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Dépendance - Dix ans d'aide sociale aux personnes âgées : quatre fois plus de bénéficiaires

Une étude de la Drees analyse l'aide sociale des départements aux personnes âgées dépendantes sur 2001-2010. La montée en charge spectaculaire de l'APA domine la décennie. D'autres prestations sont aussi passées au crible : aide ménagère, aide sociale à l'hébergement. L'écart des dépenses par bénéficiaire entre départements a tendance à se resserrer.

La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) des ministères sociaux publie, dans sa série "Dossiers solidarité et santé", une étude détaillée sur "Une décennie d'aide sociale des départements aux personnes âgées dépendantes (2001-2010)".
De ce document d'une trentaine de pages, on retiendra en premier lieu une information : au cours de cette décennie, le nombre de personnes âgées dépendantes prises en charge au titre de l'aide sociale des départements est passé de 370.000 à environ 1.350.000, soit une multiplication par 3,65. Cette envolée s'explique essentiellement par la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), entrée en vigueur le 1er janvier 2002.
Cette forte hausse du nombre de bénéficiaires s'est accompagnée d'une progression légèrement plus faible des dépenses d'aide sociale correspondantes. Celles-ci sont en effet passées de 2,81 milliards d'euros de dépenses brutes en 2001 à 8,12 milliards en 2012, soit une multiplication par 2,88 (ramenée à une hausse de 150% en euros constants). En 2012, le montant net des dépenses d'aide sociales en faveur des personnes âgées s'établit ainsi à 6,89 milliards d'euros, déduction faite des recours et des récupérations.

L'étude de la Drees livre de nombreux autres enseignements

Encore marginale au début de la dernière décennie, l'aide sociale aux personnes âgées concerne ainsi une part croissante de la tranche d'âge. La proportion de bénéficiaires est ainsi passée de 3% de la population âgée de 60 ans à plus à 9,2% en 2010 et, parmi la population âgée de 75 ans et plus, de 8,3% à 23,8%.
De même, il apparaît que les dépenses en établissement (la prise en charge des frais d'hébergement en Ehpad) et à domicile ont connu une évolution différente au cours de la période. Ainsi, la dépense brute moyenne d'aide à domicile par personne âgée a assez fortement décru entre 2002 et 2006 (entre -4,9% et -10,1% par an, en euros constants), sous l'effet de la montée en charge de l'APA à domicile (et notamment du GIR 4, qui donne lieu à une APA de faible montant). Elle s'est ensuite stabilisée jusqu'en 2010. A cette date, la dépense brute moyenne est de 4.817 euros par personne âgée bénéficiaire. Pour sa part, la dépense brute par bénéficiaire en établissement a fortement décru entre 2001 et 2003, puis connaît une hausse modérée depuis 2006.
Autre évolution contrastée - mais sans grand surprise - : celle de la part respective des différentes prestations. Avec 1,16 million de bénéficiaires en 2010, l'APA s'est, bien entendu, imposée comme la principale prestation. A l'inverse, le nombre de bénéficiaires et le montant des dépenses d'aide ménagère sont en diminution constante sur la période. Il s'agit là d'une tendance de fond : le nombre de bénéficiaires de l'aide ménagère versée par les départements ne cesse de diminuer depuis le milieu des années 1980, principalement du fait de l'élévation du niveau de vie des personnes âgées (-6% par an entre 1992 et 2000). Et cette baisse s'accélère nettement avec la mise en place de l'APA (entre -10,4% et -19,4% par an sur la période 2001-2006). La dépense totale diminue fortement (de 139 millions d'euros en 2001 à 82 millions en 2010), mais le montant par personne progresse de 12,4% par an en moyenne sur la période (en euros constants), passant de 2.183 euros à 3.734 euros par personne.

Des pratiques différentes selon les départements

De son côté, le nombre de bénéficiaires d'aide sociale à l'hébergement (ASH) varie peu sur la décennie : 120.000 personnes en 2001 et un peu plus de 119.000 en 2010, soit moins de 1% de la population âgée de 60 ans ou plus et 2,1% de celle âgée de 75 ans ou plus. Les dépenses nettes progressent toutefois sur la période, en euros constants, de 893 millions d'euros à 1,15 milliard. La dépense nette par bénéficiaire passe d'environ 7.500 euros à 9.600 euros par an.
En matière d'ASH, l'étude de la Drees révèle aussi des pratiques différentes entre départements. Ainsi, en 2010, près de la moitié des départements métropolitains payent systématiquement aux établissements - tous statuts juridiques confondus - la totalité des frais d'hébergement des bénéficiaires de l'ASH, y compris la participation de ces derniers, récupérée par la suite. A l'inverse, 13% des départements ne s'acquittent que du différentiel des frais d'hébergement, déduction faite de la participation des bénéficiaires. De même, 86% des départements tiennent systématiquement compte des frais relatifs à la dépendance en GIR 5 et 6 dans le montant de l'ASH, tandis que 11% ne le font jamais. En matière de calcul de la participation des bénéficiaires, seuls 76% des départements déduisent de la participation de ces derniers certaines charges comme les frais de tutelle, de mutuelle ou d'assurance. En revanche, la quasi-totalité (98%) des départements recourent systématiquement à l'obligation alimentaire, les 2% restants la pratiquant de façon non systématique. De la même façon, 96% des départements utilisent systématiquement le recours sur succession, tandis que 4% le font de façon non systématique.

Une "certaine convergence" des dépenses par bénéficiaire

La dernière partie de l'étude est consacrée à l'évolution des dépenses d'aide sociale aux personnes âgées, très variable selon des départements. La Drees relève toutefois que "la tendance générale est à une certaine convergence des dépenses par bénéficiaire : les départements qui étaient les plus dépensiers en 2002 ont connu, en euros constants, une évolution négative relativement marquée jusqu'en 2009, alors que les moins dépensiers au départ ont, à l'inverse, connu une croissance de leurs dépenses". Le Nord, par exemple, qui affichait une dépense par bénéficiaire d'environ 7.600 euros en 2002, a vu celle-ci décroître, en euros constants, de 38,7% entre 2002 et 2009. La même tendance, mais moins prononcée, s'observe aussi en région parisienne.
Cette - relative - convergence sur la dépense moyenne par bénéficiaire n'empêche pas que "les évolutions des dépenses départementales d'aide sociale aux personnes âgées suivent des mouvements très divers en fonction des départements considérés". A ces écarts géographiques s'ajoute en outre un écart temporel, avec deux périodes assez tranchées au cours de la décennie : "l'absorption du choc de l'APA" entre 2002 et 2005 environ et une seconde période (2006-2009) correspondant à la fin de la montée en charge de cette prestation.
Au final, l'étude relève que les dépenses d'aide sociale sont surtout fonction du nombre de bénéficiaires - ce qui n'est pas vraiment une surprise -, mais aussi du "niveau de vie des départements". Grâce à un modèle de régression en données de panel - que le lecteur aura tout loisir de décrypter en annexe de l'étude -, la Drees observe que "le niveau de vie des ménages influe significativement sur le niveau des dépenses d'aide sociale par habitant : plus les personnes âgées sont pauvres (ce qui est mesuré par la part de personnes âgées de plus de 65 ans bénéficiaires du minimum vieillesse), plus les dépenses augmentent, conséquemment à la diminution de la part que doivent payer les personnes âgées pour l'APA (ticket modérateur) ou, a posteriori, l'ASH (récupérations sur les successions moindres)". Le lien n'est toutefois pas si simple, puisque le niveau de vie médian du département est aussi corrélé positivement à la dépense d'aide sociale, ce qui renvoie aux marges de manœuvre supérieures dont disposeraient les départements les plus riches à travers les différents impôts locaux.