Finances locales - Péréquation, communes nouvelles, fiscalité locale... Les députés prennent en mains le projet de budget
Le report de la réforme de la DGF et ses conséquences
Auditionnée mercredi soir par les commissions des lois et des finances de l'Assemblée nationale, la ministre en charge de la Décentralisation est revenue sur la décision prise par le Premier ministre de reporter à 2017 l'application de la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF). D'abord, a-t-elle indiqué, l'article 58 du projet de loi de finances pour 2016, qui pose les principes de la réforme, doit rester inchangé dans la loi qui sera votée par le Parlement d'ici la fin de l'année. L'article dans son intégralité. Le recentrage des dotations de solidarité urbaine et rurale (DSU et DSR), ainsi que la suppression de la dotation nationale de péréquation sont en effet eux aussi repoussés au 1er janvier 2017. Le nombre des bénéficiaires de la DSU et de la DSR sera donc inchangé en 2016.
S'agissant de la rénovation de la DGF, à laquelle le gouvernement n'a pas renoncé, la ministre a détaillé la méthode et le calendrier du gouvernement. La nouvelle carte intercommunale "sera achevée le 31 mars 2016", a-t-elle rappelé. A partir de ce moment-là, le gouvernement pourra procéder à des simulations concernant la dotation de centralité, celle-ci étant "calculée à partir de la population totale de chacun des EPCI". "Sur la base de la nouvelle carte intercommunale et des travaux que nous aurons menés, nous bouclerons la réforme pour le PLF 2017", a-t-elle poursuivi. En précisant que le gouvernement aurait aussi à "retravailler" le sujet avec le Comité des finances locales et "l'ensemble des associations d'élus".
Le gouvernement a donc fait le choix d'ajuster dans le PLF 2017 les principes de la réforme qui seront votés cet automne, rejetant ainsi l'option d'une loi spécifique défendue par le CFL, les associations d'élus locaux et une grande partie des parlementaires. Lors d'une réunion de la commission des finances, ce 5 novembre, le socialiste Dominique Lefebvre a soutenu le choix du gouvernement : "Il y a de fortes chances qu'une loi ordinaire s'enlise dans les sables de la procédure parlementaire". De son côté, le président de la commission des finances a fait valoir que la précédente réforme de la DGF, en 2004, avait été inscrite dans une loi ordinaire.
On retiendra encore qu'après expertise par la Direction générale des collectivités locales, le gouvernement ne juge pas pertinente la piste proposée par des membres du CFL qui consiste à répartir la DGF en fonction du rapport entre le revenu moyen par habitant et la pression fiscale.
Mais avant de se pencher sur la réforme de la DGF, le Parlement doit décider de la répartition de cette même DGF en 2016. Or, le report de l'application de la nouvelle architecture a rendu caduques les dispositions préparées par le gouvernement. Ce dernier déposera donc ce 6 novembre un amendement à l'Assemblée nationale. Cet amendement prévoira que la DGF sera répartie en 2016 "selon les règles de répartition en vigueur en 2015". "On appliquera exactement les critères de 2015 pour 2016", a précisé Marylise Lebranchu. En ajoutant toutefois que quelques modifications seraient introduites pour prendre en compte notamment les communes nouvelles récemment créées et les changements qui ont affecté les périmètres de quelques communautés. Ces règles de répartition s'appliqueront à une DGF dont le montant, voté par les députés dans le cadre de la première partie de l'examen du PLF, s'élève à 33,1 milliards d'euros (contre 36,6 milliards en 2015). La commission des finances de l'Assemblée se prononcera lundi 9 novembre à partir de 15 heures sur cet amendement et sur les crédits de la mission "relations avec les collectivités territoriales".
Le Fpic
Le report de l'application de la réforme de la DGF modifie les termes du débat sur le montant du Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) en 2016. Attentif à la question de la "soutenabilité" des prélèvements sur les communes favorisées, le gouvernement avait fait le choix de faire passer ce fonds de 780 millions à 1 milliard d'euros (au lieu de l'objectif de 2% des ressources fiscales des communes et intercommunalités programmé par la loi de finances pour 2012, soit 1,150 milliard d'euros). Faut-il en rester là malgré le report de la mise en œuvre de la réforme de la DGF ou respecter la loi de finances pour 2012 ? "Nous poserons la question en arbitrage", mais celle-ci "demeure ouverte", a déclaré la ministre en charge de la Décentralisation.
De son côté, Christine Pires Beaune, rapporteure de la mission "Relations avec les collectivités territoriales", a tranché. Elle a préparé un amendement qui met en œuvre pour 2016 la trajectoire prévue (1,150 milliard d'euros). Quant au président de la commission des finances, il réclame la reconduction du montant de cette année (780 millions d'euros).
La commission des finances s'est refusée mercredi matin à donner son avis dès cette semaine sur une grande partie de ce sujet. Elle a seulement adopté un amendement qui prive de versements du Fpic les communes qui en auraient droit, mais qui ne respectent pas leurs obligations de construction de logements sociaux. Sur les 218 communes qui font l'objet d'un arrêté de carence, seules "quelques communes" seraient concernées, selon Christine Pires Beaune, l'une des auteurs de l'amendement.
Mardi soir, la commission des lois avait choisi de se saisir de la question du Fpic sans attendre. Elle a adopté un amendement qui atténue sa progression (850 millions d'euros en 2016) pour accompagner un recentrage des prélèvements sur les ensembles intercommunaux les plus riches (ceux dont le potentiel financier agrégé est supérieur à 100% du potentiel financier agrégé moyen national par habitant). La question de la conformité de la disposition à la Constitution est toutefois posée, si l'on en croit la ministre en charge de la Décentralisation.
Sur le Fpic, la commission des lois a adopté une série d'autres amendements. L'un, signé par Olivier Dussopt, apporte une solution à la situation des communes pauvres qui, du fait de leur appartenance à des territoires riches, sont contributrices au titre du Fpic. Un autre fait des futurs établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris (c'est-à-dire des sous-ensembles regroupant au moins 300.000 habitants) le niveau de détermination des contributions ou versements au titre du Fpic. "Le calcul des contributions à l’échelle de la métropole du Grand Paris risque de limiter la contribution du territoire le plus riche de France à la solidarité nationale", lit-on dans l'exposé des motifs.
Les communes nouvelles
En début de semaine prochaine, les députés se pencheront aussi sur la question des incitations financières pour la création des communes nouvelles. Alors que celles-ci doivent prendre fin le 31 décembre prochain, de nombreux parlementaires plaident en faveur d'un délai supplémentaire. Le président de la commission des lois du Sénat a déposé récemment une proposition de loi censée donner réalité à cette demande. Mais la question pourrait être réglée dans le PLF. Christine Pires Beaune devrait proposer en séance que les communes nouvelles créées au plus tard le 30 juin 2016 pourront encore bénéficier d'un coup de pouce financier, à condition que les conseils municipaux aient délibéré au plus tard le 31 mars 2016.
L'esprit de cette disposition est de ne pas exclure du bénéfice des incitations financières les "projets qui ont déjà émergé". Autrement dit, il ne s'agit pas d'ouvrir trop grand la porte, alors que, rappelons-le, les incitations financières perçues par les communes nouvelles seront financées par les autres communes.
Selon un relevé effectué par l'Association des maires de France, à ce jour 54 communes nouvelles, regroupant 242 communes, devraient voir le jour. Cependant, 437 projets ont encore besoin de temps pour approuver un projet de regroupement.
La proposition de Christine Pires Beaune semblait, ce 5 novembre, faire consensus au sein de la commission des finances. Les députés pourraient aussi décider de limiter certains effets d'aubaine permis par les règles actuelles et de mettre fin à des anomalies (a été cité le cas des communes nouvelles qui perdent le bénéfice des incitations financières si une commune les rejoint ultérieurement à leur création).
Mercredi soir, le secrétaire d'Etat en charge de la Réforme territoriale avait déclaré que le gouvernement serait "très ouvert aux amendements".
Le taux de cotisation au CNFPT
Les commissions des finances et des lois ont adopté des amendements sur divers sujets. Parmi ceux-ci, l'un concerne le taux de cotisation dû au CNFPT par les collectivités. Adopté par la commission des lois, il prévoit le maintien du taux actuel. Lors de son audition par les députés mercredi soir, Marylise Lebranchu avait continué à défendre la baisse des cotisations dont bénéficie l'établissement, afin que soit réduit son excédent. Elle a aussi confirmé vouloir s'attaquer au "très fort fonds de roulement" des centres de gestion de la fonction publique territoriale. Ses services préparent une mesure censée intégrer une proposition de loi sénatoriale sur les centres de gestion.
Thomas Beurey / Projets publics
Fiscalité locale : les articles non rattachés amendés en commission
Revalorisation des valeurs locatives
Les députés de la commission des finances ont voté le 4 novembre un article additionnel revalorisant de 1% les valeurs locatives servant de base aux impositions directes locales. Cet amendement du député PS Dominique Baert a été voté dans le cadre de l'examen des articles "non rattachés" de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2016. Le projet de budget ne "prévoyait aucune actualisation de ces valeurs locatives", selon Dominique Baert, qui a retenu un taux de 1%, c'est-à-dire le chiffre de la prévision d'inflation pour 2016.
L'exercice est désormais classique : chaque année depuis 2007, les revalorisations des valeurs locatives ne sont pas intégrées dans le projet de budget initial mais introduites par amendement. Comme de coutume, le gouvernement "s'en remettra à la sagesse" des parlementaires, a indiqué le secrétaire d'Etat André Vallini. Il y a un an, cette revalorisation des bases, pour 2015, avait été fixée à 0,9%. La hausse retenue pour 2016 repose sur des prévisions encore plus "optimistes" par rapport à l'inflation et devrait donner un petit coup de pouce au produit des taxes locales.
Fiscalité des régions
Un amendement adopté en commission des finances vise à "permettre aux exécutifs régionaux de définir début 2016 un niveau de réfaction et de majoration de
TICPE applicable, pour les régions fusionnées, sur l’ensemble du nouveau territoire régional".
Un autre – cosigné par Alain Rousset - vise la
taxe sur les cartes grises : il vise à rétablir la possibilité pour les futurs exécutifs régionaux de voter une hausse de taux début 2016, alors que le PLF prévoyait un gel. Dans le même esprit, un troisième amendement prévoit de "rétablir la possibilité pour les nouveaux exécutifs des régions regroupées de voter un taux de
taxe sur les permis de conduire et ce jusqu’à la date d’adoption du budget autorisée par la loi NOTRe".
Maisons de santé
Plusieurs amendements déposés et votés en commission des finances concernent les maisons de santé pluriprofessionnelles et, plus précisément, le soutien que les communes apportent à ces projets. Il s'agit notamment de prévoir une exonération permanente de taxe foncière et/ou de taxe d'aménagement "dans le cas où les revenus tirés de l’exploitation de l’immeuble servent exclusivement au remboursement des frais de construction et fonctionnement des maisons de santé".
Fiscalité des entreprises
Parmi les ajustements acceptés en commission, plusieurs concernent la cotisation foncière des entreprises. Par exemple : étendre aux groupements de Scop la possibilité d'être exonérés de CFE ; étendre aux activités artisanales l’exonération de CFE dans les territoires en difficulté (exonération qui ne s'applique aujourd'hui qu'aux entreprises exerçant une activité commerciale).
Quartiers prioritaires
Il a été proposé de modifier à la marge la loi Lamy de février 2014 sur la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville, sachant que l'un de ses décrets d'application précise que "lorsque la limite d’un quartier correspond à une voie publique, elle est réputée suivre l’axe central de cette voie". Désormais, cette limite serait réputée "inclure les immeubles élevés en chacune des bordures de cette voie". Ceci afin de "remédier aux inégalités de traitement qui en découlent selon que les contribuables résident d’un côté ou de l’autre d’une même rue" en termes d'exonérations fiscales et sociales.
Lofts & co…
Deux amendements concernent la transformation de locaux professionnels en logements. L'un entend inciter à la conversion de bureaux vacants ou obsolètes en logements en compensant partiellement le surcoût lié aux travaux de transformation, sous la forme d'une exonération de taxe foncière de cinq ans (sur délibération de la collectivité concernée). L'autre tend à réactiver une mesure déjà proposée en 2008 : créer un abattement de 30% sur la valeur locative des lofts créés dans des friches industrielles ou commerciales. "Alors même que dans des villes ou des quartiers sinistrés économiquement, réutiliser les friches et recréer une mixité sociale n’est pas aisé, cet abattement est un instrument utile et incitatif", justifie son auteur, Dominique Baert.
Fontaines
Deux amendements concernent, en termes de taxes et redevances, les fontaines publiques "qui avaient pour vocation première de fournir de l’eau potable à la population, font partie du patrimoine culturel des communes de montagne et participent de leur attrait touristique".
Claire Mallet