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Différenciation territoriale et transition écologique : les principales modifications votées par le Sénat

Au cours de trois jours de discussions, du 7 au 9 juillet, le Sénat a examiné dans l'hémicycle les deux premiers titres du projet de loi dit "4D", ou "3DS" (comme différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification de l'action publique locale). Au total, 14 articles qui portent sur la différenciation territoriale, le pouvoir réglementaire local, la démocratie locale, ou encore les compétences des collectivités territoriales en matière de transports. Le point sur les principales évolutions que la Haute Assemblée a apportées à cette partie du texte.

  • Différenciation territoriale

Les sénateurs ont réécrit le premier article pour préciser que la différenciation est un objectif que s’applique le pouvoir législatif et qui s’impose au pouvoir réglementaire, mais dans le respect du principe d’égalité, pour la prise en compte des différences de situations existant entre collectivités d’une même catégorie. Ils ont aussi créé une procédure d’application du principe de différenciation, pour que celui-ci "ne reste pas lettre morte".

  • Pouvoir réglementaire local

Le projet de loi renforce le pouvoir réglementaire local, en confiant aux assemblées locales le soin de déterminer les modalités de mise en œuvre de certaines mesures qui aujourd'hui sont précisées par décret. Le Sénat a étendu la réforme à de nouveaux domaines. Les sénateurs ont ainsi décidé que les conseils régionaux fixeront par délibération le nombre minimal d’emplacements de vélos dans les trains express régionaux. En commission, ils avaient déjà élargi le pouvoir réglementaire local dans le domaine social. Ils avaient par exemple autorisé les départements à décider que la prestation de compensation du handicap (PCH) peut être affectée à d’autres charges que celles qui sont aujourd’hui prévues. Par ailleurs, ils avaient assoupli les marges de manœuvre dont disposent les conseils départementaux dans le cadre du versement du revenu de solidarité active (RSA). Un autre amendement renforçait le pouvoir réglementaire local pour favoriser l'installation ou le maintien de professionnels de santé.

  • Délégations de compétences et CTAP

Sur les délégations de compétences et le fonctionnement de la conférence territoriale de l'action publique (CTAP), les sénateurs ont prévu plusieurs modifications en commission. Ils ont élargi et assoupli les possibilités de délégation de compétences entre les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi qu'entre l'Etat et les collectivités territoriales. Les intercommunalités pourraient déléguer leurs compétences à un département ou à une région – à la condition d'obtenir l'accord express des communes. Les dispositions adoptées permettent aussi aux départements de se voir déléguer l’octroi et le financement d’aides aux entreprises.

Le Sénat a en outre décidé que dans certaines conditions, le conseil régional et les conseils départementaux détermineraient la composition de la CTAP. Dans l'hémicycle, ils ont complété les dispositions en prévoyant l'obligation d'organiser, dans l'année suivant les élections régionales, un débat sur "les modalités de fonctionnement" de la CTAP et "notamment sur la création d’une ou plusieurs commissions" thématiques.

  • Démocratie locale

S'agissant du droit de pétition permettant d'inscrire à l'ordre du jour de la collectivité une consultation sur toute affaire relevant de la décision de celle-ci, les sénateurs l'ont limité. Chaque électeur ne pourrait l'exercer qu'une fois par an.

  • Intercommunalité

Le Sénat a autorisé les communes touristiques membres d’une communauté d’agglomération à retrouver l’exercice de la compétence "promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme", si elles le souhaitent. Ce faisant, il a tenté d'élargir une faculté qui, depuis la loi "Engagement et proximité" de décembre 2019, n'est ouverte qu'aux seules communes touristiques membres d'une communauté de communes. Ainsi, le Sénat essaie de revenir davantage sur le transfert des offices de tourisme à l'intercommunalité, qui avait été décidé par la réforme territoriale en 2014-2015.

Les sénateurs ont encore voté, contre l'avis du gouvernement, un assouplissement des modalités de scission de communautés de communes, afin que le silence du préfet n'y fasse pas obstacle. Cela, en vue notamment de favoriser deux procédures en cours, dans le Morbihan et les Vosges.

En commission, les sénateurs avaient voté un amendement hautement symbolique, qui supprime le transfert obligatoire des compétences "eau" et "assainissement" aux communautés de communes et d'agglomération. Mais lors de son audition, la ministre de la Cohésion des territoires avait défendu le statu quo, disant ne pas vouloir rouvrir le débat.

Toujours en commission, les sénateurs ont introduit dans le projet de loi des dispositions permettant des transferts de compétences "à la carte" des communes vers l'intercommunalité à fiscalité propre dont elles sont membres. La haute assemblée avait déjà tenté de créer cette possibilité lors de l'examen en 2019 du projet de loi "Engagement et proximité". Mais le gouvernement et la majorité à l'Assemblée nationale y avaient fait barrage. Le Sénat a aussi fait en sorte que les intercommunalités aient à définir précisément leurs compétences en matière de zones d'activité, de voirie, d'environnement, ou encore de politique du logement. Cet exercice de détermination de l'intérêt communautaire ou métropolitain permet de réserver aux communes la gestion de certains services ou équipements de proximité.

  • Transports

En matière de voirie, les sénateurs se sont employés à améliorer l'information des départements et des métropoles sur les routes nationales et autoroutes qui leur seront transférées. Il s'agit d'obliger l'Etat à ouvrir une concertation sur un sujet sur lequel il serait bien silencieux, selon les élus concernés. Le Sénat a aussi assoupli "la priorité accordée aux métropoles" dans les situations où le département et la métropole demandent la responsabilité de la gestion d'une même portion de route.

Mais, surtout, contre l'avis du gouvernement et de la commission des Lois, le Sénat a supprimé l'expérimentation permettant à des régions volontaires d'aménager et d'entretenir des routes nationales ou des autoroutes non concédées. Des sénateurs de gauche, comme de droite ont fustigé une disposition "déraisonnable", qui "ajoute de la complexité".

Les sénateurs ont aussi avancé l'ouverture à la concurrence des services de transports ferroviaires (RER) en Ile-de-France. Mais celle-ci interviendra au plus tôt en 2029.

  • Ecologie

En votant en séance un amendement LR, le Sénat a souhaité doter les régions de la faculté de déterminer la distance minimale entre les éoliennes et les habitations les plus proches. Il s'agit de compléter le "droit de veto" que la majorité sénatoriale entend accorder aux conseils municipaux pour l'implantation des éoliennes. Une nouveauté qu'elle a inscrite dans le projet de loi "Climat et Résilience", mais aussi à l'article 5 sexies du projet de loi 3DS.

Les sénateurs ont par ailleurs souhaité que les régions puissent être "force de proposition" dans le processus de désignation ou d’inscription d’un site Natura 2000.

  • Décentralisation

Les sénateurs ont renforcé les compétences des régions dans d'autres domaines. Ils leur ont confié principalement l’exercice de la compétence du service public de l’emploi (conduite de la politique régionale d’accès à l’apprentissage et à la formation professionnelle et coordination des acteurs du service public de l’emploi - sur ce point, voir notre article de ce jour). Par ailleurs, avec la bénédiction du gouvernement, ils ont accordé aux régions la fonction comptable résultant de la gestion des fonds structurels et d’investissement européens (FESI).

On notera aussi que le Sénat a institué un comité Etat-régions, afin de favoriser le dialogue entre les élus régionaux et le pouvoir central sur leurs compétences communes. Les formations de l'instance se réuniraient au moins une fois par an.

Le Sénat a juste entamé le 9 juillet la discussion des deux premiers articles du titre III consacré au logement et à l'urbanisme. Il devait reprendre ce lundi soir l'examen du projet de loi, 734 amendements restant en discussion. L'examen devrait durer au moins jusqu'à la fin de la semaine, une prolongation des débats en début de semaine prochaine n'étant pas exclue. Les explications de vote et le vote sont prévus le mercredi 21 juillet.