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Education - Etats généraux de la sécurité à l'école : entre pédagogie et sécuritaire

Le ministre de l'Education nationale a présenté ce jeudi lors de son discours de clôture des Etats généraux de la sécurité à l'école, qui se sont ouverts hier à la Sorbonne à Paris, les grandes orientations qu'il souhaite mettre en œuvre dans les mois à venir pour faire reculer la violence au sein des établissements scolaires. "La lutte contre les violences en milieu scolaire va passer par le renforcement de la formation des enseignants, de la sécurité pour les établissements difficiles et par une réforme du dispositif de sanctions", a ainsi annoncé Luc Chatel.
 

Renforcement de la sécurité pour les établissements difficiles

"Je souhaite doubler les effectifs des équipes mobiles de sécurité [équipes mixtes composées de personnels éducatifs, policiers et gendarmes, NDLR] dans les académies les plus exposées à la violence [actuellement il y a une équipe de sécurité mobile par académie] et des expérimentations seront faites dans une centaine d'établissements dès la rentrée 2010 pour permettre aux chefs d'établissements de choisir leurs équipes et de disposer des moyens pour attirer les professeurs déterminés à relever ce défi. Un 'préfet des études' sera nommé par niveau. Il aura l'entière responsabilité sur le plan pédagogique et éducatif dans le champ de la vie scolaire." Une mesure saluée par M. Debarbieux, président du conseil scientifique chargé de la préparation de ces Etats généraux, qui permettra de déroger au principe national de nomination des enseignants, puisque le chef d'établissement pourra choisir ses équipes. "Ca ne va pas être simple à gérer, y compris avec les syndicats", at-il néanmoins commenté.
Luc Chatel a aussi annoncé son intention de substituer aux différents dispositifs existants "une nouvelle cartographie des établissements concentrant le plus de difficultés sur le front du climat et de la violence". Dans ce cadre, il a annoncé la création d'un "nouveau programme centré sur l'ambition, l'innovation et la réussite", qui pourrait s'appeler Clair (collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite). Ce programme pourra être expérimenté à la rentrée 2010 dans une centaine d'établissements situés dans les académies les plus exposées à la violence, avant d'être généralisé en 2011.
Le ministre a également émis, lors de son discours de clôture, son souhait de revoir le dispositif statistique actuel de mesure des faits de violences. "Je suis ministre de l'Education nationale depuis dix mois et je suis un peu effrayé de voir le peu d'indicateurs, le peu d'outils dont je dispose en matière de mesure de la violence scolaire", avait déclaré Luc Chatel en marge des Etats généraux devant la presse il y a quelques jours. L'actuelle enquête annuelle et nationale Sivis (Système d'information et de vigilance sur la sécurité scolaire) va devenir trimestrielle à la rentrée 2010 et va intégrer de "nouveaux indicateurs" et être déclinée d'abord "au niveau départemental", a déclaré le ministre.


Une réforme du dispositif de sanctions

Quant aux sanctions, si Luc Chatel a émis le souhait que soit rédigée une charte de bonnes pratiques déclinée dans les règlements intérieurs afin de renforcer le thème du "mieux vivre ensemble", il a insisté pour "rendre à l'exclusion son caractère exceptionnel" et avoir ainsi "des sanctions plus graduées en renforçant la place des travaux d'intérêt général". Il souhaite "instaurer une motivation écrite et une explication orale" et tenir le conseil de discipline à l'extérieur de l'établissement.
Le ministre a également insisté pour que les parents soient responsabilisés tout en n'excluant pas la suppression des allocations familiales "dans les cas les plus flagrants".


Renforcement de la formation des enseignants

"Je souhaite renforcer la formation des professeurs dès la rentrée 2010, en termes de gestion des conflits, de tenue de classe et de formation continue." Chaque étudiant en master (la réforme en cours de la formation des enseignants, dite "masterisation", demeure vivement critiquée par le monde éducatif) qui prépare les concours d'enseignants "bénéficiera d'une formation spécifique à la gestion des conflits et à la prévention de la violence". Et d'annoncer que "chaque professeur nouvellement recruté suivra lors de son année de stage un module de formation sur la tenue de classe". Concernant la formation continue, Luc Chatel a annoncé qu'il souhaitait "concevoir un plan national", au sein duquel "les établissements les plus exposés aux situations de violence se verront proposer des formations sur site à destination de l'ensemble de leurs personnels".


Conférence nationale sur les rythmes scolaires

Parallèlement à ces dispositions, et afin de répondre à la demande de plusieurs acteurs de l'éducation (fédération de parents d'élèves, enseignants…), Luc Chatel a annoncé lors de cette clôture qu'il souhaitait la réunion d'une conférence nationale sur les rythmes scolaires afin de débattre sur la fameuse remise en question de la semaine des quatre jours en primaire.

 

Les réactions aux Etats généraux ne se sont pas fait attendre. Si la promesse d'une conférence nationale sur les rythmes scolaires a satisfait, entre autres, Jean-Jacques Hazan, président de la FCPE, ce dernier regrette, à l'instar d'autres intéressés, que le discours du ministre de l'Education soit en décalage avec les Etats généraux. "Je suis déçue. Les déclarations du ministre sont en décalage avec ce qui s'est passé aux Etats généraux. Luc Chatel parlait mercredi de ne pas opposer le tout-sécuritaire au tout-pédagogique, il a choisi le sécuritaire", a déclaré de son côté Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU. Pour Antoine Evennou, président de l'UNL (Union nationale lycéenne), "les conclusions sont totalement à l'inverse de ce qu'on attendait à l'issue des ateliers. Le ministre a eu un discours sécuritaire. La communauté éducative ne s'y retrouve pas." Exprimant sa colère et sa consternation devant "cette mascarade", la Fidl (Fédération indépendante et démocratique lycéenne) invite quant à elle les lycéens "à descendre dans la rue pour faire entendre [leur] colère dès le mardi 13 avril".

De son côté, Eric Debarbieux s'est félicité jeudi des "avancées" gouvernementales. Que se soit sur la violence quotidienne, sur la formation des enseignants à la gestion des conflits et la gestion de la classe, sur les équipes nommées dans les établissements difficiles par le chef d'établissement, le président du conseil scientifique a eu l'impression d'être entendu. En reconnaissant que pour l'ensemble des mesures, "la mise en musique sera peut-être un petit peu longue et compliquée".
Enfin, le ministre a précisé qu'un comité de pilotage coprésidé par Eric Debarbieux et Jean-Michel Blanquer, directeur général de l'enseignement scolaire, sera chargé de "préparer, suivre et évaluer la mise en œuvre de ces orientations". Un premier rendez-vous de suivi a été fixé au mois d'octobre prochain.

 

Sandrine Toussaint

 

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