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Numérique - Déploiement des TIC : le projet de loi Macron assouplit les réglementations

Le projet de loi pour la croissance et l'activité qui sera examiné en séance publique à partir du 26 janvier comporte de nombreuses dispositions consacrées au numérique et aux nouvelles technologies. En commission spéciale, les députés ont même complété le projet initial par des mesures additionnelles.
Le train de mesures adoptées est plutôt hétéroclite. Il comprend cinq articles issus du projet initial déposé par le gouvernement, complété par une petite dizaine de nouvelles dispositions ajoutées par les députés, dans le cadre du travail en commission spéciale. Beaucoup répondent au souci d'alléger une réglementation contraignante qui pèse sur l'économie, l'emploi et la croissance. Leur impact sur les collectivités territoriales ne sera pas négligeable car, en majorité, elles sont destinées à réduire les freins au déploiement des réseaux fibre optique dans le cadre du plan France très haut débit.

Simplification de la procédure d'autorisation dans les immeubles en copropriété

La lenteur des procédures d'autorisation des opérateurs à poser la fibre dans les immeubles constitue un des principaux obstacles à la pénétration du très haut débit dans les foyers. La France appartenait encore, il y a peu, à la catégorie des pays européens les moins équipés en fibre dans les habitations (1% du marché de l'internet) et en fibre déployée jusqu'au bâtiment (2,5%). En 2014, le taux de pénétration de la fibre par rapport aux foyers éligibles a fortement progressé mais, tout en restant inférieur à 20%. L'arme principale pour déverrouiller l'accès est l'article 31. Il modifie la procédure de délivrance de l'autorisation de l'implantation de la fibre optique, en facilitant le transfert de la compétence décisionnelle au conseil syndical et non plus à l'assemblée générale des copropriétaires : "l'ordre du jour de l'assemblée générale comporte de droit un projet de résolution donnant au conseil syndical un tel mandat", confirme le texte. Le projet d'article qui n'a fait l'objet que d'amendements de forme, devrait faciliter la tâche des opérateurs privés et des collectivités locales très sollicités pour faire accélérer la procédure sur le terrain.

Installation préventive de la fibre dans les constructions neuves

Par ailleurs, un amendement additionnel prévoit d'étendre l'installation préventive des réseaux fibre optique à toutes les constructions neuves qui n'étaient pas encore inclues dans les dispositifs existants comme les maisons individuelles, les immeubles ne comportant qu'un logement ou un local à usage professionnel, ainsi que pour les lotissements (articles additionnels au L.111-5-1 du Code de la construction et de l'habitation) et les immeubles collectifs existants, faisant l'objet d'une réhabilitation lourde soumise à l'obtention d'un permis de construire. Ce travail effectué dès la construction sera plus économique et constituera un levier de déploiement rapide et efficace lors de l'arrivée de la fibre dans les quartiers. Le texte complète ainsi le dispositif existant déjà institué par la loi du 4 août 2008 (modernisation de l'économie) mais encore limité aux immeubles collectifs neufs.
Ces dispositions devraient désormais couvrir l'essentiel du bâti, neuf et ancien. Leur impact économique est, par conséquent, élevé. Selon certaines estimations, les perspectives de croissance liées à l'installation de la fibre dans le bâti pourraient générer 20.000 emplois supplémentaires dans le seul secteur de l'installation électrique. En outre l'accélération du raccordement des constructions à la fibre et du déploiement vertical des réseaux dans les immeubles, devrait conforter le plan France très haut débit en facilitant la tâche de commercialisation des opérateurs privés et publics.

Directive de réduction du coût de déploiement des réseaux

Le gouvernement demande par ailleurs au Parlement de légiférer par voie d'ordonnance sur la transposition de deux directives européennes (article 32). La première concerne l'harmonisation de la mise à disposition d'équipements radioélectriques (2014/53/UE) et la seconde vise à réduire le coût de déploiement des réseaux (2014/61/UE) à travers le partage de règles de transparence et d'accès aux infrastructures physiques existantes (fourreau, pylônes en aérien, etc.), le pré-équipement systématique des bâtiments neufs et des bâtiments anciens lors de rénovations de grande ampleur et l'ouverture de l'accès aux infrastructures dans les bâtiments et aux abonnés d'un immeuble. Une troisième autorisation de légiférer par voie d'ordonnance est prévue dans ce même texte dans le but d'optimiser l'élaboration des servitudes radioélectriques. La procédure qui est jugée administrativement complexe, longue et coûteuse, vise à limiter les obstacles physiques et les risques de perturbations électroniques à proximité des centres radioélectriques. Actuellement 5.500 installations sont ainsi protégées par 10.000 décrets. Or leur nombre est en pleine croissance ce qui justifie cette optimisation des procédures.

Objectifs de la régulation clarifiés

Les députés ont profité du travail en commission pour proposer des amendements autour de la régulation. Dans la continuité du rapport d'information qu'elle avait co-signé avec Laure de la Raudière sur "l'impact de la régulation des télécoms sur la filière télécom", Corine Erhel, députée des Côtes-d'Armor, a présenté une réécriture partielle de l'article définissant les objectifs et l'articulation de la régulation en matière de télécommunications (article L. 32-1 du Code des postes et des communications électroniques). L'amendement adopté vise à "mieux classer" et "hiérarchiser par ordre de priorité" les objectifs à atteindre par le ministère concerné et le régulateur. Ces derniers passent de 21 dans la version actuelle, à 18 dans la version proposée. Le projet met en exergue les éléments relevant plutôt de la compétence du ministre et ceux qui incombent au régulateur, autrement dit à l'Arcep. Le moment de clarification et de débat au Parlement est bien choisi, quelques jours après la nomination de Sébastien Soriano, nouveau président de l'Arcep. "La régulation doit à la fois conforter l'investissement, préserver et si possible, amplifier la création d'emploi, développer l'innovation... alors qu'elle n'est souvent abordée qu'au regard du prisme de la concurrence", constatera la députée en présentant son texte avant la mise aux voix. Un second amendement de régulation clarifie les modalités d'établissement de la prestation d'itinérance sur le territoire métropolitain en définissant le régime juridique de la convention conclue le cas échéant entre deux opérateurs (article L.34-8 du Code des postes et des communications électroniques).

Modernisation de l'action publique… aussi

Deux dispositions plus orientées sur la modernisation de l'action publique ont également été insérées, dès l'origine, dans le projet de loi. La première, qui devait à l'origine autoriser le gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les dispositions permettant l'ouverture et le partage gratuit des données du registre national du commerce et des sociétés (RNCS), est remplacée par des mesures inscrites directement dans la loi (article 19). Le texte adopté en commission modifie le Code du commerce et précise les modalités de transmission par le greffier du tribunal de commerce à l'Inpi "des documents valant originaux des actes déposés par les entreprises et des informations extraites de ces documents dans un format informatique compatible avec le RNCS, de façon à permettre leur interopérabilité et leur réutilisation". L'Inpi se voit ainsi confier, "en lien avec le projet de bases de données ouvertes promu par le gouvernement", la mission d'assurer la diffusion gratuite des données retraitées informatiquement du RNCS à des fins de réutilisation notamment par les entreprises spécialisées dans la valorisation d'informations économiques. Cette décision est en rupture avec le système "marchand" pratiqué par le GIE Infogreffe et qui sans doute freinait aussi la diffusion et la réutilisation d'informations utiles à la vie des affaires. La seconde mesure prévoit la mise en place d'un identifiant électronique unique pour les entreprises. Celles-ci pourront ainsi réaliser l'ensemble de leurs démarches en ligne d'ici la fin 2016 au niveau national, comme au niveau local. A cette fin, le gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance dans un délai de neuf mois toute mesure définissant les conditions de mise en place du dispositif.