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Education - Discriminations à l'école : la violence cachée

"Le but, c'est que nous ayons une vraie réflexion sur ce sujet, parce que c'est un sujet tabou, on n'avait pas le droit d'en parler", a déclaré ce 29 mars sur RTL le ministre de l'Education nationale. Luc Chatel s'exprimait sur l'objectif du conseil scientifique sur les discriminations sociales (en particulier la lutte contre le harcèlement scolaire) qu'il vient d'installer à la suite de l'enquête menée par l'Observatoire international de la violence à l'école, rendue publique la veille. Le ministre montre par cette initiative qu'il prend très au sérieux la situation de ces 11% d'élèves du cycle 3 (âgés de 8 à 12 ans) qui se disent "plutôt mal à l'aise" ou "pas du tout à l'aise" à l'école. Certes, l'étude faite entre 2009 et 2010 pour le compte de l'Unicef révèle que 89% d'entre eux (sur un échantillon de 12.326 élèves de 157 écoles dans 10 académies) se disent "tout à fait bien "ou "plutôt bien" à l'école, mais 11,7% d'enfants y subissent un harcèlement moral et physique récurrents. Le malaise de ces enfants provient essentiellement de victimisations répétées telles : un harcèlement verbal (pour 14% des élèves), physique (10%), des insultes et des mises à l'écart (respectivement pour 25% et 14% d'entre eux), des violences physiques (qui touchent plus largement les garçons, 17% disent avoir été frappés par d'autres élèves souvent ou très souvent), mais aussi sexuelles qui revêtent différentes formes d'humiliations entre pairs (20% forcés d'embrasser un autre élève, 14% forcés de se déshabiller, 20% regardés aux toilettes), sans oublier la victimisation par les adultes avec 13% des répondants qui estiment avoir été rejetés par un enseignant, même si l'enquête souligne "un véritable plébiscite en faveur des enseignants" avec plus de 89% d'enfants qui estiment ces relations "très bonnes" ou "bonnes". "Chaque petite agression a peu d'importance prise isolément, mais c'est la répétition qui fait que la situation devient grave (…). Il n'y a pas de sentiment général d'insécurité à l'école. Mais il ne faut pas non plus minimiser le problème", a expliqué Eric Debarbieux, spécialiste des violences scolaires, directeur de l'observatoire et auteur du rapport.

Miser sur les programmes de prévention précoce du harcèlement

Car les conséquences du harcèlement chez l'enfant, comme le résume le rapport, sont connues : décrochage scolaire, absentéisme, perte d'estime de soi, tendances dépressives... pouvant dans certains cas mener "à une carrière sinon délinquante du moins violente". Si l'étude admet à travers le regard des enfants "qu'il demeure une grande solidité de l'école élémentaire y compris dans les quartiers sensibles, où il n'y a pas plus de harcèlement qu'ailleurs", il est primordial de ne pas laisser de côté cette minorité d'élèves assez importante qui souffrent au quotidien dans les écoles de la République. Nul doute que devront être passés à la loupe les dispositifs mis en place dans d'autres pays européens confrontés à la violence scolaire et au harcèlement (Grande-Bretagne, pays scandinaves, Espagne), mais aussi les Etats-Unis (où une campagne nationale va être lancée contre le harcèlement) : avec entre autres des politiques publiques de lutte contre le harcèlement, une meilleure information et formation du cadre enseignant, une sensibilisation à la violence scolaire à travers l'implication des médias, des enfants...
L'étude insiste sur une politique préventive "gage d'une intelligence politique et économique": "centrer la lutte contre la violence à l'école par une action en profondeur sur le harcèlement entre pairs est primordial" en prévenant qu'il ne faut surtout pas confondre "prévention précoce et répression précoce".