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Drogues : bilan positif pour les "salles de shoot" françaises

Des toxicomanes en meilleure santé, un coût raisonnable et un impact neutre sur la tranquillité publique : cinq ans après leur création, les salles de consommation à moindre risque démontrent leur efficacité, selon une étude publiée par l'Inserm.

Implantées en 2016 à titre expérimental après de vifs débats, les "salles de shoot" de Paris et Strasbourg permettent à des centaines d'usagers de drogues de s'injecter de l'héroïne et d'autres opiacés avec du matériel stérile, et dans une moindre mesure depuis fin 2019 de fumer du crack dans un environnement sécurisé. Dans un document de 350 pages publié vendredi, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) propose une évaluation scientifique de ces dispositifs pionniers en France, réalisée à la demande de la la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Miledeca), mission placée auprès du Premier ministre.
"Les salles de Paris et Strasbourg montrent les mêmes résultats qu'ailleurs dans le monde : elles diminuent les pratiques d'injection à risque, le nombre d'injections dans l'espace public, le risque d'overdoses, le risque d'aller aux urgences et la probabilité de commettre des délits", résume à l'AFP Marie Jauffret-Roustide, sociologue de l'Inserm qui a coordonné une partie de cette étude. Plus de 80 salles de ce type existent déjà dans neuf pays d'Europe.
La chercheuse souligne notamment les "effets très positifs en termes de santé" des salles de consommation à moindre risque (SCMR) françaises. L'Inserm les a observés en suivant pendant un an 665 consommateurs de drogues de Paris et Strasbourg, mais aussi de Bordeaux et Marseille, deux villes sans espace dédié. Résultat, la probabilité d'avoir une pratique d'injection risquée, susceptible de transmettre le VIH ou l'hépatite C, est 10% inférieure pour les usagers des salles, par rapport aux toxicomanes qui n'y ont pas accès, selon Marie Jauffret-Roustide. La probabilité de faire une overdose est également réduite (-2%), et le risque de s'injecter le produit en extérieur (-15%) et de finir aux urgences (-24%) baissent aussi de manière significative. Ceux qui ont accès à une salle commettent enfin moins de délits.
En extrapolant leur présence sur dix ans, les salles de Paris et Strasbourg permettraient d'éviter 11 millions d'euros de coûts médicaux occasionnés par l'usage de drogues, selon l'étude. Et ce, pour un investissement public raisonnable, selon Anthony Cousien, modélisateur de l'Inserm. "Leur rapport coût-efficacité est meilleur que celui du vaccin contre le zona", résume le chercheur.
L'évaluation, qui inclut les avis de la police et des riverains, conclut également à "une absence de détérioration de la tranquillité publique" depuis l'implantation des structures. Si celle de Strasbourg, située dans l'enceinte d'un vaste hôpital, est plutôt consensuelle, la salle de Paris, implantée en plein coeur du Xe arrondissement, continue de faire polémique auprès des riverains. Ceux-ci se plaignent de bagarres, de l'accumulation de déchets dans la rue ou du fait que certains toxicomanes s'injectent encore la drogue en extérieur.
L'étude recommande d'améliorer les dispositifs de médiation. Elle souligne également que le nombre de seringues retrouvées dans le quartier a été divisé par trois depuis l'implantation. Ces salles, dont l'expérimentation arrive à échéance en 2022, "constituent vraisemblablement une intervention de santé et de tranquillité publique efficiente", estime l'Inserm. "La pérennité des dispositifs existants apparaît utile et une mise à l'échelle nationale de cette intervention est recommandable." Cette évaluation devrait nourrir les débats à Paris, où l'éventuelle création de nouvelles SCMR provoque de nombreuses réticences. "Ces salles sont une solution efficace et pragmatique, j'espère que cette étude va nous aider à en implanter d'autres", a réagi l'adjointe à la santé Anne Souyris (EELV).