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Drogue : plus de 3.900 points de deal recensés en France

A l'occasion de la présentation du bilan du plan d'action anti-stupéfiants de 2019, vendredi 28 mai, le gouvernement a dressé une "cartographie" des points de deal en France. Il a annoncé un "acte II" de son plan, jugeant que la "dépénalisation" est une "solution fallacieuse".

On les appelle les "fours". Ce sont les points de deal, parfois à l’abri des regards, parfois à la vue et au su de tout le monde, comme sur la place Stalingrad à Paris. Le gouvernement en comptabilise 3.936 à travers toute la France au 1er avril 2021, selon une cartographie présentée lors du comité interministériel aux stupéfiants, vendredi 28 mai. Ce premier comité du genre, présidé par le Premier ministre Jean Castex, entouré de nombreux ministres dont Gérald Darmanin (Intérieur) et Eric Dupond-Moretti (Justice), était l’occasion de dresser le bilan du plan d’action lancé le 17 décembre 2019 autour de 55 mesures (lire notre article). Alors que le président de la République avait assuré, le 18 avril, qu’un point de deal était fermé chaque jour, ce bilan montre l’ampleur de la tâche. 17 ont été démantelés entre décembre 2020 et le 1er avril ! Soit un par semaine…

Le phénomène reste très concentré puisqu’il touche 3,2% des communes françaises (1.107). La grande majorité de ces points de deal sont situés en zone de police (88%), les 713 restants (12%) le sont en zone de gendarmerie. 13% des communes concernées comptent plus de 5 points. Par ailleurs, 11% des points sont situés dans des quartiers de reconquête républicaine (QRR), soit 450 points de deal pour 60 quartiers. Les grandes métropoles sont particulièrement affectées. Toulouse, Lille, Lyon et Marseille comptent plus de 60 "fours" chacune.

Cette cartographie des points de deal est censée guider l’action des forces de l’ordre en vue de leur démantèlement. "Du 1er janvier 2021 au 3 mai 2021, 1.869 opérations ont été menées (92% par la police nationale, 8% par la gendarmerie). Ces opérations ont conduit au placement en garde-à-vue de 3.132 personnes dont 726 ont été écrouées, ainsi qu’à des saisies importantes d’avoirs criminels (près de 6,2 millions d’euros) et de drogues : 2,4 tonnes de résine de cannabis, 444 kg d’herbe, 72 kg de cocaïne, 106 kg d’héroïne et 230 armes", détaille le bilan.

Le gouvernement rappelle que depuis le début du mois de mars, les citoyens peuvent signaler des points de deal sur les portails "moncommissariat.fr" et "ma brigade numérique". Les signalements sont ensuite transmis aux Cross (cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants) territorialement compétentes. 3.862 signalements ont ainsi été adressés aux Cross. 1.668 d'entre eux ont conduit à la rédaction de notes de renseignement qui sont à l’origine de l’ouverture de 12 procédures douanières et de 50 procédures judiciaires.

Les collectivités, "partenaires désormais incontournables"

"Depuis les années 90, les réseaux de trafics de stupéfiants ont compris tout l’intérêt de recourir à une main d’œuvre de plus en plus jeune, sous-payée, spéculant sur sa soi-disant 'impunité' et vantant les possibilités d’une 'ascension sociale' rapide et lucrative", souligne ce bilan qui insiste sur le rôle des collectivités "partenaires désormais incontournables de la prévention". Deux appels à projets conduits en 2018 et 2019 ont permis de sélectionner 25 collectivités partenaires de la Midelca (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives) ; elles totalisent 3,5 millions de Français (voir notre article). Le réseau s’étoffera d’ici "quelques semaines" avec les résultats d’un troisième appel à projets lancé en début d’année. Par ailleurs, la Midelca et l’Association des maires de France (AMF) ont conçu le guide pratique "Le Maire face aux conduites addictives", pour accompagner les élus. Avec les préfectures et les maires des communes, la Midelca a lancé une expérimentation de trois ans pour prévenir la participation des jeunes aux trafics dans trois territoires - Loos (59), Sarcelles (95) et Saint-Laurent-du-Maroni (Guyane).

La Guyane, véritable plaque tournante

La Guyane, véritable plaque tournante, fait par ailleurs l’objet d’un "plan mules" depuis 2019 avec un renforcement des contrôle douaniers sur les filières de passeurs de cocaïne, "de la frontière surinamaise jusqu’à l’intérieur du territoire métropolitain", et une attention particulière "sur les points névralgiques que sont les aéroports". Selon un rapport sénatorial de septembre 2020, la Guyane représente entre 15 et 20% des entrées de cocaïne dans l'Hexagone. "On estime qu'en temps normal, 20 et 30 passeurs souhaiteraient prendre chaque vol et que 8 à 10 y parviendraient effectivement", peut-on lire dans ce rapport particulièrement éloquent. Pour l'ancien sénateur de la Guyane Antoine Karam (LREM), l’Etat doit apporter "une réponse beaucoup plus ambitieuse et plus complète que celle qu'il a mise en oeuvre jusqu'à présent".

L'exécutif brandit l'acte II de son plan anti-stupéfiants, venant compléter les 55 mesures existantes. Jean Castex entend rendre "plus simple et efficace" l'amende forfaitaire délictuelle (AFD) de 200 euros pour les usagers de drogue. Cette promesse de campagne d'Emmanuel Macron a fait l'objet de 70.000 infractions depuis sa mise en œuvre en septembre 2020. Le Premier ministre promet aussi de renforcer la coordination des services, avec "une plus grande implication des services de renseignement", que ce soit au niveau central, au sein de l'Ofast, le nouveau vaisseau amiral de la lutte anti-stupéfiants, ou au niveau territorial au sein des Cross. Un nouveau ficher anti-stupéfiants (le "Fast") sera créé. Il sera "davantage décloisonné". Par ailleurs, le gouvernement s'oppose fermement à la "dépénalisation", solution qu'il juge "fallacieuse", alors que le sujet est revenu en force depuis quelques mois. "L’expérience des Pays-Bas, de l’Uruguay, du Portugal, de l’Espagne, du Canada et de certains États américains" fait apparaître "une augmentation du nombre de consommateurs post-légalisation dans tous ces pays ce qui peut entraîner un usage d’autres produits stupéfiants", affirme-t-il.