Archives

Aménagement numérique - Déploiement de la 4G supérieur aux attentes, mais au détriment des territoires ruraux

Les opérateurs de télécommunications avancent à marche forcée sur le déploiement de la téléphonie mobile de quatrième génération (4G), mais en privilégiant surtout les zones urbaines au détriment des territoires ruraux. C'est ce que révèle la dernière enquête mensuelle de l'observatoire de l'Agence nationale des fréquences, enquête arrêtée au 1er janvier 2014. L'observatoire est désormais enrichi de données détaillées, département par département, afin de suivre les progressions de couverture en 2G, 3G et surtout en 4G.
Autant le dire d'emblée, le monde rural n'est, pour l'instant, pas à la fête. La situation est d'ailleurs assez visible, sur fond de guerre commerciale déclarée entre opérateurs. Ces derniers privilégient évidemment la couverture des zones les plus denses au détriment des autres. Les chiffres publiés sont assez édifiants puisque les neuf meilleures couvertures (plus de 300 antennes en service) concernent les départements accueillant une grande agglomération ou faisant partie des territoires les plus urbanisés (1). A l'inverse, près de la moitié des départements disposent moins de 50 antennes actives en 4G (49 exactement) et près de 15 ne comptent encore aucune antenne active (ni d'autorisation accordée) dans la bande de fréquence des 800 Mhz (2), censée offrir les meilleures qualités de propagation. A l'exception de Bouygues Télécom, plus présent dans les zones péri-urbaines, voire même rurales, en raison d'une campagne de déploiement exceptionnelle, les trois autres opérateurs semblent plutôt concentrer leurs investissement sur les agglomérations.

Dépassement très large des objectifs de couverture

Cette fracture territoriale ne devrait cependant pas durer éternellement. Rappelons en effet quelques-unes des obligations des opérateurs détenteurs de licences sur la bande des 800 Mhz. Tous se sont engagés à couvrir 95% de la population de chaque département à échéance de 15 ans. Avec cela, rien de vraiment intéressant à attendre dans l'immédiat pour les ruraux. Toutefois, une zone prioritaire a également été définie. Elle représente 18% de la population et 63% de la surface du territoire métropolitain. Sur cette zone, les opérateurs titulaires d'une licence (Bouygues, Orange et SFR) ont une obligation de couverture de 40% d'ici à 2017 et de 90% d'ici à 2022. Ce qui devrait imposer progressivement une accélération du rythme de couverture. Mais, en attendant, les territoires ruraux, souvent maintenus à l'écart du haut débit, restent mal desservis et devront patienter au mieux quelques mois et au pire plus d'une décennie.
Seule bonne nouvelle : l'objectif imposé par l'Arcep de 25% de couverture du territoire pour la fin 2015 est déjà très largement dépassé en 2013. Bouygues Télécom annonce une couverture de plus de 60% de la population, Orange aurait franchi le cap des 50% et SFR pointe à 40%. Reste à savoir quelle sera la tendance en 2014. Le rythme de déploiement pourrait être plus tempéré. Rien n'oblige en effet les opérateurs à anticiper sur leurs obligations de 2017 alors qu'ils ont déjà beaucoup investi.

Risques de fronde

L'écart sur l'accessibilité au très haut débit entre zones urbaines et zones rurales risque donc de s'accroître pendant un temps. Il faudra faire preuve de patience. De quoi réveiller la fronde, à l'enseigne des habitants du hameau de Bussy (Commune de Sainte-Anne-St-Priest / Haute-Vienne) privés de haut débit fixe, de 3G et de 4G. Après avoir en vain réclamé une amélioration de leur situation depuis 2008, et malgré des accès par satellite, ils viennent de lancer une grève collective des impôts en signe de protestation, s'estimant "traités comme des citoyens de seconde zone".
L'effet double peine souvent évoqué par le sénateur et président du conseil général de l'Oise, Yves Rome, devient "triple" dans ce cas. Peut-être conviendra-t-il alors, comme certains élus le suggèrent, d'envisager un traitement spécial pour les zones les plus mal desservies du territoire. Ce n'est pas à l'ordre du jour, mais attention aux mouvements intempestifs qui pourraient naître sur un sujet désormais sensible aux yeux des Français. En attendant, quelques conseils généraux ont déjà annoncé vouloir renforcer leur vigilance sur le déploiement des zones prioritaires afin de ne pas avoir de surprises désagréables aux échéances fixées.

Philippe Parmantier / EVS

(1) Paris (804), Rhône-Lyon (669), Bouches-du-Rhône-Marseille (660), Nord-Lille (484), Hauts-de-Seine (428), Haute-Garonne-Toulouse (397), Gironde-Bordeaux (388), Seine-St-Denis (329), Loire-Atlantique (309).

(2) Allier, Alpes-de-Haute-Provence, Ardèche, Ariège, Cantal*, Creuse, Jura, Haute-Loire, Lozère*, Haute-Marne*, Mayenne, Meuse*, Nièvre, Haute-Saône, Yonne*. On notera que les 5 départements (*) ne disposent d'aucune antenne ni d'autorisation d'antenne pour le moment et constituent une zone blanche intégrale pour la 4G, malgré la présence de la ville de Sens pour l'Yonne.