Transports - Des députés proposent de réformer la gouvernance du RER
C’est un épais rapport que tous les élus intéressés par la gestion du RER s’empresseront de consulter. Publié le 7 mars, il est le fruit de deux mois d’auditions (dont plusieurs avec des élus locaux et des représentants d’usagers) menées par une commission d'enquête parlementaire. "Un dispositif relativement exceptionnel", selon son rapporteur, Pierre Morange, député UMP des Yvelines, puisqu’il n’y a qu’une dizaine de commissions d’enquête par mandature. Voté à l'unanimité par ses membres, ce rapport n’est donc pas anodin et participe selon lui d’un mouvement de "reprise en main par le politique de choix qui ne peuvent plus être imposés par la technostructure". Par là, entendez le trio d’opérateurs publics RATP, SNCF et RFF. "Il ne s’agit pas de leur dresser un procès d'intention mais de les inciter à agir dans le cadre plus rationnel d’une gestion unifiée", a-t-il ajouté. "Car ils font chacun bien leur boulot mais dans leur coin, sans se parler. D’où la nécessité de réformer la gouvernance du système en visant en priorité à replacer l’usager au coeur du dispositif", a complété Arnaud Richard, député UMP des Yvelines. Entre autres, ce rapport propose ainsi de renforcer la place des usagers au sein des conseils d’administration ou de surveillance de la SNCF, de la RATP mais aussi de Réseau ferré de France (RFF) et de la Société du Grand Paris (SGP).
Vers une gouvernance unifiée
Le rapport pointe les "comptabilités opaques" des opérateurs : "Aussi surprenant que cela paraisse, il est impossible tant pour la SNCF que la RATP d’apprécier les résultats de l’exploitation de chaque ligne du RER." Pour que le Syndicat des transports d'Ile-de-France (Stif), autorité organisatrice des transports de la région, ne soit pas contraint de "s’engager à l’aveugle" avec eux dans une contractualisation sur 2012-2015, les députés exigent que les opérateurs délivrent une comptabilité plus précise au terme de l’exercice 2012. Ils suggèrent aussi qu’ils regroupent des compétences et moyens dédiés au sein d’un groupement d’intérêt public baptisé "GIP RER". Cette unité de gestion et de supervision rassemblerait les multiples acteurs intervenant sur le réseau. Les comités de lignes y seraient associés et l’ensemble donnerait plus de visibilité aux "activités RER" et au label Transilien qui, une dizaine d'années après son lancement, reste encore mal cerné. Cette idée d’un commandement unifié semble en effet la bonne voie car jusqu’à maintenant, les différences de gestion entre la SNCF et la RATP sont telles qu’on les retrouve partout, tant dans la culture interne de ces entreprises que sur le plan technique. Ce rapport nous apprend ainsi qu'"y compris sur les lignes qu’elles exploitent en commun, elles utilisent des systèmes d’alimentation électrique différents".
Faire évoluer l’exploitation et la place des usagers
Sur un plan technique, les députés préconisent d’augmenter sur la ligne A le nombre de rames à double étage (pour "atteindre fin 2015 un total d’au moins 65 rames"), d’étudier la faisabilité d’en faire rouler sur la ligne B, de revoir le schéma d’exploitation du RER C, de renforcer le schéma directeur de la ligne D et de prendre d’ici 2014 une décision concernant le doublement du tunnel Châtelet - Gare du Nord. Pour renforcer la place des usagers, il faut revoir le fonctionnement et le rôle du Comité des partenaires du transport public (CPTP), réserver aux associations d’usagers du RER un espace d’affichage dans les gares et faire réaliser un guide annuel des gares et trajets accessibles aux personnes à mobilité réduite.
Une charte d’engagement
Les députés reprennent une partie des mesures qu’ils préconisent de mettre en oeuvre dans une charte d’engagement. Ils espèrent la faire rapidement signer aux présidents de la SNCF, Guillaume Pepy, de la RATP, Pierre Mongin, et de RFF, Hubert du Mesnil. "Sur ce dossier, on ne lâchera pas", insiste Daniel Goldberg, le député PS de Seine-Saint-Denis qui a présidé la commission. Cette charte se décline en six mesures d’urgence à réaliser d’ici la fin d’année. "Cet échéancier reste raisonnable", précise Pierre Morange. Deux de ces mesures concernent la mise en place d’un centre unique de commandement des lignes A et B. Enfin, les députés réclament la mise en place d'ici fin 2012 d'un "système d'information fiable, complet et multimodal pour communiquer de manière systématique des informations en cas d'incident" aux voyageurs, dans toutes les gares, y compris en langue étrangère.
Morgan Boëdec / Victoires éditions
Jean-Paul Huchon satisfait du rapport
Jean-Paul Huchon, président de la région Ile-de-France et du Stif, s'est "félicité" le 8 mars des conclusions de la commission d'enquête parlementaire. "Ce rapport valide totalement la logique du plan de mobilisation pour les transports que les collectivités franciliennes et le Stif défendent depuis 2008 et auquel l'Etat s'est dernièrement rallié suite aux débats publics sur le Grand Paris", s'est-il réjoui dans un communiqué. Deux urgences avaient été identifiées : les lignes RER ainsi que la désaturation de la ligne 13 par le prolongement de la ligne 14. Jean-Paul Huchon "salue" les propositions des parlementaires sur les financements pour la modernisation des RER. "La sécurisation des financements de l'Etat en faveur des RER et le réinvestissement en Ile-de-France de l'intégralité des redevances payées par le Stif sont une première réponse", a-t-il souligné. "De la même manière, la région est engagée dans la durée pour la modernisation du réseau RER. Mais il faudra sans doute aller plus loin, en mobilisant des ressources nouvelles ou existantes", a-t-il ajouté. Il a aussi approuvé la demande d'"une meilleure coordination des opérateurs sur les lignes A et B du RER", rappelant que c'est "sous l'impulsion du Stif qu'a été supprimée la relève des conducteurs à Gare du Nord et décidée la création d'un centre unique de commandement de la ligne B". A.L.