Des indicateurs pour mesurer l'engagement territorial des entreprises
Impact Tank, cercle de réflexion créé en octobre 2020 à l'initiative du groupe SOS, a rendu le 18 avril 2024 son rapport pour "Mesurer l'impact social et l'ancrage territorial des entreprises" à Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation. Le document propose un référentiel d'indicateurs communs pour évaluer l'impact social des entreprises et une série de recommandations pour que l'action publique favorise cet engagement.
Impact Tank, le premier cercle de réflexion dédié à la valorisation et à la mise à l'échelle des innovations sociales à impact positif, lancé en octobre 2020 à l'initiative du groupe SOS, a remis son rapport "Mesurer l'impact social et l'ancrage territorial des entreprises" à Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation, lors de la deuxième édition du sommet de la mesure d'impact qui s'est tenue au Conseil économique, social et environnemental (Cese) le 18 avril 2024.
Fruit du travail d'un groupe réunissant collectivités, agences de développement économique, entreprises et fondations aux côtés du chercheur Timothée Duverger, responsable de la Chaire territoires de l'ESS à Sciences Po Bordeaux et de la directrice du laboratoire Evaluation et mesure d'impact social et environnemental de l'Essec, Elise Leclerc, le rapport dresse un triple constat. "Le premier constat, c'est que face aux enjeux de transition écologique, on est confronté à une succession de crises, gilets jaunes, agriculteurs, et qu'il faut se poser la question de l'acceptation sociale, a expliqué Timothée Duverger, ensuite, pour résoudre les problèmes, cela se joue au niveau des territoires, et enfin, troisième constat, les entreprises ont un rôle à jouer d'où la notion de responsabilité territoriale. Il ne s'agit pas seulement pour elles de résoudre leurs externalités négatives mais de contribuer à la résolution de problèmes et cela à travers l'action collective."
Un référentiel d'indicateurs communs
Les entreprises peuvent ainsi contribuer au bien commun des territoires en matière d'emploi, de logement, de déchets, d'éducation… Le groupe de travail a analysé près d'une centaine d'initiatives de ce type et a travaillé durant treize mois sur le sujet à partir d'études et d'auditions. "Il y a au fond quatre chantiers qu'on a mis en place : une revue de littérature sur le sujet de l'engagement territorial des entreprises, un recensement des initiatives pour donner à voir concrètement ce que cela recouvre, une mesure d'impact social territorial et des recommandations", a indiqué Timothée Duverger.
Le rapport propose ainsi un référentiel d'indicateurs communs de mesure d'impact social de l'action des entreprises qui doit permettre aux acteurs d'harmoniser leurs pratiques de mesure et de parler un langage commun pour valoriser les résultats individuels et collectifs. Les indicateurs sont organisés en onze catégories*, elles-mêmes déclinées en résultats et impacts collectifs et individuels. Dans le domaine de la cohésion sociale, on peut ainsi citer l'évolution de la fréquence des interactions sociales et familiales, du nombre de création de collectifs, d'associations, de mouvements sur le territoire, ou encore de la proximité aux transports publics.
Coopération, démocratisation, expérimentation
Pour la mobilité, les indicateurs concernent notamment l'amélioration des comportements sur la route, la perception de l'amélioration du confort des trajets ou encore l'augmentation du covoiturage.
Le document propose des conseils pour la prise en main de ce référentiel et un guide pratique à destination des entreprises qui souhaiteraient développer de nouvelles coopérations pour faire évoluer leur rôle d'acteur économique vers celui d'acteur à impact.
Impact Tank avance aussi des recommandations d'action publique pour favoriser l'engagement local des entreprises, résumées en trois mots par Timothée Duverger : "Coopération, pour monter des coalitions d'acteurs, démocratisation, pour permettre aux salariés d'accéder à la gouvernance des entreprises, aux bénéfices, voire à la propriété, et expérimentation, un élément clé car pour faire face aux grandes mutations, on a besoin de défricher les possibles et cela se fait au niveau des territoires."
S'inspirer des modèles innovants d'ingénierie de la coopération
Le rapport préconise ainsi d'intégrer l'impact dans les stratégies économiques du territoire, en sensibilisant les entreprises au diagnostic territorial et en les aidant à développer des mesures d'impact, et des stratégies de "résilience productive" via la commande publique et privée. Le rapport propose notamment de s'inspirer des modèles innovants d'ingénierie de la coopération, citant l'exemple du Community Wealth Building, le "modèle de Preston", ville post-industrielle du nord de l'Angleterre, qui repose sur la relocalisation de l'économie et sur un nouveau contrat social entre administration et acteurs locaux. "Un tel modèle pourrait être expérimenté dans les villes accusant le plus de retard, insiste le rapport, en repensant leurs marchés publics et en développant des services publics ancrés sur l'entrepreneuriat local".
Autre recommandation : créer une stratégie France coopération pour instituer l'ingénierie du territoire. Il s'agirait notamment de renforcer les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) et d'acculturer les acteurs publics (élus et agents) sur le sujet. Pour les auteurs du rapport, il est enfin indispensable de structurer l'ESS dans les territoires et de soutenir les expérimentations locales à impact social, comme les Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD).
Mettre en relation les porteurs de projets et des hauts fonctionnaires référents
Au-delà du rapport, Impact Tank s'est associé à La France s'engage et au ministère de la Transformation et de la Fonction publiques dans le cadre d'un programme commun "La fonction publique s'engage". Objectifs : sélectionner dix structures pour les aider à changer d'échelle et déployer plus largement les solutions qu'elles proposent en les mettant en relation avec des hauts fonctionnaires référents.
Parmi les structures sélectionnées : Resonantes, une association nantaise qui a créé en 2015 la première application gratuite destinée aux victimes de violences faites aux femmes, App-Elles, leur permettant d'alerter les proches, les secours, gendarmeries, associations et plateformes d'écoute spécialisées. Granny Geek, une entreprise sociale qui accompagne les seniors dans leur vie numérique au quotidien. Un toit vers l'emploi, une entreprise qui produit des maisons en bois à bas coûts et les propose en location dans le cadre d'un parcours de réinsertion sociale et professionnelle à destination de personnes sans domicile fixe. L'entreprise se heurte actuellement aux contraintes réglementaires en matière d'urbanisme. Le partenariat permettra d'avancer sur le sujet, en déterminant comment intégrer ces habitations dans les plans locaux d'urbanisme (PLU) et les faire reconnaître officiellement comme logements sociaux agréés.
* Cohésion sociale, inclusion, éducation et culture, accès à l'emploi/formation, soutien à la pérennisation des activités, aide à la transition écologique, mobilité, alimentation, santé/prévention, accès au logement, accès au numérique.