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Industrie - Des commissaires plutôt productifs

Depuis le 2 juillet 2012, 22 "commissaires au redressement productif" - un par région - sont chargés de détecter et de soutenir les entreprises de moins de 400 salariés en difficulté. Au total, près de 46.000 emplois ont été préservés dans ces entreprises en difficulté depuis le 1er juin 2012. Sur le terrain, chacun de ces émissaires tente de jouer à sa façon son rôle de "facilitateur".

"Entreprises en difficulté : près de 46.000 emplois préservés". Le titre inscrit sur le site internet du ministère du Redressement productif est accrocheur. Mais difficile de comprendre ce qu'il signifie réellement... Tout juste peut-on en apprendre davantage grâce à la communication faite en Conseil des ministres le 6 février dernier : "Sous l'impulsion du ministre du Redressement productif, et grâce au rôle du Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri) et des 22 commissaires au redressement productif, environ 330 dossiers ont été traités avec succès depuis le 1er juin 2012. Près de 46.000 emplois ont été préservés sur un total de 55.500 emplois concernés." Tous ces chiffres, qui, depuis un récent emballement médiatique, ne sont plus accolés au terme "sauvés" mais "traités", émaneraient donc du terrain. Et notamment des "commissaires".
A Besançon, Gilles Cassoti le dit simplement : "Quand le ministre parle, c'est avec nos chiffres. Car, chaque semaine, nous devons rendre des comptes au cabinet et, toutes les trois semaines, nous sommes reçus par groupe de cinq ou six pour faire le point sur nos dossiers les plus sensibles." Gilles Cassoti était déjà, depuis 2009, "réindus'" (commissaire à la réindustrialisation) de Franche-Comté. Lorsqu'il est devenu CRP (commissaire au redressement productif) de la même région, deux choses ont changé : "ma carte de visite et mes liens avec le cabinet", raconte-t-il.

Pression ministérielle

Car, si les CRP assurent ne pas avoir d'objectifs en termes de sauvetage d'entreprises – on comprend pourquoi –, ils sont astreints à une certaine pression en termes de remontées d'informations : "La 'présence' du cabinet dans notre quotidien est à l'image de la présence médiatique du ministre", confie l'un d'eux. Des contacts en haut lieu facilités, mais des comptes à rendre régulièrement… Les CRP semblent s'en accommoder et se veulent pragmatiques.
A l'instar de Patrice Greliche, qui occupe cette fonction en Limousin tout en continuant de diriger la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi) à Limoges : "Travailler sous cette pression nous oblige à mieux tracer ce que nous faisons ; à condition d'être bien organisé et structuré. Sinon, impossible de tenir la longueur. Mais, pour l'instant, c'est un dispositif jeune…" Chez lui, une cinquantaine de noms sont inscrits au tableau des entreprises à risque. Soit parce qu'elles l'ont sollicité directement ; soit parce qu'il a appris indirectement, par la cellule de veille et d'alerte mise en place par chaque CRP ou par les autres acteurs économiques (Urssaf, Oséo, Caisse des Dépôts, Banque de France, etc.) qu'elles ont des soucis de paiement de charges, de chômage partiel, etc.
Pour les aider, c'est encore avec pragmatisme qu'il agit : "Chacun a sa façon de travailler. Moi, je m'appuie sur mes équipes, réorganisées au sein de la Direccte et sur d'autres partenaires des entreprises lorsqu'ils sont à même de résoudre eux-mêmes les difficultés rencontrées." A chacun sa méthode, en effet. Souvent dictée, forcément, par son expérience, sa connaissance du terrain et ses moyens. "Nous sommes des commissaires sans commissariat", plaisante à moitié le sous-préfet Roger Reuter, CRP de Paca pour sa dernière année d'activité.
Lui qui a déjà comptabilisé 900 emplois menacés – "dont 500 sont encore là" –  se repose volontiers sur la Direccte, la direction des finances publiques, la CCI, etc. Ainsi que sur un dispositif local nommé Elise, pour "Equipe locale interministérielle de soutien aux entreprises", présent depuis plusieurs années. Mais, lucide, il reconnaît : "Nous ne sommes pas le Bon Dieu et ne pouvons sauver les entreprises qui viennent nous voir trop tard. De plus, c'est le marché qui commande et je ne peux rien faire pour les entreprises qui aimeraient que je leur fasse un chèque !"

Nouvelles attributions

Gilles Cassoti le dit, lui aussi : il assume son rôle de "facilitateur" et de "tricoteur de solutions sur mesure" avec beaucoup de marges de manoeuvres. Et peu de moyens : pas d'assistante, sa voiture de "réindus'" qui a parcouru 120.000 km depuis 2009… Même s'il est dans une région – la Franche-Comté – qui, proportionnellement à sa taille, est l'une des plus industrielles de France. "Chacun fait comme il le sent. Moi, je fais en sorte d'être toujours joignable par exemple. Car être au service des autres est gratifiant. Notre point commun, c'est que nous avons tous été briefés et formés ensemble au ministère avant de prendre nos fonctions."
Président de la Conférence générale des juges consulaires de France, Jean-Bertrand Drummen observe, côté tribunaux de commerce, l'action de ces CRP. Il les voit volontiers comme "de nouveaux acteurs économiques utiles à la détection des entreprises en difficulté". Mais il ne serait pas contre un texte qui renforcerait leurs attributions, ne serait-ce que pour qu'ils puissent être nommés contrôleurs dans le cadre des procédures, comme les créanciers : "Tous les points de vue comptent et ils devraient pouvoir s'exprimer davantage."
Rien n'est prévu en ce sens pour l'instant. Mais Arnaud Montebourg vient tout de même de réclamer en Conseil des ministres le renforcement du cadre juridique des missions des commissaires au redressement productif. Pour "les doter de moyens de prospection en vue de faciliter la recherche d'éventuelles solutions de reprise des entreprises en difficulté." Et ainsi, peut-être, renforcer leur efficacité.