Politiques jeunesse : l'Inspection générale des finances propose des pistes d'économies
Depuis 2017, les ministères de l'Éducation nationale et de la Jeunesse et de l'Enseignement supérieur ont "joui de moyens en sensible augmentation". Le rapport de l'IGF préconise des pistes d'économies : ajustement des taux d'encadrement dans les écoles, collèges et lycées ; relèvement des seuils de dédoublement des classes de niveau en REP et REP+ ; réorganisation territoriale qui pourrait mener à la fermeture de 1.925 écoles et 33 collèges... Ces pistes de travail "devront être confrontées avec les réalités de terrain".
Pour le ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, les dépenses en faveur de la jeunesse s'élèvent à 80 milliards d'euros par an. "L'enjeu démographique est au cœur de la politique d'encadrement des élèves, mais il ne se traduit que partiellement dans les effectifs enseignants", estime la mission menée par l'IGF et l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) dont le rapport ("La revue de dépenses") a été publié le 4 septembre 2024. A cette occasion, la mission rappelle la priorité accordée au premier degré de l'enseignement scolaire, notamment à travers le dédoublement de certaines classes en éducation prioritaire, qui s'est traduit par la création de 16.686 équivalents temps plein (ETP). Ainsi, les dépenses d'éducation ont progressé de +9% dans le premier degré et la revalorisation des traitements de l'ensemble des personnels de l'Éducation nationale depuis 2017 représente plus de 4 milliards d'euros de dépenses annuelles, souligne le rapport. A noter que la contribution des collectivités territoriales aux dépenses en faveur de la jeunesse et de l'éducation était en dehors du périmètre de la mission.
Des modélisations de répartition des moyens
La mission a donc proposé des "modélisations de répartition des moyens de l'enseignement scolaire en tenant compte des caractéristiques des écoles et des établissements mais aussi des évolutions démographiques à horizon 2027". Ces travaux prennent en compte "les taux d'encadrement existants, les contraintes de maillage territorial et les besoins différenciés selon la situation sociale des élèves, à travers l'indice de position sociale (IPS)", détaille le rapport. Elle constate que les moyens de ces ministères "ont sensiblement augmenté, au-delà des seuls effets techniques relatifs à l'évolution de la masse salariale". "Ces moyens se sont déployés sans que les évolutions démographiques de la population des personnes de moins de 30 ans soient pleinement prises en compte", souligne la mission. "Ainsi, les effectifs scolaires ont diminué de 231.000 élèves entre 2017 et 2024, tandis que les effectifs de l'enseignement supérieur ont crû de 245.000 étudiants entre 2017 et 2022."
Rationalisation du nombre de classes
La première piste consiste à ajuster les taux d'encadrement dans les écoles, collèges et lycées présentant des caractéristiques similaires. En identifiant des niveaux de classes "surdotés", une fermeture de 360 à 600 classes pourrait être envisagée, particulièrement dans les niveaux CP et CE1 des zones urbaines denses, y compris en REP et REP+. Cette rationalisation permettrait "d'harmoniser l'encadrement et de réduire les disparités entre établissements tout en optimisant les moyens humains et matériels", estime la mission.
Relèvement des seuils de dédoublement en REP et REP+
Une autre recommandation de la mission est de relever les seuils de dédoublement des classes de niveau CP, CP-CE1 et CE1 en REP et REP+. Si on augmente le nombre d'élèves par classe dans les niveaux CP, CE1 et CP-CE1, cela entraînera la fermeture de classes à des proportions différentes selon le seuil choisi. Concrètement, si on fixe la limite à 13 élèves par classe, 117 classes fermeront. En passant à 14 élèves, 377 classes seront concernées. Pour 15 élèves, ce chiffre monte à 839 classes fermées, à 1.548 pour 16 élèves et enfin à 2.359 classes si le seuil est fixé à 17 élèves. Cela toucherait respectivement environ 3 %, 10 %, 20 %, 34 %, et 47 % des écoles. Les académies qui seraient les plus concernées par une telle réforme sont la Guyane, Montpellier, Reims, Toulouse, Versailles et Lyon, en milieu urbain et en réseau d'éducation prioritaire renforcée.
Réorganisation territoriale des écoles et collèges
Enfin, le rapport propose une réorganisation territoriale qui s'appuie sur la démographie scolaire pour ajuster l'offre éducative aux besoins réels des territoires. Ce scénario pourrait mener à la fermeture de 1.925 écoles (soit 4% du total ) et 33 collèges (soit 0,5 % du total), représentant une redistribution de 4.927 et 763 ETP respectivement. Cette approche vise à réduire les disparités territoriales en ajustant le maillage des établissements en fonction des effectifs et des temps de trajet des élèves. Ces pistes de travail "à disposition du ministère de l'Education nationale" devront être confrontées avec les réalités de terrain", souligne la mission citant la gestion des ressources humaines, les contraintes immobilières ou d'aménagement du territoire….
Pass Culture, SNU, repas à 1 euros
Enfin, en dehors du champ de l'enseignement scolaire et de l'enseignement supérieur, les nouveaux dispositifs tels que le Pass Culture, le service national universel, les repas à 1 euros proposés par les Crous ou encore le plan "1 jeune, 1 solution", représentent une enveloppe de plus de 10 milliards d'euros. Dans les différents cas-type étudiés par la mission, celle-ci estime "le bénéfice cumulé de ces dispositifs comme pouvant théoriquement atteindre jusqu'à plus de 10.000 euros pour une même personne, sur une durée de 5 ans, de 14 à 18 ans". Pour la mission, "la cohérence et l'articulation de ces dispositifs entre eux ne parait pas évidente".
Anticipant les résistances des collectivités territoriales, la mission rappelle que la direction générale de l'enseignement scolaire "applique un taux de reprise démographique (1) inférieur à 100 %" qui vise à "tenir compte des rigidités locales à l'application du schéma d'emploi". Comprenez le refus des collectivités territoriales ou l'opposition locale à la fermeture d'une classe, le souhait politique de maintenir des écoles et établissements de petite taille (classe entre 5 et 10 élèves) sur des zones géographiques isolées (par exemple les zones de montagne, les îles du Ponant, etc.).
(1) La baisse de la démographie scolaire entraine des "gains démographiques", susceptibles de se traduire dans les lois de finances par des schémas d'emplois négatifs pour maintenir un niveau d'encadrement constant. Le taux de "reprise démographique" correspond au taux de suppression des emplois liés directement à la prise en compte de la baisse démographique des élèves.