Réindustrialisation - Arnaud Montebourg prépare un "plan de reconquête industrielle"
Alors que "sept des dix-sept pays de la zone euro sont en récession", la France s’apprête à son tour à vivre des moments difficiles, a prévenu Arnaud Montebourg, le 13 juin, à l’issue du Conseil des ministres où il a présenté les mesures qu'il souhaite prendre pour "parer à l’urgence économique dans laquelle se trouve le pays". Le ministre du Redressement productif, qui s’exprimait pour la première fois en tant que tel devant les journalistes, a annoncé qu’il présenterait dans les semaines à venir un "plan de reconquête industrielle", après discussion avec le président de la République et le Premier ministre.
Le Ciri (comité interministériel de restructuration industrielle), chargé de sauver les entreprises de plus de 400 salariés en péril, "a atteint son pic d’activité", a indiqué le ministre. "Le niveau de défaillance nous ramène à un niveau plus élevé que pendant la crise", a-t-il alerté, rappelant que 900 usines avaient fermé en trois ans et que 750.000 emplois industriels avaient été supprimés en dix ans quand, dans le même temps, "la part de la richesse industrielle est passée de 25% à 13-14%". Mais le ministre s'intéresse tout particulièrement au sort des 3,5 millions d’entreprises qui comptent moins de 400 salariés.
"Mini-Ciri"
A leur intention, le gouvernement va créer sans attendre des sortes de "mini-Ciri" dans chacune des régions. Ces derniers seront pilotés par des "délégués chargés du redressement productif" choisis "parmi les cadres existants de l’administration". Les préfets devront proposer des "personnes de terrain". Une circulaire est en préparation, en liaison avec le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, pour leur donner des instructions.
Ces délégués (ou commissaires, selon les termes du communiqué du Conseil des ministres) travailleront "en relation étroite" avec les présidents des conseils régionaux. Ils animeront une cellule régionale de veille et d'alerte précoce des entreprises en difficulté. Ils organiseront le cas échéant le soutien de l'Etat en concertation avec les actionnaires, les banques, les créanciers, les clients et les fournisseurs et la Banque de France. Ce seront "les protecteurs des entreprises, leurs confidents", a résumé le ministre. Les délégués serviront aussi de correspondants locaux du Ciri pour les grandes entreprises. Ils remplaceront les commissaires à la réindustrialisation installés par le précédent gouvernement en 2009 et qui ont été "laissés en jachère, en friche industrielle". "Il n’en reste plus que six sur les vingt-deux régions, ils ont disparu des écrans-radars", a critiqué Arnaud Montebourg (sur le sujet, voir ci-contre notre article du 21 février 2011). En revanche, il a salué le travail des deux médiateurs de la sous-traitance et du crédit. "Nous considérons que ces deux institutions sont très positives et ont apporté beaucoup de soutien aux entreprises et vont bien être autour de la table", a-t-il indiqué.
Plans sociaux abusifs
Arnaud Montebourg demande aux chefs d'entreprise de ne pas attendre d’être en difficulté pour alerter les pouvoirs publics. Ils doivent "nous saisir par avance, le plus tôt possible", a-t-il insisté, rappelant qu’une fois sur deux, les plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) débouchent sur une procédure de redressement et que les trois quarts des redressements aboutissent à une liquidation. Intervenir en amont permettrait aussi de "protéger la réputation de l’entreprise".
Au-delà de ce dispositif d’urgence, le ministre entend "aller plus loin". Des mesures législatives devraient être proposées dans le cadre de la conférence sociale des 9 et 10 juillet pour contrer les plans sociaux abusifs et protéger les intérêts industriels. "Il y a aujourd’hui des entreprises rentables qui gagnent de l’argent et qui sont fermées […] il s’agit de limiter la gourmandise de la finance", a-t-il dit. Mais cette mesure laisse sceptique nombre d'économistes qui se demandent comment juger de la viabilité d'une entreprise.
Interrogé sur l’avenir du secteur automobile et la possible réactivation d’aides du type des primes à la casse abandonnées en 2010, le ministre a dit que le sujet faisait "l’objet d’une instruction particulière au ministère", sans plus de précision. Carlos Tavares, le directeur général délégué de Renault, a fait une demande en ce sens mardi.