Olivia Grégoire veut "renforcer la présence et la connaissance" de l’économie sociale et solidaire dans les territoires
La ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises dévoilait ce 6 novembre 2023 sa feuille de route en faveur de l’économie sociale et solidaire. Avec l’appui d’un délégué ministériel qui sera bientôt officiellement nommé, Olivia Grégoire entend renforcer l’ancrage territorial de ce mode d’entrepreneuriat : fonds d’amorçage dans la ruralité, poursuite du soutien aux pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) ou encore renforcement des chambres régionales de l’ESS. Olivia Grégoire souhaite également développer le recours aux contrats à impact et ouvrir des discussions sur un contrat de filière destiné à réunir l’écosystème de l’ESS autour d’objectifs de performance.
En ce début de "Mois de l’ESS", Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, a dévoilé sa feuille de route pour l’économie sociale et solidaire (ESS), d’abord face à une assemblée d’acteurs puis devant la presse. La ministre au large portefeuille a d’emblée confirmé qu’elle serait bientôt épaulée par un délégué ministériel à l’ESS en la personne de Maxime Baduel, qui avait fait partie de son cabinet en 2020-2021 avant de prendre la direction générale de l’association Solidarités nouvelles pour le logement. "Relais utile et indispensable", ce délégué ministériel contribuera à "animer l’écosystème" de l’ESS et à "repérer les difficultés mais aussi les propositions portées par l’ESS, principalement depuis et dans les territoires", résume Olivia Grégoire, indiquant que le décret de nomination sera publié "d’ici quelques jours".
"Malgré tous les efforts des têtes de réseau depuis dix ans, depuis la loi Hamon, cette économie n’est pas toujours assez bien connue dans les territoires", selon la ministre qui estime que son rôle est de "faire connaître et reconnaître" l’ESS et de rendre cette dernière "de plus en plus inspirante pour des acteurs de l’économie conventionnelle". Il s’agit d’ailleurs de l’un des axes de la stratégie présentée ce 6 novembre : renforcer les ponts entre l’ESS et l’économie classique.
1 million d’euros par an pour l’émergence de projets ESS dans les territoires ruraux
Mais Olivia Grégoire a davantage développé un autre axe de sa feuille de route qui consiste à "renforcer la présence et la connaissance" des acteurs de l’ESS dans les territoires. Invoquant un impératif d’équité territoriale, la ministre renouvèle son engagement de faire sorte qu’il y ait "un ETP plein" dédié à l’ESS au sein de chaque préfecture – ce qui ne serait le cas actuellement que dans "six ou sept régions". Dans le cadre du plan France ruralités, un fonds d’amorçage de 3 millions d’euros sur trois ans (1 million par an) sera spécifiquement alloué à des projets d’ESS en territoire rural, annonce-t-elle par ailleurs.
Autre outil privilégié : les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), avec un financement de 2,5 millions d’euros par an dont 1 million pour la création et la structuration de pôles et 1,5 million pour le changement d’échelle de 15 pôles. Pour "professionnaliser" davantage ces PTCE, Olivia Grégoire proposera au prochain Conseil supérieur de l’ESS d’identifier des thématiques pour les appels à projets à venir, par exemple sur la transition écologique et en particulier la rénovation thermique.
La ministre veut s’atteler également à l’évolution des chambres régionales de l’ESS (Cress) afin de leur donner "plus de visibilité et de lisibilité". Ce sujet avait donné lieu, en février 2023, à un rapport d’ESS France (voir notre article). Annonçant vouloir proposer "un cadre", Olivia Grégoire soulève notamment le lien entre les chambres de commerce et d’industrie (CCI) et les Cress et cite en exemple le travail d’articulation réalisé en région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Transmission d’entreprises : valoriser les Scic et les Scop
La ministre en charge de l’ESS promet par ailleurs une augmentation prochaine, lorsqu’un "véhicule législatif" s’y prêtera, du "plafond destiné à l’investissement solidaire des fonds 90-10 à 15%, ce qui permettra aux acteurs de la finance solidaire de lever jusqu’à 800 millions d’euros d’encours supplémentaires vers les foncières solidaires et autres acteurs de l’économie sociale". Olivia Grégoire s’engage aussi à faire aboutir le chantier de dématérialisation des démarches concernant les entreprises solidaires d’utilité sociale (Esus, voir l’encadré à notre article de mai 2023).
"Nous avons un énorme sujet dans les années qui viennent qui est lié à la transmission et la reprise d’entreprises", pointe par ailleurs la ministre, indiquant que 25% des dirigeants de TPE-PME ont plus de 60 ans. "Les Scic [sociétés coopératives d’intérêt collectif] et les Scop [sociétés coopératives de production] peuvent être des réponses très intéressantes dans le cadre de la reprise", poursuit-elle, invitant à faire connaître des solutions telles que les Scic de centre-ville pour permettre des mutualisations entre des commerces.
"Simplifier" et éventuellement "massifier" le recours aux contrats à impact
Autre axe de la feuille de route d’Olivia Grégoire : le soutien à l’innovation sociale, avec comme levier principal les contrats à impact. "Nous travaillons actuellement à ce que la durée de structuration d’un contrat à impact n’excède pas plus de douze mois, parce que c’est beaucoup trop long", précise-t-elle. L’ambition de la ministre est de "simplifier" et "peut-être aussi de massifier" le recours à cet outil, suite au rapport que Thomas Cazenave lui avait remis en mars 2022 (voir notre article).
La ministre dit prendre en compte la demande des acteurs – notamment de l’Union des employeurs de l’ESS (Udes) et de ESS France, dont les présidents entouraient la ministre ce 6 novembre – de reconnaissance de l’innovation sociale dans la politique de crédit d’impôt. Sur le réseau X (ex-Twitter), Olivia Grégoire affirme également vouloir aider l’écosystème de l’ESS à "aller chercher les financements existants que ce soit auprès des fonds européens ou de France 2030".
Un contrat de filière pour fixer "des objectifs économiques à cinq-dix ans"
ESS France et l’Udes étaient en attente d’une "loi de programmation" pour l’ESS. Olivia Grégoire a ouvert la porte à des discussions sur un "contrat de filière", estimant que l’ESS, "économie mature", est une filière. Le contrat de filière est utile pour "rassembler les acteurs d’une chaîne de valeur" et "se fixer des objectifs en matière de performance (…), des objectifs économiques à cinq-dix ans", cela "tout en continuant à acculturer les autres ministères à l’économie sociale et solidaire", répond la ministre, interrogée sur le caractère multi-sectoriel de l’ESS et interministériel de la politique qui y est dédiée.
Sur cet éventuel contrat de filière, "à voir", réagit Hugues Vidor, président de l’Udes, interrogé par Localtis en marge de ces annonces, un peu dubitatif du fait de la présence de l’ESS dans de nombreuses filières. Mais le représentant des employeurs de l’ESS se veut confiant : "Avec Olivia Grégoire, la discussion est possible et il y a des choses qui avancent."