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Eau - Droit d'accès à l'eau potable : la proposition de loi suit son cours

Reconnu par la loi sur l'eau de 2006, le droit d'accès à l'eau potable et à l'assainissement ne se traduit que partiellement sur le terrain. Une proposition de loi visant à corriger le tir a été examinée le 4 novembre par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale.

Une loi, c'est beaucoup de patience. Après trois ans de préparation et d'échanges, dans une démarche transpartisane, la proposition de loi visant à la mise en œuvre effective du droit humain à l'eau potable et à l'assainissement progresse à petits pas dans le long cheminement parlementaire. Déposée fin 2013 à l'Assemblée nationale, elle vient tout juste d'être examinée deux ans après en commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Laquelle a approuvé au passage plusieurs amendements, essentiellement de forme. Ce texte vise plus précisément à "instituer, dans le droit français, le droit à l'eau comme un droit fondamental des citoyens".

Une portée politique, philosophique, symbolique et pragmatique

Sa portée est donc à la fois politique, philosophique, symbolique et pragmatique. "Le territoire français dispose d'une bonne couverture en desserte en eau potable et en équipement d'assainissement. Pourtant une centaine de milliers de personnes ne disposent pas d'eau potable et ne bénéficient pas d'un équipement d'assainissement. Et un million de ménages ont du mal à payer leur facture d'eau. Il est donc temps d'agir", milite son rapporteur, le député SRC des Côtes-d'Armor Michel Lesage.
L'idée est de faire aboutir cette loi d'ici la fin de la mandature. A son avantage, elle ne part pas de zéro et s'appuie sur un certain consensus et sur un large corpus. Elle entre aussi en résonance avec l'Initiative citoyenne européenne Right2water. Malgré ses deux millions de signatures, pour que l'eau soit reconnue comme un bien public un droit humain universel, elle semblait avoir été un coup d'épée dans l'eau mais a repris de la vigueur en septembre dernier au Parlement européen. Les eurodéputés ont appelé à une courte majorité la Commission européenne à agir pour donner suite à cette requête des citoyens sur le droit à l'eau.

Dynamique collective

Cette proposition de loi a par ailleurs été élaborée dans un esprit collectif, avec l'appui d'associations comme la fondation Danielle Mitterrand-France Libertés, mais aussi de collectivités ayant expérimenté la tarification progressive ou solidaire comme Dunkerque, Niort et Libourne, pionnière girondine dans le domaine. L'article 2 du texte prévoit que les communes installent et entretiennent des points d'eau potable "répartis de façon équilibrée sur le territoire aggloméré de la commune et destinés à l'accès public, gratuit et non discriminatoire à l'eau potable". Des toilettes publiques gratuites devront être rendues accessibles à toute personne dans les communes de plus de 3.500 habitants. Et des douches publiques pour les plus démunis dans les communes de plus de 15.000 habitants. "Mais rien dans celles de moins de 3.500 habitants ?", interroge la députée des Deux-Sèvres Geneviève Gaillard. "L'idée est quoi qu'il en soit d'utiliser les équipements existants. L'Association des maires de France est favorable à cette disposition et à l'article 2", esquive Michel Lesage.

Un centime d'euro par bouteille d'eau

Si le droit à l'eau pour tous fait l'unanimité, et l'idée d'une allocation préventive pour que les personnes en précarité aient accès à l'eau aussi, ce sont les modalités de financement de cette aide qui font débat. "Les aides existantes sont à caractère curatif, reposent sur les territoires, à travers la prise en charge des impayés par les centres communaux d'action sociale (CCAS) ou les fonds de solidarité pour le logement (FSL). L'outil FSL n'a pas de volet Eau dans un quart environ des départements français. Sa gestion est lourde et ses dépenses faibles, de l'ordre de 10 millions d'euros contre 60 millions d'euros pour l'énergie", avance Michel Lesage. Pour assurer le financement d'un nouveau Fonds national de solidarité du droit à l'eau institué par sa proposition de loi, 50 à 60 millions d'euros sont nécessaires. Après avoir étudié toutes les pistes, il propose que ses recettes soient constituées par une taxe sur la production, la commercialisation d'eau emballée et l'importation de celle destinée à être commercialisée. Cette contribution solidaire serait d'1 centime d'euro prélevé sur chaque bouteille d'eau vendue. "Ce mode de financement est innovant et intéressant", défend la députée socialiste des Pyrénées-Atlantiques Martine Lignières-Cassou. Mais gare à ne pas fragiliser ces entreprises de l'eau embouteillée, leurs emplois non délocalisables. "Cette taxe impactera forcément leur activité", prévient Guillaume Chevrollier, député de la Mayenne (Les Républicains). "L'impact sur leur chiffre, j'en suis convaincu, sera totalement indolore", défend Michel Lesage. D'autres parlementaires ont souligné que des communes offrent déjà un accès solidaire aux premiers mètres cube d'eau, et qu'une traduction législative de leurs efforts serait bienvenue.

 

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