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Finances locales - Dotations, communes nouvelles, bibliothèques... les députés revoient le projet de budget 2016

L'Assemblée nationale a adopté dans la nuit du 9 au 10 novembre le volet "relations avec les collectivités territoriales" du projet de budget pour 2016. Les députés ont laissé inchangés les principes de la réforme de la dotation globale de fonctionnement. Mais ils ont, comme prévu, repoussé l'application de celle-ci à 2017. Ils ont aussi adopté sans changement le fonds d'un milliard d'euros destiné à soutenir l'investissement public local. D'un milliard d'euros en 2016, lui aussi, le fonds de solidarité des communes et intercommunalités verra ses règles encore évoluer. Quant aux projets de communes nouvelles, elles bénéficieront d'un sursis pour bénéficier des incitations financières qui devaient disparaître à la fin de l'année. Petit tour d'horizon des évolutions décidées par les députés.

Dotation globale de fonctionnement

Sans surprise, l'Assemblée nationale a repoussé à 2017 l'entrée en vigueur de la réforme de la DGF. Elle a aussi voté les principes de la réforme proposés par le gouvernement, sans les modifier, comme l'avait préconisé le gouvernement. Quand la carte intercommunale sera achevée, c'est-à-dire le 31 mars 2016, le gouvernement remettra l'ouvrage sur le métier. Avant le 30 juin 2016, il communiquera au Parlement un rapport prenant en compte la nouvelle carte et dans lequel il proposera des adaptations de la réforme. Il associera le Comité des finances locales et un groupe de travail de parlementaires des deux chambres à l'élaboration de ce rapport et des dispositions législatives modifiant le PLF 2016.
Le gouvernement a proposé d'anticiper la réforme de la DGF en proposant la mise en place d'un "parachute" pour les communes, selon l'expression de la ministre de la Décentralisation. La disposition adoptée par les députés crée une garantie "globale" de DGF. La baisse des dotations pour le redressement des finances publiques, la progression de la péréquation et la réforme de la DGF ne pourront pas conduire, à partir de 2017, à une baisse annuelle de DGF supérieure à 10% des recettes réelles de fonctionnement d'une commune. En outre, sur la période 2017-2021, la baisse ne pourra excéder 25% des recettes réelles de fonctionnement d'une commune.
Les députés ont eux aussi pris un peu d'avance sur la réforme de la DGF en décidant que la dotation de solidarité urbaine (DSU) sera davantage ciblée dès l'année 2016, alors que le gouvernement proposait de reporter à 2017 - comme pour la réforme de la dotation globale de fonctionnement - l'application de cette mesure qui fait consensus. Cette dotation d'1,7 milliard d'euros cette année (+180 millions en 2016) sera répartie entre 659 communes de plus de 10.000 habitants, au lieu de 742 aujourd'hui. Les communes qui perdront l'éligibilité à la DSU bénéficieront d'une "garantie de sortie". En revanche, les députés n'ont pas recentré la dotation de solidarité rurale (DSR), qui bénéficie aujourd'hui à 34.600 communes. Celle-ci progressera en 2016 du montant prévu (+117 millions d'euros). Pour les autres composantes de la DGF, les règles de répartition ne changeront pas non plus en 2016.
Les députés ont aussi modifié le mode de calcul de la contribution des communes et de leurs groupements au redressement des finances publiques. En 2014 et 2015, la baisse de la DGF a été répartie au prorata des recettes réelles de fonctionnement des budgets principaux des collectivités territoriales. Pour 2016, ils incluent à cette base de calcul les budgets annexes "des services publics autres que les services publics à caractère industriel et commercial". Les contributions des collectivités seraient ainsi plus équitablement calculées, selon les auteurs de l'amendement, dont Olivier Dussopt, député socialiste de l'Ardèche et, par ailleurs, président de l'Association des petites villes de France (APVF). La seule prise en compte des budgets principaux conduirait certaines communes (surtout les plus grandes) à créer des budgets annexes, par pure optimisation financière. Les petites villes notamment seraient donc lésées. Reste à savoir si la mesure pourra être mise en œuvre : la direction générale des collectivités locales a toujours justifié pour des raisons techniques le fait de ne pas prendre en compte les budgets annexes.
L'Assemblée nationale a par ailleurs retiré de la base de calcul des recettes réelles de fonctionnement les remboursements des frais de fonctionnement dus par des communes à leur intercommunalité, ou par celle-ci aux communes, dans le cadre de conventions de gestion de service. Cela met fin à une anomalie qui pénalise l'ensemble du bloc communal. En effet, actuellement, ces recettes sont prises en compte deux fois : d'une part, dans le calcul des recettes de la commune et, d'autre part, dans celui des recettes de l'intercommunalité.

Fonds de solidarité des communes et intercommunalités (Fpic)

Le montant du Fpic s'élèvera à 1 milliard d'euros, soit le montant prévu par le gouvernement avant qu'il ne décide du report de l'application de la réforme de la DGF. Cette somme sera prélevée et reversée à partir de règles modifiées.
Les députés ont créé les garanties pour qu'aucune commune pauvre ne contribue au fonds de péréquation. Les 24 communes éligibles à la DSU "cible" qui, aujourd'hui, sont des contributeurs nets au fonds seront donc exonérées à l'avenir d'un tel prélèvement. La contribution qu'aurait du acquitter la commune sera prise en charge par les communes voisines, membres de la même communauté, ainsi que par l'EPCI, "en fonction de leur contribution respective au Fpic". Actuellement, lorsqu'une commune éligible à la DSU cible bénéficie d'une exonération ou d'une réduction de sa contribution, celle-ci est obligatoirement mise à la charge de la communauté.
Les députés ont aussi apporté une réponse à certaines situations jugées anormales dans lesquelles une commune très favorisée perçoit une attribution du Fpic parce qu'elle appartient à un EPCI qui, lui, est défavorisé et donc bénéficiaire du fonds. A la majorité des deux tiers, le conseil communautaire pourra réaffecter l'attribution de la commune au profit des autres.
Enfin, le gouvernement devra remettre chaque année un rapport au Parlement sur "l'utilisation des ressources" du Fpic. "Les contribuables des collectivités contributrices qui font cet effort de solidarité doivent savoir exactement à quoi il sert", ont avancé les auteurs de l'amendement.

Communes nouvelles

De même que le secrétaire d'Etat au Budget, la ministre en charge de la décentralisation n'était pas favorable à l'ouverture d'un délai supplémentaire pour le bénéfice des incitations financières au profit des communes nouvelles. De son côté, le secrétaire d'Etat en charge de la réforme territoriale souhaitait, lui, que la date du 31 décembre 2015 soit repoussée. C'est finalement André Vallini qui "a emporté le morceau", a reconnu Marylise Lebranchu le 9 novembre après-midi devant la commission des finances. En séance, l'Assemblée a voté un amendement de la députée socialiste Christine Pires Beaune, auteur avec Jacques Pélissard de la loi de mars 2015 visant à encourager les communes nouvelles. La disposition proroge jusqu'au 30 juin 2016 les incitations financières accordées à ce type de collectivité. Mais il faudra que les conseils municipaux aient pris des délibérations concordantes avant le 31 mars 2016. Par ailleurs, l'amendement limite le bénéfice des incitations financières accordées aux communes nouvelles issues du regroupement de toutes les communes membres d'un EPCI à fiscalité propre à celles qui ne dépasseront pas 15.000 habitants.
Le gouvernement table sur l'existence de 100 à 200 communes nouvelles le 1er janvier prochain (contre seulement 25 au début de cette année). "Au 28 octobre 2015, 68 arrêtés portant création de communes nouvelles au 1er janvier prochain ont été pris par les préfets. Ils concernent 251 communes et 368.195 habitants", a détaillé le secrétaire d'Etat chargé de la réforme territoriale. Parmi ces communes nouvelles, huit seront issues d'une fusion à l'échelle de l'ensemble d'un EPCI.

Thomas Beurey / Projets publics

  Mais aussi...

Les communes SRU privées de DSU, DSR, DNP et Fpic
Les communes qui font l'objet d'un arrêté de carence au titre de la loi SRU sont exclues du bénéfice des dotations de péréquation verticale (dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale / DSU, dotation de solidarité rurale / DSR, dotation de péréquation nationale / DNP) et horizontale (fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales / Fpic), sauf si leur potentiel financier par habitant est inférieur à 75% du potentiel moyen de leur strate démographique. Les communes carencées sont aujourd'hui 218. Cette mesure s'appliquerait dès la publication de la loi.

Gel de la population "DGF" sur la période des conventions Anru
En cas de diminution de la population d'une commune du fait de la destruction de logements prévue dans le cadre d'un projet Anru, la DGF revenant à chacune de ces communes sera calculée sur la base de la population au 1er janvier de l'année de signature de la convention susmentionnée et ce jusqu'à l'extinction de celle-ci. Un amendement co-rédigé par François Pupponi, également président de l'Anru, qui se justifierait par le fait que les destructions sont suivies de la "reconstitution voire augmentation de l'offre de logements" ; mais qu'entretemps, il y a "des flux de populations parfois conséquents sur une durée de quelques années".

La DPV attribuée aussi pour le fonctionnement
Les règles d'attribution de la dotation politique de la ville (DPV) sont desserrées afin de ne pas être limitées aux seuls projets d'investissement. Car "la majeure partie des politiques menées dans le cadre du contrat de ville relèvent de dépenses de fonctionnement", fait valoir l'exposé des motifs également co-rédigé par François Pupponi, par ailleurs concepteur de la DPV (voir notre article du 21 juin 2013 "Une dotation politique de la ville ? François Lamy en rêvait, François Pupponi fournit les arguments").

Dotation de compensation spécifique à l'extension de l'abattement de 30% de TFPB dans les QPV
L'Etat peut autoriser, à compter du 1er janvier 2016, à titre expérimental et pour une durée n'excédant pas trois ans, la création d'une dotation de compensation spécifique à l'extension de l'abattement de 30% de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) aux 1.500 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Pour rappel, la loi de finances pour 2015 avait étendu l'abattement de 30% de TFPB dont bénéficiaient les bailleurs pour leur patrimoine situé dans les anciennes ZUS aux nouveaux QPV, dès lors qu'ils ont signé un contrat de ville. (Voir aussi notre article du 29 avril 2015 "Bailleurs sociaux : une charte précise les contreparties à l'abattement de TFPB en quartier prioritaire")

Taxe d'aménagement
Pour éviter toute ambiguïté - et toute contestation contentieuse, le code de l'urbanisme mentionnera explicitement les métropoles en qualité de bénéficiaires de plein droit de la part locale de la taxe d'aménagement, au même titre que les communautés urbaines et la métropole de Lyon.

La DGD pour financer l'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques
La dotation générale de décentralisation (DGD) peut être mobilisée pour financer des projets d'extension ou d'évolution des horaires d'ouverture de bibliothèques en tant qu'aide initiale, non renouvelable, sur trois ans aux collectivités. Plus précisément, les collectivités pourront mobiliser, au sein de la DGD, les crédits de la première fraction du concours particulier. Doté de 80,42 millions d'euros depuis 2008, ce concours, concentré sur l'aide à l'investissement, comprend deux fractions dont la première fraction est dédiée aux projets courants de construction et d'équipement des bibliothèques municipales et départementales de prêt. La gestion de cette première part est déconcentrée au niveau régional.
Cette mobilisation de crédits est valable trois ans, car c'est le "temps nécessaire pour permettre (aux collectivités) d'optimiser les horaires d'ouverture de leurs bibliothèques et d'adapter en conséquent leur organisation", estime le gouvernement auteur de l'amendement et qui rappelle à cette occasion que "les amplitudes moyennes des horaires d'ouverture des bibliothèques publiques françaises restent relativement faibles : elles ne dépassent 30 heures hebdomadaires que dans les villes de 40.000 habitants et plus (40 heures dans les collectivités de 200.000 habitants et plus)". (Voir aussi notre article du 3 novembre 2015 "La DGD financera l'extension des horaires des bibliothèques")

CNFPT
Les députés ont confirmé leur volonté de supprimer l'article 62 qui entendait faire passer de 1% à 0,8% de la masse salariale le plafond du taux de cotisation obligatoire versée par les collectivités au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Commission des finances et commission des lois étaient d'accord là-dessus, sachant que Marylise Lebranchu avait pour sa part proposé un compromis à 0,9%. Un taux réduit "n'aboutira pas à une baisse nette de charge pour les collectivités" et "n'apparaît pas opportun en raison du besoin important de formations liées à la nouvelle architecture des collectivités territoriales, aux transferts de compétences et à l'achèvement des schémas départementaux de coopération intercommunale", a expliqué Christine Pires Beaune, auteur de l'amendement. En outre, "les 32 millions d'euros ainsi restitués au CNFPT lui permettraient de développer l'apprentissage dans les collectivités", ajoute l'amendement identique d'Hugues Fourage, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois.

Fonds d'aide pour le relogement d'urgence
Le fonds d'aide pour le relogement d'urgence (Faru) a été créé en 2006 pour aider les communes à "assurer l'hébergement d'urgence ou le relogement temporaire de personnes occupant des locaux qui présentent un danger pour leur santé ou leur sécurité, et qui ont fait l'objet soit d'une ordonnance d'expulsion, soit d'un ordre d'évacuation". Le Faru peut également financer des aides financières pour mettre les locaux hors d'état d'être utilisables. Créé pour cinq ans, il a été prorogé une première fois en 2011. Le gouvernement a fait adopter un amendement pour reconduire une nouvelle fois ce fond sur cinq ans, toujours pour "aider les communes à faire face à des situations ponctuelles d'urgence nécessitant le relogement d'habitants."

Développement du PV électronique
Autre amendement gouvernemental a été adopté en séance pour proroger une aide aux communes... en l'occurrence le fonds d'amorçage en faveur de celles qui font l'acquisition des équipements nécessaires à l'utilisation du procès-verbal électronique. Ce dispositif créé en 2010 doit en principe s'interrompre à la fin de l'année 2015. Mais environ 40% des communes concernées (celles qui disposent d'au moins un agent de police municipales) ne sont pas encore équipées, notamment parmi les villes petites et moyennes. L'idée est donc de leur permettre de continuer à faire appel à ce fonds jusqu'en 2017. L'objectif est également de "permettre aux communes déjà équipées de renouveler leurs équipements et de préparer la mise en œuvre de la décentralisation du stationnement payant reportée au 1er janvier 2018".

L'Assemblée nationale procédera le 17 novembre prochain au vote sur l'ensemble du projet de loi de finances.

V.L. / C.M.