Gabriel Attal a choisi de mettre en avant ceux "qui ne croient plus parfois en la promesse républicaine de l'école et qui ont parfois le sentiment de payer deux fois : une fois pour financer l'école publique, une autre fois pour les sacrifices parfois importants auxquels ils consentent pour payer une école privée à leurs enfants". Un discours qui entend donc ôter toute culpabilité à ces Français moyens tentés de fuir l'école publique. Une tentation que le ministre reconnaît implicitement lorsqu'il parle "d'éviter la rupture de confiance entre les familles modestes ou de classe moyenne et l'école de la République, d'éviter que la mixité [sociale] déjà menacée dans les écoles ne s'éloigne encore plus".
Dès lors, Gabriel Attal veut "créer les conditions d'un choc de confiance". Comment ? En agissant sur trois leviers : le niveau scolaire, le respect des droits et des devoirs des acteurs de l'éducation et la construction d'une école "qui émancipe et qui élève".
"Élever le niveau"
Pour "élever le niveau", le nouveau ministre s'en remet, comme nombre de ses prédécesseurs, aux "savoirs fondamentaux". Ici encore, il est question d'un "choc des savoirs" qui se déclinera, dès la rentrée 2023 à tous les niveaux scolaires.
En maternelle, l'incitation à mettre les enfants à l'école dès deux ans sera amplifiée en zones d'éducation prioritaire (EP). De la même façon, le dédoublement des classes en grande section de maternelle dans les écoles classées en EP devrait s'achever en septembre 2024. Et dans la continuité avec les années précédentes, le plafonnement à 24 élèves devra atteindre 100% des classes de grande section de maternelle, CP et CE1 dès cette rentrée.
En primaire, l'"urgence" est à la lecture et à l'écriture. Quant aux stages de fin d'été pour les élèves en difficulté, qui ont bénéficié à 300.000 enfants durant la dernière semaine d'août, ils seront généralisés à tous ceux qui en ont besoin. Petite nouveauté qui fera grincer quelques dents chez les directeurs d'école qui se plaignent de la hausse régulière des tâches administratives : les élèves de CM1, après ceux des CP et CE1, feront eux aussi l'objet d'une évaluation nationale.
"Nouvelle 6e" au collège
Le collège aura également droit à sa nouvelle évaluation, en 4e cette fois. Mais l'accent sera surtout mis sur ce que Gabriel Attal appelle la "nouvelle 6e". Celle-ci s'appuiera sur plusieurs actions : renforcement du français et des mathématiques, soutien hebdomadaire "sur-mesure" et généralisation du dispositif Devoirs faits à tous les élèves de 6e dès cette rentrée. Au collège toujours, on notera l'extension à 700 collèges de l'expérimentation de deux heures de sport supplémentaires sur le temps périscolaire, en partenariat avec les associations sportives locales.
Au lycée, outre un ajout de 1 heure 30 de mathématiques en 1re générale, c'est surtout le nouveau calendrier du baccalauréat qui retient l'attention. Gabriel Attal a reconnu que "l'organisation des épreuves de spécialité en mars a entraîné une désorganisation des établissements". Afin de "reconquérir l'ensemble du troisième trimestre", il a annoncé que ces épreuves seraient rétablies en juin pour les filières générale et technologique dès 2024.
À propos de temps perdu, Gabriel Attal souhaite également reconquérir les 15 millions d'heures d'enseignement perdues chaque année, qui représentent jusqu'à une année entière sur le cursus d'un élève. D'abord en agissant, là encore, sur l'organisation interne du ministère, de manière à ce que les formations des enseignants n'aient plus lieu durant leur temps de cours. Ensuite en proposant aux enseignants volontaires d'être payés dès cette rentrée avec un bonus de 50% pour 18 heures de remplacement par an.
"Faire bloc" autour de la laïcité
Côté "droits et devoirs", alors que "ces derniers mois, les atteintes à la laïcité se sont considérablement accrues [à l'école], notamment le port de tenues religieuses comme les abayas ou les qamis", Gabriel Attal a, de nouveau, montré sa volonté de "faire bloc". 300.000 personnels de l'Éducation nationale seront formés chaque année d'ici 2025 aux enjeux de la laïcité, tout comme 14.000 personnels de direction le seront d'ici la fin de l'année. En la matière, c'est surtout l'annonce de l'interdiction de l'abaya qui a marqué. Pour faire appliquer cette interdiction, le ministre a listé les outils qui seront mis à disposition des directeurs d'établissement : une note de service, une actualisation du vademecum de la laïcité, une lettre signée du ministre lui-même, ainsi qu'un "accompagnement humain", notamment dans les établissements les plus concernés.
Parallèlement, les mesures en faveur d'une école "qui émancipe et élève" porteront sur l'éducation artistique et culturelle – la part collective du Pass culture sera ainsi généralisée en 6e et 5e – et sur l'enseignement moral et civique, qui sera entièrement refondu. On notera encore que le harcèlement sera la "grande cause" de l'année scolaire 2023-2024, que 6.500 nouveaux accompagnants d'élève en situation de handicap (AESH) seront recrutés pour cette rentrée, et qu'à l'horizon 2027, chaque collège devrait avoir son unité localisée pour l'inclusion scolaire (Ulis).
"Très grosse enveloppe" pour le bâti scolaire
Sur la question de l'éducation prioritaire, si Gabriel Attal a estimé qu'il s'agissait de l'"enjeu majeur" poursuivi depuis 2017, il semble toutefois vouloir marquer une pause après des années durant lesquelles les REP (Réseaux d'éducation prioritaire) ont été menacés de démantèlement. "Si on devait revoir la carte en fonction des Indices de position sociale (IPS), il y aurait deux cent établissements qui entreraient en éducation prioritaire et deux cent qui en sortiraient. C'est un sujet complexe, il va nous falloir regarder les choses progressivement", a commenté le ministre, qui entend s'appuyer sur les Contrats locaux d'accompagnement (CLA) pour traiter les cas des territoires proches des REP mais non classés REP ou pour les écoles "orphelines". Aucun calendrier n'est donc arrêté pour faire évoluer la carte scolaire. Et pour cause : Gabriel Attal souhaite attendre la fin du travail sur la nouvelle cartographie des quartiers de la politique de la ville (QPV)
Enfin, interrogé sur le rôle des collectivités dans l'Éducation, Gabriel Attal a estimé qu'il était "majeur" car "les compétences sont liées" entre elles et son administration. L'occasion pour le ministre de préciser que l'État allait s'engager dans des projets de rénovation du bâti scolaire : "On aura des choses extrêmement positives à annoncer dans les semaines à venir, dans le cadre du budget, avec le Fonds vert qui pourra être mobilisé pour l'isolation thermique de nos bâtiment scolaires [avec] une très grosse enveloppe budgétaire à la clé".
Et pour marquer un peu plus la continuité sur le fond avec ses prédécesseurs, Gabriel Attal a conclu en martelant que le Conseil national de la refondation, qui a fait déjà l'objet de 8.500 dépôts de projets en matière d'éducation, serait "la matrice de l'école de demain"…
Cette conférence de presse de rentrée fut également une première pour Prisca Thevenot, nouvelle secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et du Service national universel (SNU). "Le service national universel demeure plus que jamais au cœur de notre ambition", a-t-elle en particulier assuré, confirmant l’objectif de "généralisation" du dispositif. Après des mois d’incertitude (lire nos articles du 2 mars et du 13 mars 2023), les violentes émeutes urbaines du début de l’été ont remis le dispositif sur le devant de la scène. Il importe de "rebâtir notre nation et tout ce qui la tient", a déclaré Emmanuel Macron dans sa récente interview au journal Le Point, citant le SNU comme l’un des piliers de la Nation aux côtés de la famille, l’école, la culture, la langue et "la régulation des écrans". Pour accélérer sur la "montée en puissance" du SNU, seront mis en œuvre dès cette année des projets pédagogiques "classes et lycées engagés" intégrant un séjour de cohésion, pour des élèves de seconde et de première année de CAP, détaille Prisca Thevenot. Cette dernière ajoute que le service civique "doit être ouvert plus largement et poursuivre son déploiement", indiquant un objectif de 150.000 volontaires en 2023. Les domaines désignés comme prioritaires sont l’écologie, le sport – avec la perspective des jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 – et la lutte contre décrochage et le harcèlement scolaire. Concernant l’insertion des jeunes, le mentorat reste l’outil privilégié du secrétariat d’État, avec l’ambition déjà mise en avant par la Première ministre en juin 2023 (notre article du 21 juin) de doubler le nombre de jeunes mentorés d’ici 2027, soit de passer de 150.000 à 300.000 jeunes accompagnés de cette manière-là. Il s’agit d’un "puissant levier de réduction des inégalités", selon Prisca Thevenot qui dit vouloir œuvrer à la mise en œuvre d’un "véritable droit universel au mentorat". Enfin, celle qui a succédé à Sarah El Haïry sur la jeunesse et à Marlène Schiappa sur la vie associative se propose de "renforcer le pacte de confiance qui lie les pouvoirs publics aux associations" et de "mieux soutenir les associations, en particulier les plus petites" qui agissent "au cœur de nos quartiers". Caroline Megglé pour Localtis |