Éducation dans les territoires : Nicole Belloubet annonce sa feuille de route
Le remaniement de la carte scolaire, notamment dans les zones rurales et en REP, figure sur la feuille de route de la nouvelle ministre de l'Éducation nationale. Nicole Belloubet entend s'emparer des sujets délicats tout en faisant preuve de prudence dans ses annonces.
"Je souhaite que nous puissions conforter l'accès de tous à l'école, quelle que soit sa situation ou le territoire où l'on vit." Voilà comment, six semaines après sa nomination au ministre de l'Éducation nationale, Nicole Belloubet a résumé sa feuille de route devant la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, le 27 mars 2024. Et pour assurer la présence des écoles dans les territoires, la ministre a détaillé son ambition sur la carte scolaire, tant dans les territoires ruraux que pour les réseaux d'éducation prioritaire (REP).
La question de la carte scolaire, la ministre l'a abordée en premier lieu sous l'angle de la ruralité et pour souligner que le gouvernement y était attentif. "Bien entendu, quand on regarde les chiffres facialement [sic], il y a beaucoup plus de postes laissés dans les territoires que la baisse de la démographie l'exigerait. Les choses ne sont pas que mécaniques. Lorsque nous travaillons sur l'attribution ou le retrait de postes en milieu rural, nous ne sommes pas guidés que par les critères démographiques. Nous appliquons également des indices d'éloignement, de position sociale. Je souhaite que nous mettions en place un processus un peu différent pour les années à venir."
Pour une cohérence politique de l'État
Puis Nicole Belloubet a rappelé les engagements de l'ancienne Première ministre Élisabeth Borne à l'occasion du lancement du plan Ruralité : "Il faut évidemment que nous puissions donner aux élus et aux écoles une visibilité au moins sur trois ans. Je souhaite qu'il y ait un véritable dialogue sur les territoires et que nous puissions étudier la cohérence politique de l'État. J'ai du mal à comprendre que là où le préfet décide de faire une opération de revitalisation du centre-ville, nous procédions à un retrait de moyens. Et il faut évidemment que nous puissions présenter cette cohérence aux élus locaux." Le dispositif visant à s'appuyer sur une réflexion sur trois ans devrait être, selon le vœu de la ministre, généralisé dès l'année prochaine.
En matière de ruralité, la ministre entend enfin étoffer l'"offre scolaire". "Parfois [le manque d'offres] peut conduire à une autocensure des jeunes et induire des choix d'orientation par défaut", a-t-elle déclaré.
S'attaquer enfin à la carte des REP
Pour les REP, la nouvelle ministre a répété à plusieurs reprises que ce dossier faisait bien partie de ceux que lui a confiés le Premier ministre dans sa lettre de mission et qu'il n'était pas question qu'elle s'y dérobe. Nicole Belloubet a ainsi assuré qu'elle travaillerait la "cartographie" des REP sans toutefois préciser quand elle le ferait. Elle a néanmoins rappelé que "personne n'a jamais osé s'y attaquer, personne n'a embrassé le problème tant il est délicat". Selon elle, "beaucoup souhaiteraient entrer dans les dispositifs d'éducation prioritaire mais peu souhaitent en sortir".
Ne pas rallumer la guerre scolaire
Plus généralement, Nicole Belloubet a mis en avant sa volonté de "conduire une véritable politique de mixité scolaire". C'est ainsi que les réflexions sur les questions d'affectation et de sectorisation vont continuer. Mais la ministre s'est dite "prudente" sur ce dossier, assurant qu'"il n'y a que des preuves de traduction de cette politique". Elle a donc promis une prochaine évaluation du protocole d'accord signé en mai 2023 avec le Secrétariat général de l'enseignement catholique (SGEC), lequel avait suscité une vague de déception chez les élus locaux qui lui reprochaient le manque de mesures contraignantes pour tenter de rééquilibrer la part entre enfants issus de milieux favorisés et enfants issus de milieux défavorisés au sein des établissements privés (lire notre article du 22 mai 2023).
Et alors que le rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur le financement public de l'enseignement privé sous contrat doit être rendu la semaine prochaine, Nicole Belloubet a conclu en assurant ne pas vouloir "rallumer la guerre scolaire".
Selon les dernières prévisions publiées par la Depp (direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'Éducation national), les effectifs scolaires devraient continuer de baisser tant dans le premier que dans le second degré durant les années 2024 à 2028. Dans le premier degré, le nombre d'élèves devrait s'établir à 6.273.000 à la rentrée 2024, soit une baisse de 66.900 élèves, moins importante que celle enregistrée entre les rentrées 2022 et 2023 (-82.900 élèves). À l'horizon 2028, la Depp attend 346.800 élèves en moins, ce qui ferait passer les effectifs du premier degré sous la barre des 6 millions d'élèves (5.993.100). Ces prévisions reposent principalement sur les évolutions démographiques. En ce qui concerne le second degré, la Depp annonce une baisse des effectifs d'abord faible en 2024 et 2025, puis plus forte à partir de 2026. En 2028, selon les scénarios retenus, le nombre d'élèves devrait osciller entre 5.506.000 et 5.547.000 contre 5.627.900 à la rentrée de 2023. Les variations attendues dans le second degré sont liées à la démographie, mais elles vont aussi dépendre de la mise en œuvre de la réforme du "choc des savoirs", laquelle devrait notamment engendrer une augmentation du taux de redoublement. La Depp estime donc qu'"il n'est pour le moment pas possible d'en mesurer précisément l'impact sur les effectifs du second degré". |